TARQ U IN , ( Hiß. Rom. ) nom d'abord fameux >
& enfuite diffamé dans les premiers temps de l’hiftoire
Romaine. Un Grec, nommé Démarate, riche marchand
de Corinthe, quitta fa patrie agitée de troubles
civils, 8c vint s’établir à Tarquinie, ville d’Etrurie. Il
y époufa unefemme de condition, dont il eut Lucumon;
c’d î Tarquin l’ancien , qui prit ce nom de Tarquin du
lieu de fa naiffance. Ce fut lui qui épouià Tanaquil,. &
qui é ant venu s’établir à Rome avec elle,trouva par fon
adreflè. 8c par celle de fa femme les moyens de plaire à
Ancus Martius, quatrième roi de Rome. Il fervit bien
l’état., 6c à la guerre & dans les affairés, ôc obtint à la
fois la confiance du prince & celle du peuple. Ancus,
•en mourant, lui confia la tutelle de fes fils, encore
dans l’enfance , & le fénat l’élut roi en la place d’Ancus.
( Voye{ l’article T anaquil. ) Il régna trente-huit
ans ; fit la guerre aux Latins , aux Sabins, à plufieurs
villes d’Etrurie ; introduifit les plébéiens dans le fénat,
fous le titre de patres minorum gentium. Il enrichit
Rome d’édifices fomptueux pour le temps ; il décora
le Forum de galeries, de portiques, de boutiques, &c.
Le grand égcût de Rome , dont fix cens ans encore
après, Denys d’Halicarnaffe admiroit la magnificence,
fut fon ouvrage ; il jetta les fondemens du Capitole ;
il rendit lesfpeélactes du cirque plus commodes, en y
faifant faire des fiéges pour les fpeélateurs : il mourut
affailiné par les fils d’Àncus Martius. 11 eut pour fuc-
Ct fleur Servius Tullius fon gendre , qui écarta du
trône les fils de Tarquin fes beaux-frères, comme
Tarquin en avoit écarté les enfans d’Ancus.
On ne fait pas bien certainement fi Tarquin, dit le
Superbe, & qui fut quelque choie de plus, étoit fils ou :
feulement petit fils de Tarquin l’ancien. Ondpnneàla
vérité quarante-quatre ans denlurée au règne de Servius
Tullius, qui fépare les règnes des deux Tarquins. Mais fi
Tarquin le Superbe avoit, comme on le prétend,
quatre-vingt-dix ans lorfqu’il mourut l’an 257 dé Rome,
il pouvoit n’êtré que le fils de Tarquin l’ancien,
mort l’an-de Rome 176: il auroit eu huit ans à cette
ép >?*ue. Quoi qu’il en foit, il femble que Servius Tullius
f ;erv mariant fes deux filles aux Tarquins, eut
Voulu- les dédommager du royaume qu’il leur avoit
enlevé De ces deux filles, l’une modefte & vertueufè,
étoit tombée en partagé à Lucius Tarquin ; Veft le Superbe
; l’autre c’étoit Tullie, ôc ce nom feul annonce
la rjile la plus dénaturée, la reine la plus criminelle )
epoufa d’abord Aruns Tarquin , frère de Lucius,
jeune homme qui montroit des inclinations heureufes.
Lücius né veyoît dans fon beau-père qu’iiri ufurpateur
de fes droits. Impatient de les réclamer, il né vou- .
loit pas a:tendre la mort de Servius, ou vouloit l’ac-
eélérer. 6a vertueufè femme n etoit pas propre à recevoir
une pareille confidence, encore moins à féconder-
un pareil projet. Tullia , fa belle-foeur, étoit la femme
dont il avoit befoin ; ce fut à elle auffi qu’il s’adrefia ,
& ils convinrent d’abord qu’il falloit qu’ils s’unifient par
des noeuds plus intimes. Lucius fe chargea- de la mort
de fa femme , TuHie de celle d’Aruns fon mari. Alors
Lucius êcTullie, véritablement faits l’un pour l’autre,
Véritablement dignes l’un de l’autre, fe marièrent en*
femble, & prirent à loifir leurs mefures pour détrôner
Servius, ou pour le faire périr. ( Voyez l’criiclo
T ullieJ
Ils y rétiffirent, & Tarquin fut roi. Parvenu au
trône a force de crimes , fon gouvernent ne fut qu’une
fuite de crimes contre la juftice 6c contre l’humanité :
il jugeoit arbitrairement toutes les caufes portées à fon
tribunal. Pour affoiblir le fénat, il n’y remplfibit aucune
des places vacantes j les prétextes ne lui man-
quoient jamais pour perdre les fenateurs opuleus, 6c
s’arroger leur confilcation. Marcius Junius fut du nombre,
quoiqu’uni avec lui par des liens in-.imes ; car il
avoitepoufe Tarquinie, fille de Tarquin l’ancien. Un
fils aîné qu’il avoit eu de ce mariage fut auffi la viélime
des cruautés du tyran, 6c Lucius Junius, fon fécond
fils, ne put échapper à cet ennemi des talens 6c.des
vertus, qu’en cachant ce grand cara&ère 6c cette vertu
rigide qui dévoient le diftinguer un jour , fous le voile
dune ftupidite affeélée, qui lui fit donner le nom de
Brutus, 6c. qui le faifoit fervir de jouet à fes coufins
Sextus 6c Titus, fils de Tarquin le Superbe.
