fc T R O M A G E D
Cette propreté qui eft très - eflcntielle en markairerie,
<cft entretenue par l’attention fcrupuleufe qu’ont les
îïiarkaires pendant les intervalles des différentes manipulations
qu’exige la-préparation de leurs fromages,
de laver avec le petit-lait chaud-toutes les pièces dont
ils ne doivent plus faire ufàge, de les paffer enfuite à
'î’eau froide en les effuyant. Ils fe gardent bien d’y laif-
ïè r le moindre veftige de petit - la it, il leur communi-
-queroit en s’aigriffiint un mauvais goût, qui rendroit
leur ufage très - pernicieux.
On a coutume de traire les vaches deux fois par jour,
le matin vers les quatre heures, 8c le loir fur les cinq
heures. Les markaires fè fervent pour cette opération
•de baquets profonds. Ils s’aident très-bien d’une efpcce
de fèlle ,fig . 14. qui n’a qu’un pié, lequel eft armé à l’extrémité
d’une pointe de fer. Cette pointe entre dans le
plancher, dont efl: recouvert le fol de l’ écurie, & donne
une certaine alïiette à la felle. Elle eft d’ailleurs attachée
au markaire avec deux courroies de cuir qui viennent
fè boucler par-devant, ènforte que le markaire porte
•cette {elle avec lui lorsqu’il fè leve, fans que fès mains
■ en foient embarraffées, 8c qu’il la trouve toute prête à .
l ’appuyer dès qu’il veut fc mettre en fituation de traire
une vache.
Lorfqu’on a tiré tout le lait qu’ on deftine à former
un fromage, on commence à placer fur la potence mobile
la chaudière qui doit le contenir. On a eu foin de
l ’écurer auparavant avec une petite chaîne de fér qu’on
■ y balotte en tout fèns, de telle forte que ce frottement
réitéré emporte toutes les parties de la crème, du fromage
& des cryftaux qui s’ attachent aux parois de la
chaudière lors de la préparation du fromage.
On place enfuite fur la chaudière le couloir avec fon
•fupport, & on y fait paffer tout le lait qui tombe dans
la chaudière; c’ eft ce qu’on appelle couler le lait. Cette
opération fe réduit à arrêter au paflàge d’un filtre grof-
fier les impuretés que le lait contracte pendant qu’on
le tire.
Avant que de mettre la préfure, on expofè la chaudière
pleine de lait à l’aétion d’un feu modéré, enfuite
o n enduit de préfure les futfaces intérieure & extérieure
d e l’écuelle plate ,fig . 8. & or la paflè dans le lait, en la
plongeant dans tous les fèns. Cette préfure, à l’aide de
la chaleur communiquée au la it, s’ y mêle aifément, &
produit fon effet d’une maniéré plus prompte 8c plus
complette.
Dès que la préfure commence à faire fèntir fon aétion,
o n retire tout l’équipage du feu, & on laiffe le lait
dans un état de tranquillité à la faveur de laquelle il fc
caille en peu de tems. On coupe le caillé bien formé,
8c qui a acquis une certaine conlïftance, avec une épée
de bois fort t r a n c h a n t e , 10. & o n en divifè toute la
malle fîiivant des lignes parallèles, tirées à un pouce
de diftance, & coupées à angles droits par d’autres lignes
parallèles à la même diftance. On fepare avec le
même infiniment les petites portions de. caillé qui fè,
trouvent dans les interlèélions des parallèles ; on pouflè
ces divifions à la plus grande profondeur, de telle forte
que la maffe foie défunie 8c réduite en matons grofr
■ fiers. Le markaire les fouleve enfuite avec fon écuelle
plate, 8c les laiffe retomber entre fès doigts pour les
divifèr davantage. Il employé à différentes reprifès fon
épée de bois pour couper le caillé, qui par le repos fe
réunit dans une malle. Ces repos ont pour objet de
Iaiflèr prendre un certain degré de cuiffon au caillé qu’on ’
expofè par degrés à l’aélion du feu. Ils favorifçnt auflï
Ja précipitation du caillé au fond de la chaudière, 8c fa
fepararion d’avec le petit-lait qui fumage. Le markaire
puifè le petit-lait, d’abord avec fon écuelle plate ; en-
fuite lorfque le maton plus divifé occupe moins de
place par le rapprochement de fes parties, & par Fex-
traéfcion du petit-lait qui ctoit difperfé dans fâ maffe le
markaire employé une écuelle cveuCe^Jîg. 9. avec laquelle
il puifè une plus grande quantité de pe tit-la it,
qu’il verfe dans fes baquets plats yfig . 6. A.
Il juge qu’il a puifè aflèz de petit-lait, lorfqu’il en
relie une quantité fuffifante pour cüire la pâte du caillé
djvifée en petits grumeaux, 8ç pour l’agiter continucl-
E G R U I E R E S . S J
lement avec les mains, avec Fécuelle, 8c avec les mouf-
fbirs, fig . 1 1 . & 1 1 . dont il fè fèrt pour le braflèr.
