
DISCOURS PRELIMINAIRE,
Par C A M I L L E , de Genève.
S'IL fallait composer un livre sur la sottise et la crédulité
humaines, les fables qui défigurent les Oiseaux de Paradis,
en fourniraient le meilleur chapitre. Tout ce que l'ignorance
et l'amour du merveilleux ont jamais inventé d'absurde se
trouve réuni dans leur histoire, ou plutôt dans leur roman.
Mais ce que ces erreurs offrent de plus inconcevable, c'est
l'irréflexion qui les fit naître.
De superbes oiseaux desséchés sont apportés des Indes en
Europe. Leurs formes inconnues, la variété, l'éclat de leurs
couleurs, frappent tout le monde : on admire sur-tout le riche
velours de leur tête , ces faisceaux de plumes longues et
transparentes qui tombent en gerbes au-dessous de leurs
ailes, et ces longs filets noirs 1 qui les dépassent de bien loin.
Mais on s'apperçoit qu'ils manquent de pieds et de cuisses:
loin de ne voir qu'une mutilation dans ce retranchement, 011
11'hésite point à publier que c'est l'ouvrage de la Nature, que
ces oiseaux naissent sans pieds, et n'ont lien de commun avec
les autres. Les Indiens, pour les mieux vendre, accréditent
l'erreur, et l'Europe l'adopte au point, que le premier qui
soutint que ces oiseaux avaient des pieds, fut traité d'imposteur,
et presque de sacrilège.
Quelques espaces les ont bruns, d'autres vcrt3.