Laiflons la petite hiftoire de l’oracle confulté par les
fils de Tarquin, accompagnés de Brutus, ôc qui leur
répond î que c e lu i’ la f e r a le maître, qui embrajfera le
premier fa mère ; ce que Brutus feul, par fon grand
fèns, entend de la mère commune, la terre ; comme
dans l’oracle rendu par Thémis à Deucalion ÔC
Pyrrha ;
Magna parens terra ejl, lapides in corpore terrez.
Offa reor dici ,jacere hos pojl terga jubé mur*
Ce font ccs fortes de contes qui ont perfuadé à M. de
Pouiîfy que l’hiftoire des premiers fiècles de Rome,
fur-tout celle de fes rois, etoit apocryphe.
Il y a peut-être encore un peu de merveilleux dans
l’hiftoire de ces neuf livres Sybillins préfentés à Tarquin
par une femme étrangère 6c inconnue, qui en
demanda un prix exceffif, 6c qui ayant été refufée,
brûla trois de ces livres , & demanda le même prix
des fix qui reftoient; 6c ayant alors été congédiée
comme une folle, revint une troifième fois, en ayant
encore brûlé trois, 6c demandant toujours le même
prix des trois feuls qui reftoient. Cette perfévérance
donnant à Tarquin une haute idée de ces livres, il fe
rependt d’avoir laiffé perdre les fix premiers, ôc fe
hâta d’acheter les trois derniers que cette femme menaçait
encore de brûler. Us furent enfermés dans un
coffre de pierre , dépofe fous une des voûtes du Capitole,
que Tarquin avoit achevé de hâtir ; on les con-
fulroit dans les grands événemens 6c dans les malheurs
publics. La garde en fut confiée aux quindecimvirs ,
qui furent infhtués exprès pour cecte fonétion : ces
livres périrent dans l’incendie du çapitolp, l’an de
Romé 671.
■ Tarquin fit la guerre avre fuccès aux Sabins 6c aux
Vcliques ; mais ce ne fi-t- pas fans mêler l'artifice à la
valeur , 6c la tyrannie à l’un 8c à l’autre. Ce doub'è
earaétère d’un tyran. 6c d’un foui be , fe montre furtout
dans la manière dont il s’y prie pour réduire les
Gabiensi 11 faifoit le fiège de Gabies, 6c «ce fiège
traînoit en longueur."-Sextus fon fils fe préfente aux
Gabïens, fe plaint avec amertume des mauvais trai-
temens qu’il éprouve de la part de fon père ; déclare
quM veut s’en^ venger, 6c qu’il vient offrir fes fer-r
vices à la ville de Gabies. Les Gabiens, comme
autrefois les Troyens,
Ignari fceleium tantonm artifque pela fe z ,
donnèrent dans, le piege.
Crédita res captique doits lacrymifque coaSli
Quos né que tydides nec LariJJecus Achillcs.,
Non, anni domuere decem, non mille cannez.
Us reçurent Sextus ; ils le firent même leur gouverneur.
Quand il eut reconnu l’état de la place, démêle
le caraélère des principaux habitans, mefuié
leur degré d’autorité, il envoya un de les confî-
dens demander à. fon père comment il devoit en
ufèr avec ces principaux habitans. Tarquin fè promenant
dans Ion jardin, d’un air eüffrait, abbat-
tpit les plus hautes tiges des pavots devant l’envoyé
dé- fon fils, 6c le congédia fans lui faire d’autre
réponfè ; mais les tyrans s’entendent. Sextus, fur le
récit de fon envoyé, jugea de la conduite qu’il
de voit tenir ; il trouva des prétextes pour abbaitre
les principales têtes des Gabiens, 6c livra enfuite
leur ville ; fans chefs 6c fans défenfeurs, au tyran
qui l’affiégeoit. On trouve un pareil fait dans l’histoire
Grecque ; il eft attribué au tyran Périandre ,
qui étoit pourtant un des fept fages. Ces fortes d’hif-
toires, qui fe reproduifent fous différens noms 6c
chez d fférens peuples, font toujours un peu fuf-
peéles ; 6c celle ci n’eft pas fans quelques invraifem-
Diancès.