Lorfqu’on eft parvenu à donner à la pâte la plus
grande divifion pofîible, afin de- lui faire préfenter plus
de fîirface à Faéfcion du feu, on l’agité toujours, & on
en ménage la cuiffon en expofànt la chaudière fur le
feu, 8c en la retirant par le moyen de la potence mobile;
La pâte eft alfcz cuite lorfque les grumeaux qui nagent
dans le petit-lait, ont pris une confiftance un peu fermé,
qu’ils font reffort fous les doigts, 8c qu’ils ont un oeil
jaune. C ’eft-lâ le point que fàilît le markaire-, il retire
la chaudière de deffus le feu, agite toujours, 8c rapproche
en différentes maffès les grumeaux, ayant attention
d’en exprimer le plus exactement qu’il peut le
petit-lait y enfin il forme une maffe totale des maflès
particulières, & la retire de la chaudière pour la mettre
en .dépôt dans un baquet plat,_/zg. 6. A.
Il a eu foin de préparer le moule, de le placer fur la
table, 8c d’étendre par-deflus une toile à claire voie. U
y comprime à. to.ute force la pâte en s’aidant de la
toile dont il rapproche les extrémités. Il couvre le
tout d’une planche qu’il charge de greffes pierres ,fig -
i j . C. Le petit-lait s’égoutte, la pâte fe moule & acquiert
une certaine confiftance. Le fromage refte pour
cela comprimé du matin au fo ir , ou du foie au matin,
onreflèrre feulementâdifférentes reprifès le moule, en
tirant la corde qui eft fixée à l’extrémité extérieure >
enfin on retourne le fromage 8c on lui donne une autre
forme moins large que celle où il s’eft moulé d’abord.
Il refte dans cette féconde forme pendant trois
fèmaines ou un mois fans être comprimé par fès bafès ,
& on fè contente de le maintenir dans fon contour. On
le fale tous les jours en frottant de fel fès deux bafès &
une partie de fon contour, & chaque fois qu’on le fale
on reflèrre le moule. C ’eft pour faciliter cette opération
qu’on a mis un.moule moins large, afin qu’on
puiflè porter le fèl dans une partie du contour. Les markaires
ont pour principe que ces- fortes de fromages
cuits ne peuvent prendre trop de fel -, auflï ils y en met-*
tent aflez abondamment en le frottant pour le faire
fondre-& le faire- pénétrer. Lorfqu’ils s’apperçoivenc
que les, furfaces n’abforbent plus "le -fel, ce qui s’annonce
par une humidité furabondante qui y régné, ils
ceflènt d’y en mettre. Il retirent le fromage du moule
8c le mettent en réferve dans un fouterrein. Plufîeurs
circonftances s’oppofèntàce que ces fromages prennent
un degré de tel fuffifânt. i° . Lorfque la pâte n’a pas été
aflèz. ouverte par le ferment ou la préfure, ces fromages
n’ont pour-lors ni trous ni confiftance. i° . Lorfque
le fel qu’on emploie a retenu, lors.de l’ébullition, un
.-principe gypfeux, qui forme fur le fromage une croûte
impénétrable aux principes fàlins. 3®. Lorfque la-pâte
n’a pas eu une cuiffon ménagée 8c une divifion aflèz
grande , &c.
Au contraire ils prennent trop de fèl, lorfque le ferment
ayant trop ouvert la pâte en a defuni les principes
, les a réduits en une maffe grumuleufè qui s’émietté.
Reprenons la fuite de nos opérations. Les markaires1
après avoir mis leux fromage dans la forme, ramaflènt
exactement le petit-lait qu’ils ont tiré de la chaudière,
8c qu’ils ont mis en dépôt dans des baquets, & le ver-
fènt dans la chaudière. Ils expofènt la chaudière fur le
feu, qu’ils ne ménagent plus jufqu’à ce que le petit-lait
bouille. Ils ont mis en réfèrve une certaine quantité de
petit-lait froid qu’ils verfènt à plufieürs reprifès fur le
petit-lait bouillant. Ce mélange produit une écume
blanche lorfque le petit-lait a fuffifàmmcnt bouilli.
Dès qu’ils lavoyent paroître, ils- verfent du petit - lait
aigri qu’ils gardent dans le baril dont j ’ai déjà finit mention,
8c qu’ils nomment cafbmelich. L’effet de cet acide
eft prompt -, on voit urte infinité de petits points blancs
qui s’accumulent en maffès capables de furnager fur le
petit-lait, & qu’on enleve avec une écumoire. On
nomme cette partie caféeufe brocotte dans les Vo fgesj'
ricotta en Italie, & ceracde dans la Savoie ; c’eft la nourriture
ordinaire des markaires,& le régal’ de ceux qui
vont les vifiter : elle eft d’un goût fort agréable;
w „ , F R O M A G E d e
O n reconnoit qu*on a tiré du petit-lait toute la bro-
cotre qui peut s’en dégager* & qu’on y a verfé affez
d aigre, Iqrfqu il ne Te forme plus fur les bouillons une
ccume blanche. On donne aux cochons le petit-lait pur
apres en avoir remis dans le baril une quantité égale 1
celle qu on en a prife, afin quelle s’aigrilTe avec l’autre,
t e s markaires accommodent des truites Sc font de la
ialade avec cet aigre, ils en boivent même pendant la
préparation du fromage pour fe rafraîchir, & ils le
font avec un certain plaifir. Le petit-lait non aigri &
dépouille de tout ca ille ,fe nommepuron onjpuron.
