pensables entre deux peuples limitrophes, les Arabes de
Syrie admirent en échange et pendant longtemps la monnaie
de cuivre byzantine, fait qui m’est démontré par les nombreux
exemplaires que j ’ai eu l’occasion de voir, aux types connus
de Jean Zimiscès,de Constantin XIII et Eudocie, et d’Alexis Ier
Comnène, dont les règnes embrassent une période de cent
cinquante ans. J’ai possédé et publié tous ces cuivres byzantins,
poinçonnés, sur une et quelquefois sur les deux faces,
d’une contre-marque arabe qui se traduit par le mot bon, et au
moyen de laquelle ces monnaies étaient admises à l’égal de la
monnaie nationale arabe.
D’après une lettre de M. H. Sauvaire à M. Soret (1), c’est
vers l’an 694 et pendant le règne de Justinien II Rhinotmète,
que les califes Ommiades ont substitué leur propre monnaie à
la monnaie byzantine, qui jusque-là circulait dans les lieux
soumis à leur domination.
Toutefois, si les Arabes ont imité la monnaie byzantine, il
est juste de faire observer que de leur côté les empereurs grecs
leur ont fait aussi des emprunts du même genre pour la monnaie
d’argent, depuis le septième jusqu’au dixième siècle.
Cette remarque est due à M. le général J. de Bartholomæi,
dont je crois devoir citer textuellement les paroles (2) :
« L’époque où Byzance a frappé le plus de numéraire d’argent
blanc était au septième siècle; et justement à cette époque,
les Arabes n ’ont encore monnayé que du cuivre dans l’Occident,
et une petite quantité de dirhems au type sassanide, en
Perse. Au septième siècle, la monnaie byzantine d’argent avait
un caractère tout à fait particulier;,,elle était d’un module fort
et le type du revers présentait une croix avec la légende : devs .
adivta . r om a n is , qui devait se rapporter aux croisades d’Hé-
raclius et aux guerres contre les premiers califes. Au huitième
(1) Revue numismatique belge, 1860, troisième série, t. IV, p. 385.
(2) Lettre à M. B. de Kôhne sur un dépôt de monnaies déterré à Tiflis en
1858, insérée dans les Zeitschrift fu r münz, Siegel und Wappen-Kunde, Berlin,
1859, 1er vol., 2« livraison.
siècle, le dirhem euflque, bientôt après son apparition, devient
si répandu et si accrédité, qu’il avait déjà cours dans toute
l’Asie, et il dut également être admis dans l’empire de Byzance,
où le numéraire d’argent blanc était alors en très-petite quantité.
Aussi, vers la fin du huitième siècle, la monnaie d’argent
byzantine prit-elle une physionomie toute semblable au dirhem
des califes ; les effigies y disparurent et furent remplacées par
des légendes, soit circulaires, soit en plusieurs lignes dans le
champ ; les cercles de grènetis se doublèrent et se triplèrent,
comme sur les dirhems de l’époque, et ce type bizantin arabisé
se maintint invariablement pendant un siècle et demi, c’est-à-
dire jusqu’à la moitié du dixième siècle. Mais déjà, à cette
époque, le dirhem des califes avait fait son temps, et le milia-
résion byzantin commença seulement alors à s’émanciper de
l’influence étrangère. Dès lors reparurent sur la monnaie
byzantine d’argent des effigies figurées d’abord sur de petits
écussons, puis des deux côtés de la croix, et enfin elles occupèrent
tout le champ de la monnaie, qui reste cependant encore
plate, lorsque la monnaie d’or était déjà concave. Ce n’est qu’au
milieu du onzième siècle que l’argent byzantin prit la môme
forme que l’or ; mais à cette époque on ne frappait plus de
dirhems, ni dans l’Asie occidentale, ni même en Perse : l’argent
blanc avait passé en Europe, j
Je dois enfin mentionner une lettre adressée à M. Reinaud
par M. Erdmann (1), où ce savant russe émet l’opinion que
certains aspres comnénats d’argent, d’une fabrique très-barbare
et dont il donne quelques dessins, doivent être considérés, selon
lui, comme des imitations byzantines fabriquées par les Arabes.
Je ne me permettrai pas de trancher cette question ; mais il est
certain qu’on ne saurait méconnaître l’imitation des monnaies
byzantines dans les types, le costume et la pose des empereurs
d’Allemagne et sur des bractéates du douzième siècle. Une
monnaie concave de cuivre frappée aux noms de Conrad III et
(1) Journal asiatique, 1841, p. 385.