L’an 402 avant Jefus - Chrift , fous le règne
d’Àrtaxerxe Mnémon, s’alluma la guerre entre ce
* prince & Cyrus le jeune , fon frere. Elle éclata
d’abord contre Tijfapherne. Paryfàtis , mère des deux
princes, & dont toute la ptéd leélion étoit pour Cyrus
le jeune, {’avoit déjà réconcilié avec le roi , fon
frère, qui avoir même porté fa bienfaifance envers
Cyrus, plus loin qu’une faine politique ne le per-
mettoit peut être.. Cyrus , s’armant des bienfaits
d’Aitaxerxe contre lui , gagna quelques-unes des
villes du gouvernement de Tijjapherne, qui, fidèle
à fon roi , arma pour les réduire. Il ne fit par 'à
que fournir à Cyrus un prétexte de faire de fon cô é
fes armemens fans alarmer la cour. Cyrus envoya
de grandes plaintes au roi contre ce gouverneur ,
demandant la permifîiôn de fe défendre contre lui,
demandant même du fecours pour le contenir dans
le refpeÛ. On le laiffa donc faire tant qu’il voulut,
des préparatifs qu’cn croyoit deftinés uniquement
contre Tijfapherne, 8c que même dans ce cas il au-
roit fallu arrêter.
Tijfapherne , qui voyant ces préparatifs de plus
près,étoit plus à portée d’en juger, partit en polie
de Milet, pour en donn-r avis au roi. De ce moment
, il eut pour ennemie irréconciliable Paryfàtis ,
protêcirice déclarée de fon cher Cyrus.
Ce fut principalement du lècours des Grecs, que
Cyrus fe fortifia contre fon frère , mais il fut obligé
de les tromper 8c de fe fuppofer un autre ennemi
qu’il difoit être du côté de l’Euphrate ; lorfqu’ils fe
virent fi avancés , ils eurent honte de reculer, 8c
une augmentation de paye acheva de les déterminer,
La bataille fe livra bientôt à Cunaxa , lieu éloigné
d’environ vingt cinq lieues de Babylorie. Tijfapherne
fut un .des quatre généraux qui combatiirent dans
cette journée fous Artaxerxe 8c le fut celui qui fe
diflingua lé plus. Il avoit en tête les Grecs , ceux-ci
défirent l’aîle gauche qu’il commandoit, mais iis ne
purent l’empêcher de palier à travers leurs rangs 8c
de pénétrer jufqu’au roi -, qui ayant de fon côté enfoncé
l’aîle des rebelles qu’il avoit en tête , 8c ne doutant
plus de la vi&oire , fur-tout après avoir vu Cyrus
abattu 8c tué à fes pieds, étoit occupé à piller le
camp ennemi. Tijfapherne lui apprit que les Grecs
étoient viélorieux , & pourfuivoient vivement fon
aîle gauche; le roi alors ralliant fes troupes , les
ramena au combat avec Tijfapherne , mais ce fut
pour être vaincu 8c mis en fuite. Les Grecs retournèrent
enfuite dans leur camp , qu’ils furent bien
étonnés de trouver abandonné 8c pillé ; ils furent
plus étonnés encore de ne pas voir reparoître Cyrus ;
ils l’attendirent long-temps , perfuadés que la viéfoire
l’avoit entraîné ou à la pourfuite des ennemis, ou à
Pat-laque foudaine de quelque place importante ; ils
ignoroient que la viéjoire n’avoit été que pour
eux, 8c qu’ ils avoient vengé le malheureux Cyrus
en croyant le féconder,
Lorfqu’Artaxerxe fut que cette poignée de Grecs :
devant laquelle il avoit fui, n’êtoit cjue de dix mille, :
il reprît courage 8c les envoya fommer de fendrô
les armes ; ils répondirent qu’on ne f»ifoit pas un©
parei’le propofition à des vainqueurs ; que fi le roi
prétendoit avoir leurs armes, il vînt les leur arracher ;
que s’il vouloir les avoir pour alliés, il n’en aurôit
jamais de plus fidèles ; que s’il vouloit des efclaves ,
il en cherchât ailleurs que chez les Grecs. Ils ajoutèrent
qu’ils -n’âvoient ni penfé ni voulu faire la guerre
au ro i, que Cyrus leur avoit lai fié ignorer contre
quel ennemi il les conduifoit, jufqu’au moment où
le voyant engagé dans le péril, ils avoient eu honte de
l’abandonner ; mais qu’ils ne contefioient rien au
r o i, 8c qu’ils ne lui demandoient rien qu’un libre
retour dans leur patrie. Les Grecs, en parlant ainfi,
confervoient leur ordre de bataille ; il paroît qu’on
cherchoit à le troubler, mais que leur fiète contenance
8c le fouvenir de leur victoire en imposèrent.