La brocotte qu on ne peut pas confbmmer fu r -le -
enamp, le met fur une fèrviette qu’on noue par les quatre
coins, & q u on fufpendainfi,_/%. iy . elle s’égoutte
& forme des fromages qu’on nomme Schigres. On les
vend 8c on les confomme dans les environs; c’eft proprement
un fromage fècondaire précipité du petit-lait,
par le moyen d’un acide.
Cette opération revient aflèz à la maniéré dont les
Apothicaires eclairciflènt leur petit-lait, en y mêlant de
la creme de tartre qui agit comme acide, & qui dégage
la partie cafeeufe qui y eft comme diffoute. La proportion
de cette partie qui refte encore dans une efpece
de combinaifon avec le petit-lait, m’a paru être envi-
ron le dixième de la partie qu’on en a tirée d’abord.
Ainu du petit - lait dont on a tiré un fromage de quarante
livres, on dégagera encore quatre livres de brocotte.
Il paron étonnant qu’on perde cette quantité là
dans la plupart des provinces de France, où l’on aban-
fromage1'* COC^ons Pct“ ‘ ^ait qui a donné le premier
Fromage de Gerardmer.
J e parlerai ici par occafion des procédés qu’on fuit
dans la préparation des fromages de Gerardmer, qu’on
fabrique auflï dans les Vofges, & qu’on débite dans toute 1 Lo ra ine & le Barrois ; la comparaifon des manipulations
pourra etre curieufe par les différences qui s’ y
trouvent. ’
On coule le lait dans un couloir d’ une forme parti-
cnhete,fig. i0 .8 c qu’on fait à Gerardmer. On le garnir
comme je 1 ai dit ci-deffus. On place le couloir fur deux '
iortes de fupports dont on peut voir la forme, fig . 17 .
& f. enfuite on fait un peu chauffer le la it, fi la température
n eft pas a un certain degré, 8c l’on y met la pré-
G R ü I E R E S . ?
fure. Lorfque le caillé eft formé, on le verfe dans des
formes cylindriques dont le fond eft proprement comme
le cul d une bouteille. Cette furface conique eft pcrcce
de cinq trous, un a la pointe du cône, & les quatre autres
dans une rigole où fabafe vient aboutir. La forme
a environ quatre pouces de diamètre, fur deux piés de
hauteur, & le cône du fond un pouce de hauteur fur
quatre pouces de bafè. Cette difpofition du fond de la
forme m a paru très - favorable à l’écoulement du petit- Bjjjj ^ue le Simple plan (je ]a bafe du
cône. Un favorife auflï cet écoulement par des entailles
pratiquées fur la longueur du cylindre. Il y en a deux
rangs; on laiffe egoutter quelque tems Je fromage dans
cette forme, apres quoi on le met dans une nouvelle
forme qui eft moins haute & plus large, & dont le fond
elt toujours un cul de bouteille, enforte que cette im-
preliion relie dans le fromage moulé en creux. On tran-
fporte ces fromages un peu fècs dans des caves où ils
patient en moins de deux m ois, à la faveur de la cbaleur
uniforme de ces fouterreins.
° n ™ re ,^u Petit- la it la portion de caillé qui y
refte. Toute 1 operation eft femblable à celle que j’ai
décrite. II y a feulement dè la différence entre la bro-
cotte qu on dégagé de ce petit-lait qui n’a pas été ex-
poie a une chaleur auflï grande que dans Ja préparation
du fromage cuit, & la brocotte que j’ai décrite.
La première n eft proprement qu’une écume légère qui
ne forme pas des maffès auflï fermes & auflï mattes que
celle du fromage cuit. E lle s enleve avec une écumoire
& l e fouette enfuite avec un balai qui la fait mouflèr,
Jig . io . elle elt liquide comme la crème cuite 8c en a-le
goût.
On employé pour battre la crème dans quelques-
unes des chaumes ou l’on fait du beurre, une ma-
B i S mgenieufe ,fig . 157. & qui 3Ccélere le travail.
G elt une boite circulaire où l’on renferme Ja crê- '
me : on lui communique un mouvement de rotation
lur un axe dont le prolongement porte une manivelle.
La creme s élancé contre les planches trouées qui la
traversent comme autant de rayons, & Ce bar. Cependant
I ulage de cette machine n’eft pas général, parce
qu on s elt apperçu qu elle produisit un déchet confi-
derable par la quantité de crème 8c de beurre qui refte
adhérente dans les réduits multipliés de fes parois inié*
rieures.