6 DISCOURS
classe des GRIMPEREAUX, les Souï-mangas, les Quit-guits
e l l e s Héo-rotaires, quoique la plupart ne grimpent point,
que leurs habitudes et leurs moeurs soient t rès-di fférent es,
ainsi que leur manière de se nourrir. Ils en diffèrent encore
par bien d'autres traits. Nos Grimpereaux, couverts d'un plumage
grisâtre, sur lequel (seulement dans la grande espece)
on remarque un peu de rose, n'ont rien de commun avec
le lustre de ces brillans étrangers. Ils n'ont qu'un petit cri monotone,
tandis que plusieurs Souï-mangas ont un chant mélodieux.
\ux îles de la mer Pacifique, le Grimpereau, surnommé
Moqueur, est doué d'un gosier si flexible, d'un ramage
si gai, si varié, qu'il forme des sons toujours nouveaux. Lorsqu'on
de ces oiseaux chante, on croit entendre pêle-mêle des
Pinçons, des Rossignols et des Fauvettes.
Que la Nature est merveilleuse ! Quelle richesse! quelle
inépuisable variété ! Imposante dans ses grandes productions,
et non moins admirable dans les petites, c'est principalement
lorsqu'elle paraît devoir être bornée, qu'elle se montre avec
plus d'aisance etplus de splendeur. Qu'elle est belle en ces charmans
oiseaux! Quel heureux mélange de grâce, d'harmonie
et de magnificence ! Elle ne leur donne pourtant pas ces
riches couleurs d'un seul coup de pinceau 5 ce beau travail
semble lui coûter 3 il faut plusieurs mues et quelquefois trois
années pour le rendre parfait. C'est le mâle sur-tout qu'elle
décore avec tant de luxe 3 des nuances plus ternes sont réservées
aux femelles. Parmi tous les êtres, le mâle est toujours
le plus beau. L a seule compagne de l'homme est plus brillante
que son époux 3 élégance, beauté des formes, éclat
des couleurs, tout ce qui peut charmer lui fut prodigué 3 mais
associée au roi de la terre, elle devait régner, et régner par
ses attraits.
Cependant les femelles de ces oiseaux sont encore très-parées
et très-belles. L'amour estl'occupation des deux sexes : dès
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l'aurore, ils se recherchent pour se caresser: tantôt ils volent
par groupes comme de petits nuages colorés d'or et de rose;
tantôt ils se poursuivent dans les bocages, se jouent sur des
rameaux fleuris, et tout étincelans de feux, justifient alors
ces récits poétiques ou l'imagination donne pour fruits aux
arbres des escarboucles, des améthistes, des saphirs.
La fécondité suit le plaisir : bientôt un nid plus doux que
la soie, composé du seul duvet des plantes, renferme leur
naissante famille. Mais ces charmans oiseaux, qui 11e semblent
faits que pour jouir, connaissent aussi l'affliction.Une
affreuse araignée, rousse, velue, armée de pinces, se cache
près de leur nid, épie les moinens d'absence, et dévore souvent
la couvée. Si la mère ou le père revient seul au moment
du carnage, l'horrible insecte ose l'attaquer, et tache
de le saisir à la gorge 3 mais l'oiseau redoublant de vivacité ,
fait élinceler son plumage, éblouit son ennemie, la perce
à grands coups de bec, et venge ainsi courageusement sur
elle la perte de son espérance. Dans l'île de Cayenne oii
ces araignées sont très-communes, 011 admire l'adresse avec
laquelle le Guit-guit noir et bleu sait s'en préserver. Comme
un nid ordinaire, fait en coupe, et assis sur une branche ,
serait trop exposé , il suspend le sien à l'extrémité d'un
rameau flexible, lui donne la forme d'une grosse poire alongée,
dont la queue serait recourbée vers la terre, et de cette
espèce de queue , longue au moins d'un pied , et ouverte
par le bout , se fait un canal étroit pour pénétrer au fond
du nid, qui n'a pas d'autre issue. Ce petit fort le met à l'abri
non-seulement des insectes , mais aussi des serpens et des
lézards.
Plus on observerait ces oiseaux , plus on rencontrerait
d'agréables détails. Malheureusement pour le Naturaliste
Européen, ils ne sont point voyageurs 3 on ne peut les étudier
que dans leur patrie. Placés sous l'heureux ciel des