. Tijfapherne vint au bout de quelques jours , leur
dire que beaucoup de perfonnes , ou par zèle pour
le ro i, ou par- haine contre les Grecs , avoient
repréfènté au ro i, qu’il étoit de fa gloire 8c de
fon intérêt -de ne. pas laifler retourner tranquillement
<ians leur pays, des gens venus de fi loin pour
lui faire la guerre ; mais que lui, Tijfapherne, avoit
faifi cette occafion d’interpoler fês bons offices en
faveur des Grecs , dont il étoit voifin dans fon gouvernement;
qu’il avoit obtenu de les accompagner
8c de les efeorter dans leur retour, en retournant lui-
même dans fon gouvernement ; que for leur route
on leur fourniroit des vivres , ou qu’en leur en
laifleroit prendre en, payant. On fe mit donc en
marche , en s’obfervant de part 8c d’autre avec allez
d’inquiétude, 8c les défiances alloient toujours en
augmentant, fur-tout de la part des Grecs. Quand
on fut arrivé à de certains villages fitués fur le
Tigre, 8c qu’on appelloit les villages, de Paryfatis,
Paryjatidis pagi, parce que cette reine en poffédoit
les revenus , Tijfapherne , pour faire une in fuite à
Paryfatis, 8c peur diffiper les foupçons des Grecs ,
leur abandonna le pillage de ce canton ; mais bientôt
ces foupçons 'furent pleinement juflifiés , lorfque
Tijfapherne ayant invité , fous prétexte d’une conférence,
les principaux chefs des Grecs , à venir
tous enfemble dans fa tente, les fit tous arrêter 8c
les envoya au roi qui leur fie trancher la tête. On
crut que les Grecs, privés ainfi de leurs chefs , Sc
rie fachant quel parti prendre, alloient fe débander
8c abandonner leuis armes , ou les remettre aux
Perles pour avoir la vie fauve. On fe trompot :
cette indignité iv*eut d’autre effet que de leur faire
prendre la réfolution la plus couràgeufe. Ce Lit alors
que fous la conduite de Xénophon 8c d’autres ch .fs
qu’ils élurent en la place de ceux qu’on leur avoit
enlevés , ils firent cette fameufé retraite depuis la
Babylonie jufqu’à Trébifonde , dans un efpacede cinq
à fix cent lieues, fans guides, fans vivres que ceux
qu’ils furent fe procurer , toujours en bataille, fans
jamais rompre leurs rangs , toujours faifant face à
Tijfapherne & aux Perfes, qui ne ceflfoient de les
fuivre & de les hârcetei, fans jamais pouvoir 1$?
êntamer, n* dans les défilés, ni au paffage des rivières.
Nulle viéfcirë n’eft comparable à une telle retraite,
8c c’eft peut-êiré la plus belle 8c la plus étonnante
expédition que nous offre l’antiquité. Long-temps
après , Antoine, pourfuivi par les Parthes à peu-
près dans le même pays , 8c fe trouvant dans,_im
danger à peu-près pareil, s’écria plein, d’admiration
pour un tel courage 8c une telle conduite : 0 retraite
des dise mille !
A peine remis des fatigues de cette longue 8c
périlleufe courfe, les Grecs coururent à la vengeance,
8c ayant reçu, quelques renforts , ils attaquèrent
Tijfapherne , 8c Pharnabafe. Dercyllidas, c|ui com-
mandoit les Grecs, fe laiffa pouffer dans un terrein
ii défavantageux qu’il alloit vraifemblablement y
périr , fi les généraux Perfes , profitant de l’occafion,
l'enflent chargé fans lui laifler le temps de fe recon-
noître ; c’étoit l’avis de Pharnabafe ; triais Tijfapherne
qui avoit éprouvé la valeur des Grecs, avoit trop
appris à la redouter: il propofa une entrevue 8c fit
conclure une trêve.
Vers l’an 396 avant Jefos-Chrift, les Lacédémoniens
ayant entrepris de délivrer entièrement les Grecs
d’Afie du joug des Perfes , envoyèrent dans l’Afie
Mineure.leur ilîuftre roi Agefilas , ( voye^ fon article).
Quand il fut arrivé à Ephèfè, Tijfapherne , qui n’avoit
fias fait les préparatifs néceffaires pour la réfifiance,
ut fit porter des paroles de paix, & t’affura qu’Ar-
taxerxe laifleroit la liberté aux villes Grecques de l’Afîe,
pourvu qu’Agefilas ne fît aucun a£te d’hoftilité jufqu’au
retour des couriers que Tijfapherne alloit envoyer
au roi : Agéfilas y confentit 6c la trêve fut jurée.
Auffi-tôt que Tijfapherne eut reçu les fecours que
le foi lui envoyoit $c eut raflemblé fes forces , il
envoya fommer Agéfilas de fortir de l’Afie , 8c ce
ton impérieux joint à unb grande puiffance ,
commencoit à ébranler les chefs de l’armée d'Agéfilas.
Lui feul toujours tranquille 8c toujours ferein ; dites
à Tijfapherne , votre maître, dit-ii aux hérauts Perfes,
que fa i bien des grâces à lui rendre de ce que par
fon parjure il a rendu les Dieux ennemis des Perfes
& propices aux Grecs.'
