A d d i t i o n a l’ É c o n o m i e r u s t i q u e .
f r o m a g e d e g r u i e r e s
C o n t e n a n t d e u x P l a n c h e s »
■ T £ fromage Connu foiïs le nom de Gruieres, de Fran-
che-Comte\ &c. ne doit point être diftingué des autres
par les matériaux qui entrent dans f i compofition,
«nais par les préparations qu’il reçoit, 8e fur - tout par
Je degre de cuiflon -que l’on donne à là pâte-, 8e qui lui
communique cette fermeté & cette confiance qui le
rendent très-propre a circuler en grandes maflès dans
Jes provinces éloignées de celles où ilfe fabrique * en
comcquence je crois qu’on détroit le caradcrifer par
cette cuiflon* & le nommer fromage cuit.
Il s en 'fait en Suifle, dans la Savoie, en Franche-
Gomte , & dans les Vofges. j ’expoforai ici les détails
qui concernent cet objet curieux d’économie ruftique,
1 Ie [es ai recueillis dans les Vofges : ils font
allez lemblables quant au fond à ceux que Scheuchzer
a donnes dans fon ouvrage intitulé Itinera Alpina, &c. i
J e me fuis cependant attaché à rendre la defeription
iit0^S ^ Prof ec^es P^us précife 8e plus pratique que
celle dunaturalifteSuifle, laquelle eft toujours vague,
ce fouvent încomplette. J ’ai fuivi avec fcrupule les manipulations
les plus délicates, lorfqu’elles m’ont paru
contribuer ou au fuccès de l’opération, ou à l’éclaircif*
fement de la théorie.
On fait le fromage cuit dans des chaumes conftruites
lur les lommcts applatis des plus hautes montagnes des
Vofges pendant tout le tems qu’ils font acceflïbles &
habitables, ceft-a-dire depuis la fonte des neiges, en
M a i, jufqua la fin de Septembre, où les neiges commencent
a couvrir ces montagnes. Une chaumière de-
Itinee au logement des markai.-es & de leurs vaches,
ce placée au milieu d’un diftrid affrété pour les pâturages,
a donné le nom à ces chaumes. Le terme de Mar-
kaire eft confàcre pour indiquer les pâtres qui ont foin
des vaches, & qui préparent le fromage, ainfï que ceux
qui font a la tete de ces etabliffemêns économiques.
De Markaire on a formé Markaireric, qui fignific également
& la chaumière, & la fcience de faire les fromages
cuits.
Ces habitations ou markaireries font compofees d’un
logement pour les markaires, dune laiterie & d’une
écurie pour les vaches ; le plus fouvent la laiterie n’eft
pas diftinguée du logement des markaires, mais il y a
toujours à part une petite galerie deftirtée à placer les
fromages qu’on fale. fur des tablettes de planches de
lapin fort larges.
Le corps de ces conftruétions eft fait de madriers de
lapin placés horizontalement les uns fur les autres, &
maintenus par de gros piquets. L ’intervalle des madriers
eft rempli de moufle & d’argille, ou fcellé de
planches î toute cette cage, qui n’a pas plus de fept pies
d élévation,eft furmontée par une charpente fort légère
en comble, couverte de planches.'
- ^ Çcul;ie eft le plus fouvent un bâtiment feparé de
1 nabitation des markaires ; on a foin de la placer
au-deflous d’une petite fource, telle qu’il s’en trouve
fort fréquemment fur ces montagnes élevées. L ’eau
confervee d abord dans un réfervoir qui domine ces
habitations, eft conduite par des tuyaux de lapin mis
bout-a-bout, dans le logement des markaires, & fur-
tout dans 1 ecurie. La conftruétion de l’intérieur de
1 ecurie paroit avoir été arrangée dans une intention
bien decidce de tirer parti de cette eau. Le fol de lccu-
rie eft garni des deux côtés de deux efpeces d'eftrades
faites de planches de fapin, & élevées un pié au-defTus
d u n canal qui les fépare, 8e qui occupe le milieu de
1 ecurie. Chacune de ces eftrades n’a que la largeur né-
ceflaire pour que les vaches puiflènt s’y repofer ou s’y
tenir debout en rang. De cette maniéré les planches ne
font que très-peu falies, & feulement à l’extrémité qui
avbiunç le canal, par lafiante des vaches, qui tombe
prefque dircételnent, pour la plus grande partie, «taris
ce canal. Les markaires ont grand foin, le matin & fur
les deux heures lorfqu’ils ont lâché les vaches, de nettoyer
les planches. Enfuite ils font coûler l’eau du refera
voir qui traverfe le caftai & entraîne au - dehors tout k
fumier qui s y etoit ainalfé. Par ce moyen les vaches fô
panent de litière, ce qui eft un grand objet d'économie,
car la paille eft trcs-chere 8e très-rare dans tout lé canton.