Les Tarquins faifoient la guerre aux Kutules, &
affiégeoient Ardée , capitale de ces peuples, lorsque
l’aven:ure de Lucrèce éclata, ÔC- produifit la
révolution qui mit Rome en liberté. ( Voytç l’article
Lucrèce. ) Ce fut ce même Sextus, dont nous venons
de parler, qui fit Violence à Lucrèce, & le
mari de cette vertueufe femme étoit Tarquin Colla-
tin, petit neveu de Tarquin .l’ancien. Ce fut alors
que Lucius Junius Brutus , déployant ce génie
qu’i'l avoit voilé ju(ques-là , fit détrôner Tar->
quin, 6c abolir la ' royauté. Lucretius, père de Lucrèce
, fut d’abord nommé incerrex. Les .deux premiers
confuls créés enfuite, furent ce Brutus, vengeur
de Lucrèce , 6c auteur de la,révolution , 6c Tar-
quin Ce 1latin , que l’injure quM avoit reçue de Sextus
defignoit naturellement comme lé plus irréconciliable-
ennemi des Tarquins,
Ceux-ci ayant été chafles de Rome , fie retirèrent
d’abord à Gabies ou à Céré. I’s fe mirent enfuite fous
la protection de Porfènna , roi d’Etrurie , qui arma
pour eux , 6c vint afliéger Rome. Ce fut alors que
l’amour de la liberté enfanta 6c l’aéfion hardie de Mu"
tius Scoevola 6c la témérité brillante d’Hora.ius Codes»
défendant feul un pont contre une armée , 6c la
fuite glorieufe de Clélie , traverfant le Tibre à la
nage à trayers les traits qu’on lançoit fur elle 6c fur
fes compagnes.
Nec non Tarquinium ejetfum Vorfenna jubebat
Accipere, ingentique urbem obfidione lenebai :
Ætieadez in ferrum pro liber täte ruebant.
Ilium indignant i finùlem fimïlemque minanti
Afpiceres. , pontem auderet quod vellere Codes,
Et fluvium vindis innaret Clcdia ruptis.
Il fe forma une confpiration dans Rome en faveur
de Tarquin. Les deux fils de Brutus, Titus 6c
T ber inus y entrèrent. Leur propre père lçs condamna
lui-même , 6c les fit exécuter.
Vis & Tarqu nxosfafus animarnqîte fuperbam
Ultoris Bruti fafcefque videre reçcptos?
Confulis imperium hic primuS fzvafque fecures
Acçipiet y natofque pater nova bella. ma ventes
Ad panam pulchrâ pro libertate vocabit ;
Infelix l Utcumquè firent ea facla minores :
Vincet amor patriez laudurnque irnmenfi cupido.
Collatin s’étant montré moins ardent à punir les conjurés,
devint fufpeél à la république naifTante; il le
fentit, ÔC prit le parti d’abdiquer le confulat, 6c de fè
bannir volontairement. Ce fut alors que Rome put
dire :
Qu’aux Tarquins déformais il ne reffe en ces lieux
Que la haine de Rome 6c le courroux des Dieux 1
Dans un combat violent entre Tarquin 6c les Romains
, Aruns, fils de Tarquin , 6c Brutus, qui étoien.t
l’un 6c l’autre au premier rang , chacun dans fon armée
, fondirent l’un fur l’autre avec impétuefitéS c
fe tuèrent tous deux : Tarquin perdit la bataille. 11 fit
depuis beaucoup d’autres tentatives pour fe faire- rétablir
-dans la royauté ; toutes furent .inutiles 6c m.il-
, heureufes. 11 fouleva fucçefîivement contre Rome les
Etiufques , les Latins, les Fidénates, les Volfques ;
jufqu a ce qu’enfin abandonné de tous , 6c ayant eu le
malheur de furvivre à toute fa famille, il feroit mort
errant ôc vagabond , fans la pitié .que fa vieilieffe ÔC
fes infortunes infpirèrent au prince de Cumes, qui lui
donna un afÿle , ou il mourut du moins tranquille.
TARTAGN1, ( Alexandre ) ( Hiß. litt. mod. )
plus connu fous le nom dTmola, qui eft celui de fa
na:fiance, profeffeur en droit à Bologne 6c à Fer-
rare , fut nommé le monarque du dreh & le père des
jurifconfultes. On a de lui des commentaires fur les
clèmenùncs 6c fur le texte ; mort à Bologne en 1587.
TARTERON , ( Jérôme ) ( Hiß. lut. mod. )
fuite, a traduit 6c n’a pas bien traduit Horace,
Perfe.ôc Juvénal ; mort en 1720 à Paris, au college
de Louis-le-Grand, où il étoit profeffeur.