Les rufes devroient être bannies de la politique,
mais elles font au moins permifes à la guerre ;
Agéfilas parut menacer la Carie , province où
TifJ'apherne faifoit fa réfidence , 8c lorfque le Satrape
eut porté de ce côté là toutes fes forces, il fe jetta
for la Phrygie, qu’il trouva dénuée de fecours 8c
où il prit plufieurs places importantes , 8c fit un
butin qui enrichit fon armée.
La campagne fui vante, il annonça hautement qu’il
marchoit vers la Lydie ; Tijfapherne , qui n’aveit pas
oublié la première rufe d’Agéfilas , conclut que puif-
qu’il menaçoit la Lydie, c’étoit à la Carie qu’il en
vouloit ; mais le vrai moyen de -ne pas tromper ,
feroit de répéter la même tromperie. Pour cette fois
Agéfilas trompa Tijfapherne, en faifant exactement
ce quM avoit annoncé. Il entra en Lydie 8c s’approcha
de Sardes ; Tiflapherne accouri& au fecoyrs de
cette place, Agéfilas vient à fa rencontre, 8c rem-
port é fur lui une vidoire fignalée. Alors Paryfatis,
qui ne pardonna jamais à ceux qui avoient eu la
moindre part à la mort de Cyrus , ayant d'afleuis à
venger le pliage de fes villages accordé par Tijfapherne
aux dix mille Grecs , éleva Ta voix contre ce général
, i’accufa de trahifon , le perdit dans l’efprit du
roi. Les r.ois de Perfe n’avoient qu’ un pouvoir précaire
8c borne fur ces Satrapes éloignés de la cour,
Artaxerxe n’ofant pas attaquer ouvertement Tijfapherne
dans fon gouvernement , employa l’artifice. Un
homme chargé de fes ord.es fecrets , trouva le
moyen d’attirer Tijfapherne à une conférence où
l’on devoit , difoit-on, concerter les opérations de
la campagne prochaine. La conférence dura plufieurs
jours, Tijfapherne étoit fans défiance; fon choifit un
moment où il étoit au bain fans armes 8c fans efeorte ;
on l’arrête , on lui tranche la tête, elle eft envoyée
en Perfe , 6c .remife par Artaxerxe lui-même à
Paryfatis , qui jouit de ce (pe&acle , 8c vit avec
plaifir cette grande viélime immolée aux Mânes, de
Cyrus le jeune. Cet événement arriva l’an 393 avant
Jefos-Chrift.
T iT E , ( Hiß. Ecclifiaßique ) difcipîe de Saint-
Paul , 8c à qui cet apôtre qui i’avoit converti »
adreffe Tépitre qui fait panie de l’écriture Sainte.
TITE ou TITUS , ( Hiß, Rom.) Cet empereur ,
furnommé l’amour & les délices du genre humain , étoit
fils de Titus Vefpafien , dont il fut le foccefleur à
l’empire. 11 fut élevé à la cour avec Britannicus
8c leur éducation fut confiée aux mêmes maîtres.
Leur amitié formée dès l’enfance n’éprouva aucune
altération: ils étoient affis fur le même li t , lorfque
Britannicus fut empoifonné ; Titus même goûta du
fatal breuvage , dont il fe refferitit le refte de fà vie.
La mort qui enleva le jeune prince, fit mieux
éclater la tendrefie reconnoifîante de Titus qui érigea
à fon ami une ftatue d’ot dans fon palais , 8c une
autre d’ivoire qu’il plaça dans le cirque t a elle fut
contervée pendant plufieurs fièeles. La nature i’avoit
comblé de tous fes dons : fes grâces touchantes
tempéroierit fa gravité naturelle. Sérieux fans être
auftère , il infpiroit également l’amour 8c k refpe&r
fort 8c vigoureux , il étoit infatigable dans tous les
exercices du corps où il fignaloit fon adreffe. C ’êtoit
en variant Ton travail qu’ii treuvoit du délaffemenr :
sïl fit de grands progrès dans les langues grecque 8c
latine', dont ît pofféda l’atticifine 8c l’urbanité. La
mufique fi propre à adoucir les moeurs, fit fes délices ,
8c il excella fur-tout à pincer la harpe. Les poèmes
qu’il compofa dans fesloifns, auroient fait honneur
à ceux dont la poefie étoit Tunique occupa-ion. Ce fut
dans la Germanie 8c l’Angleterre qu’il fit fon apprem. îffage
d’armes en quaütéde tribun. La multitude destnonnmens
qu’on lui érigea dans ces provinces ,8c qu’il ne foîl cita
point , fut un tribut de la reconnoiffance publique.
La guerre étant terminée, il fe eonfacra aux fonélions
du barreau où il fe diflingua par fes talens , 8c plus
encore" par fon intégrité. 11 époqfa Aricidk * fille