rilltís uu (juelíjues mousserons dans les endroits où l’on a l’habitude de faire de riches
récoltes. En 1846, une forêt voisine de la Chaux-de-Fonds était jonchée de
jolis champignons appelés Ilygrophonis ghdinifer-, il y en avait des milliers, et on ne
pouvait faire un pas sans en écraser ; dès lors il ne s ’en esl plus retrouvé dans cet
endroit. Un jardin où l’on avait enterré des copeaux comme engrais, et où les champignons
ne s’étaient jamais montrés que par accident, fut envahi un matin par le
Coprinus comahis, espèce très délicate et fragile, et qui se convertit au bout de peu
d’heures on un liquide noir. Il y en avait une quantité innombrable, et ils étaient si
serrés qu’ils soulevaient avec leurs têtes réunies des mottes de terre de deux pieds
carrés, même dans les allées où le sol élait très dur. Les années suivantes il n’en fut
plus question. — Dans une lettre de M, Trog sur ce sujet, il me dit : « J’ai trouvé
VAgaricus cæsareris (l’oronge) on 1818, en deux exemplaires seulement il est vrai, et
pendant neuf ou dix années consécutives je l’ai cherché vainement; lorsque la onzième
année, je le retrouvai au même endroit. La Helvella infula était, il y a quinze
à vingt ans, si commune dans une forêt voisine de Thoune, que l’on ne pouvait faire
quatre pas sans en écraser une, et voilà bienlôt huit ans que l’on n’en trouve pas
une seule dans toute la forêt. J’avais remarqué plusieurs années de suite dans un
bois de sapin un Bolet dont je ne trouvais aucune description dans mes ouvrages;
je crus donc que ce pourrait être une espèce nouvelle; j ’en desséchai un exemplaire
et j ’en dessinai un autre. Quelques années plus tard, recevant le second volume
de la Mycologia E u r o pm , de Persoon, dans lequel ce champignon élait figuré et décrit
comme espèce nouvelle sous le nom de Boletus squarrosus, je courus aussitôt à ma
forêt pour chercher mon champignon, afin de le comparer avec la figure, mais, à
mon grand désappointement, il ne s’y trouvait plus, et je l’ai cherché sans résultat
pendant ([uinze années de suite; ce n’est qu’on 1 8 4 5 .que je l’ai retrouvé, mais dans
un autre endroit. »
An milieu de cette multitude de champignons (*), les seuls qui intéressent géné ralement
sont les champignons charnus. La substance dont ils sont formés présente
une grande analogie avec la chair des animaux, et l’analyse chimique a découvert
dans leur tissu la présence de matières azotées, telles que l’albumine, la gélatine,
l’osmazôme ; c’est pourquoi leur putréfaction donne lieu à un dégagement abondant
d’ammoniaque, et ils constituent un engrais naturel très énergique, ainsi qu’on
peut s’en assurer par la végétation plus vigoureuse de l ’herbe dans les endroits où
ils croissent. Ils renferment aussi des matières grasses, des sucres, des cires, etc.
Cette composition les rend précieux comme aliments. De temps immémorial on les
_ (1) Le c a la lo g u e d e M. T r o g r e n f e rm e p lu s d e d e u x m ille e s p è c e s tro u v é e s u n iq u em e n t e n S u is s e ,
j ’e n a i re c u e i l l i e n v iro n q u a t r e c e n t s e s p è c e s , n o n m i c ro s c o p iq u e s , e n p a r c o u r a n t la v a llé e d e la
C h a u x -d e -F o n d s , u n e p a r tie du V a l-d e -R iiz , le s f o r ê ts d e N e u c h â te l, d e P e s e u x e t d e B o u d ry .
utilise en Chine, en Egypte, dans l’Inde; Pline rapporte que de son temps les Romains
en fai/iaient une grande consommation. Il est des contrées entières, comme la
Bohême, la Hongrie, la Pologne, la Russie, la Toscane, où les classes pauvres su b sistent
une partie de l’année à l’aide de cette nourriture ; on en mange assez g én é ralement
dans quelques parties de l ’Allemagne, dans le Piémont, dans les Vosges et
dans plusieurs autres provinces de la France. C’est surtout lorsque les récoltes ont
manqué, après de longues pluies, que les champignons deviennent une ressource
précieuse, d’autant plus qu’ils sont alors parliculièroment abondants. Schwægriclien,
dans une lettre à Persoon, dit que dans un voyage qu’il fit en Allemagne, il r e marqua,
dans les environs de Nuremberg, que les paysans mangeaient des champignons
crus avec leur pain noir assaisonné d’anis ou de cumin. Ce naturaliste
les imita, et loin d’en éprouver une influence nuisible, il sentit croître ses forces.
Employés sobrement, les champignons lui parurent très nourrissants, mais
la préparation culinaire leur fait perdre, suivant lui, une partie de leurs qualités
et de leur saveur. Les hommes ne sont pas seuls à rechercher ces végétaux ;
quantité d’insectes et de limaces on font leur nourriture. Les grands animaux, tels
que le cerf, le chevreuil, le sanglier, ainsi que l ’écureuil et même les oiseaux, en
mangent de plusieurs espèces sans y être poussés par la disette des substances qui
forment leur alimentation habituelle. Dans certaines années, les oiseleurs ont remarqué
que les oiseaux ne recherchaient pas l’appât attaché à leurs pièges, à cause
de l ’abondance de champignons, particulièrement de clavaires, qui leur ofl'raient un
régal plus friand.
R existe à cet égard dans notre pays une prévention assez générale ; beaucoup de
personnes ne pourraient se résoudre à manger des substances sur lesquelles plane
une menace perpétuelle et une espèce de réprobation. Sans doute, parmi les champignons,
on compte bien des espèces vénéneuses, et les accidents qu’elles ont causés
sont efl'rayants; mais on en peut dire autant dos plantes d’une autre catégorie, et
les propriétés toxiques, malheureusement assez célèbres, de la ciguë, de la belladone,
. de l’ivraie, ne nous empêchent pas de faire usage tous les jours de la carotte, de la
pomme de terre et du froment. Dans le règne végétal, à côté d’espèces dangereuses,
il en est, même de très voisines, qui sont non-seulement inoffensives, mais nourrissantes
et savoureuses. Bien plus, chacun sait que la cassave, par exemple, doit êire
soumise à une préparation préliminaire, qui lui enlève un suc empoisonné, et qui
en fait cet aliment universel des nègres et des classes pauvres du Brésil. Il
en est de même des champignons; l’expérience de bien des siècles nous ap prend
que certaines espèces parfaitement caractérisées, sont reconnues comme innocentes
et qu’elles constituent, moyennant certaines précautions, une nourriture