On lie les vaches par le éoü à faide d’un cercle de
bois qui s’adapte dans line autre piece de bois four*
chue; les markaires ne veillent que très-peu fur elles
pendant qu’elles font répandues dans les pâturages. Une
des plus vigoureüfes porte une fonnette qui raflcmble
les autres autour d’elle*, d’ailleurs comme elles font
d une forte efpece 8e un peu fauvàges, elles fè défendent,
en s attroupant, çontre les attaques des loups.
Dans le logement des markaires, qui eft aufîi leur
laiterie, on remarque d’abord le foyer placé à un des
angles du bâtiment fans tuyau de cheminée. Quatre ou
cinq affiles de granité ou de pierre, de fable, difpofées
en forme circulairoen compofent toute la maçonnerie ,
fig . i . D’un côté on apperçoit un baril où l’on conferve
du petit-lait aigri, 8e qu’on tient toujours expofe à l’a-
ûion moderce du feu ; de l’autre eft une potence mobile ,
fig . i. a laquelle on fufpend une chaudière yfig . 3. pleine
de lait, qu’on place fur le feu 8e qu’on retire à volonté ;
la forme circulaire du foyer eft deftinée à recevoir la
1 chaudière.
Les autres meubles de la laiterie font, x°. un couloir,
fi/ - .4 -& fon fupport,_/£g. j . Ce couloir eft un vàilfeau
de lapin en forme de cône tronqué, dont l’ouverture
intérieure eft garnie d’un tampon fait de l’éçofce intérieure
de tilleul, ou d’une plante qu’on nomme jaloufie,;
8e qui eft une efpece de lycopodiurn ou pié -d e - lo u p .
i ° . Diffërens baquets/g. 6. dont les uns font plus larges
que profonds, fig . 6. A , 8e d’autres plus profonds que
larges , / g . 6. B. Quelques - uns de ces derniers ont des
douves qui excédent, dans icfquelles on a pratiqué
des entailles pour s’en fetvir à tranfporter de l’eau ou
du petit-lait. 30. Des môules ou formes , fig . 7. C e fonc
des cercles de fapin ou de hêtre, qui ont cinq à fîx pouces
de largeur ; une extrémité rentre fous l’autre d’ur»
fixieme environ de toute la circonférence. A cette extrémité
qui glifle fous l’autre on a fixé par le milieu
un morceau de bois qu une rainure, ou gouttière tra—
verfe dans les deux tiers de fâ longueur. Cetté gouttière
fert a y paffer la corde qui tient à l’autre extrémité extérieure
du cercle, & par le moyen de laquelle on refa
ferre ou 1 on lâche cette extrémité fuivant Je befoin ,’
& on maintient le tout en placé en liant au morceau
de bois par un fîmple noeud , le bout de la corde qu!
glifle dans la gouttière; ce moule eft préférable à ce-
p lu i que l’on trouve gravé dans Scheuchzer, & qui eft
un fîmple cercle dont là circonférence eft arretée. 4®.
Deux écuelles, l’une plate, fig . 8. 8e 1 autre plus creufe,
f i fi- 9 • Trois efpeces de moufloirs pour divifçr le caille
; i un a la forme d’une épée de bois,fig. 10. Le feconcf
eft garni de deux rangs de quatre demi-cercles chacun,
difpofes à angles droits,fig . x i. Le troifîeme eft une
branche de lapin ,fig . 12 . dont on a coupé les ramifications
à trois ou quatre pouces de la tige , & dans la
moitié de la longueur ; l’autre partie eft toute unie. 6°. Une table avec un efpace fuffifànt pour y placer le
fromage lorfqu’il eft dans fa forme, cet efpace eft c ir-
confcrit par une rigole qui porte le petit-lait dans u a
baquet, fig . 13 .
C ’eft un contrafte allez étonnant que la figure dégoû-:
tante des markaires, la plupart Anabaptiftes, & portant
une longue barbe, avec la propreté de l’ameublement
de feur laiterie, dont toutes les pièces font de fapiç^