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saine et agréable. Pourquoi ne profiterait-on pas d’aliments qui nous sont offerts
souvent à profusion et qui contribueraient à introduire dans nos repas celte variété
recommandée par l’hygiéne? C’est ce que plusieurs amateurs de ma connaissance
ont compris; sans craindre de s’empoisonner, ils prélèvent sur les morilles,
les mousserons, les bolets, les clavaires, les chanterelles, un tribut qu’ils savent apprécier.
Pour eux, le temps de l’apparition des espèces favorites est une fête, et,
animés d’une ardeur juvénile, ils se mettent eux-mêmes en campagne pour explorer
les prairies et les forêts. Quelle joie, lorsque la récolte a été abondante ! avec
quelle orgueilleuse satisfaction ils font voir, au retour, le contenu de leur panier
ou de leur mouchoir! avec quel recueillement ils savourent les premières morilles
que le printemps a fait éclore !
Mais, deinandera-t-on, comment reconnaître les espèces comestibles, au milieu
d’une multitude d’individus dont un grand nombre sont des poisons? La difficulté
est réelle tant qu’on ne veut pas étudier méthodiquement ces espèces; elle est d’autant
plus grande que les moyens empiriques recommandés par quelques auteurs
sont absolument insuffisants; l’innocence d’un champignon n ’est pas écrite sur sa
figure, et sa couleur, ni son odeur, ni sa contexture, ni le lieu où on le trouve, ne
peuvent donner des indices.sûrs à cet égard.
Les moyens empiriques recommandés pour distinguer les espèces dangereuses
ne servent qu’à augmenter l’incertitude.
« On a indiqué, dit le Dr L e te llie r , comme propre aux espèces dangereuses :
I» Une consistance molle; mais la Trem d la mesenteriformis et VAgaricus typhoïdes
sont incapables de nuire. — 2« Une consistance ligneuse, coriace; mais les polypores
qui sont coriaces servent d’aliments dans beaucoup de pays. — S» Une odeur très
forte ou désagréable ; mais le Polyporus ju g lan d is, que l ’on mange, a presque
asphyxié Bulliard. —• 4° Une saveur désagréable ; mais presque tous les agarics à
lamelles égales piquent fortement la langue et le gosier; la chanterelle est aussi
dans ce cas. — 5» La présence d’un lait âcre; mais \e Lactaire délicieux est mangé
sans accident. — 6° L’apparition dans les endroits sombres; mais les clavaires, les .
chanterelles ne viennent souvent qu’au fond des bois. — 7» L’accroissement rapide
et la prompte dissolution; mais les coprins, dont la vie est si courte et qui se
changent en encre, sont incapables de nuire. — 8» La tige bulbeuse; mais elle
appartient aux agarics solitaire et élevé, champignons excellents. — 9» Les fragments
de peau collés sur le champignon ; mais les Agaricus asper et solitaire en
présentent. — 10» La vacuité du pédicule; mais elle existe Anns Yhelvelle élastique,
les Agaricus castaneus, procerus, etc. — 11» La couleur de la chair changeant quand
on a coupé le champignon; mais le Boletus aurantiacus passe au rose tendre, le
Boletus luridus au bleu. — 12» La couleur éclatante de la surface; mais l’oronge
vraie est d’un orange éclatant. — 13» La couleur jaune soufrée ou jaune vif; mais
VAgaricus sulfureus et beaucoup d’autres colorés de cette manière ne sont pas malfaisants.
— 14» La présence d’un volva ; mais on peut manger impunément plusieurs
agarics à volva: ainsi l’oronge vraie. — Enfin la présence d’un collier; cependant
des espèces renommées, comme Agaricus edulis, procerus, solitarius, attrantiacus en
sont pourvues. »
Il faut prendre la peine d’étudier attentivement les caractères naturels et invariables
qui distinguent les espèces comestibles et qui sont pris dans l’essence même
des individus. Ces caractères sont en général très apparents, et il n ’est point nécessaire
d’être botaniste pour les reconnaître avec certilude, surtout lorsque la
description est accompagnée d’une figure dessinée et peinte avec fidélité. Lorsqu’on
a gravé dans sa mémoire la forme générale des espèces utiles et nuisibles
qu’il est indispensable de connaître, il sera facile, à l’époque de la récolte, de les
distinguer de toutes les autres, et si l’on a quelque incertitude, une dernière comparaison
avec les planches lèvera toute difficulté. Cependant, je conviens qu’il est
des cas douteux provoqués par des causes accidentelles et qui peuvent embarrasser
même un botaniste; alors il est prudent de s’abstenir et de rejeter tous les exemplaires
chez lesquels les caractères distinctifs ne sont pas franchement accusés. En
procédant de la sorte, on n ’aura pas à redouter les accidents qui sont la conséquence
inévitable des notions puisées dans la routine ou dans un aveugle em pirisme.
Remarquons encore que certaines précautions sont indispensables lorsqu’on récolte
des champignons pour la cuisine; il en est de même pour leur préparation et
leur conservation. Chacun sait que ces végétaux sont de difficile digestion lorsque
leur consistance est trop fibreuse. Il faut en conséquence ne prendre que les échantillons
les plus délicats et les soumettre à une cuisson suffisamment prolongée. En
outre, les estomacs faibles qui ne peuvent digérer qu’une nourriture légère feront
bien de s’en abstenir ou d’en user très modérément.
On peut récolter les champignons aussi bien par la pluie et la rosée que par le
soleil ; mais dans le premier cas ils doivent être mangés incontinent, parce qu’ils
sont plus disposés à se corrompre. Tous les exemplaires dont la chair n ’est pas entièrement
fraîche, dont la couleur est devenue livide, dont l ’odeur est altérée, ou
dont le tissu est percé de petits canaux pratiqués par les larves d’insectes qui y ont
établi leur demeure, doivent être jetés. Souvent la partie inférieure seule du champignon
est attaquée de cette manière, la partie supérieure restant encore intacte ;
cette dernière peut être conservée. Au reste, lors même que le champignon est