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 particulier  pour les vallées,  est loin  d’èlre  sans  exemple;  et maintenant que  l’étude  de  la  Géographie  
 botanique  prend une extension sérieuse,  la  science  s’enrichira de plus en plus de faits analogues. 
 La  grande  réputation  du  quinquina-Calisaya  l’a fait tellement  rechercher qu’il  devient d’une extrême  
 rareté, et il n’est pas douteux qu’un jour il ne disparaisse presque complètement du commerce et qu’on ne  
 soit obligé de se contenter enfin  de quelques unes  des  espèces que  l’on méprise aujourd’hui. Déjà  autour:  
 des lieux  habités il ne se voit plus,  pour ainsi  dire, qu’à  l’état d’arbuste, et si par hasard  quelque  petit  
 arbre  est  resté  inaperçu  au milieu  de  la  forêt,  à  peine sa cime  s’élevera-t-elle,  que  la  hache  1 aura  
 aussitôt atteint. Quand,  pour mon compte, j ’ai voulu voir cette espèce dans  toute sa vigueur,  il m’a fallu  
 passer de  longues  journées  à  pied  dans  les  forêts,  les  traverser  par  des  sentiers  a  peine  ouvei ts,  et  
 éprouver quelques unes des  fatigues qui sont le lot commun des pauvres Cascarilleros. 
 La curieuse variété que j ’ai décrite sous le nom de  Cinchona Josephiana,  pour rappeler le nom trop peu  
 connu de Joseph  de Jussieu,  est appelée par les  habitants  du pays Ichu  Cascarilla ou  Cascarilla del Pa-  
 jonal,  dénominations qui  veulent dire l’une et  l’autre «Quinquina des prés »  (ichu, en  langue Quichua,  
 et paja en Espagnol signifient «herbe »). J’ai longtemps cru que  cette variété devait constituer une espèce  
 distincte;  mais une étude plus approfondie et faite  sur les lieux m’a démontré qu’elle n’était qu’une forme  
 particulière du  type auquel je l’ai rapportée. J’ai même peu de doutes maintenant que les  districts qu’elle  
 occupe n’aient été autrefois couverts de forêts, et que,  lorsque celles-ci sont  tombées, par l’effet sans douté  
 de  l’incendie,  la plante n’ait en  repoussant pris  cette  forme rabougrie;  comparable  en cela  à beaucoup  
 déplantés du Brésil  que l’on voit prendre des proportions si différentes dans  lescampos et dans les  forêts.  
 Il est probable,  d’après ceci, que la culture de ce Quinquina ne réussirait qu’autant qu’on lui appliquerait  
 lés conditions nécessaires pour que  les plantes pussent s’élever ;  il  faudrait surtout,  ce  semble,  qu’elles  
 eussent  la société d’autres  arbres  q u i,  croissant un  peu  plus  rapidement  qu’elles,  leur  donnassent une  
 ombre salutaire pendant les premières années de leur existence(').Hll m’est arrivé plus d’une fois, sur les  
 montagnes du Tipoani, par exemple,  en passant d’un pajonal  ou pré à un bois taillis,  et de là à une forêt  
 épaisse,  de voir  les diverses  modifications  que  subissait dans  sa  forme  et  dans  son  apparence  Ylchu-  
 Cascanlla. La couleur et la contexlure de ses différentes parties éprouvaient surtout le changement lè plus  
 notable selon le degré d’exposition  dans lequel  il croissait. Ici  les  feuilles coriaces et  presque mates avec  
 les nervures  fortement  colorées et  les pétioles roides;  là,  au  contraire,  les feuilles  molles et  de  ce  vert  
 velouté  propre  au  C.  Calisaya,  les  pétioles fiasques.  Enfin,  lorsque  la  cime  de la  plante  adulte  s’élève  
 au-dessus des arbres voisins, ses organes reprennent quelques uns  des caractères  qu’elle possède  à l’état  
 (V Ichu-Cascarilla. 
 Les caractères auxquels on reconnaît la présence du C.  Calisaya au milieu des forêts sont assez variables,  
 et plusieurs  d’entre  eux  exigent  cette espèce d’habitude  instinctive  qui  ne  se  trouve  guère que  chez des  
 gens qui  s’y sont exercés pendant toute leur vie.  Il n’est pas de  Cascarillero practico qui ne prétende pouvoir  
 distinguer  la cime  d’un  de  ces  arbres à la distance  de  près  d’un  kilomètre,  au  mouvement  de  ses  
 feuilles  et au chatoiement  particulier qui  en résulte ;  celte reconnaissance est  plus  facile encore,  s il  est 
 (i)  Le sol dans  lequel croit habituellement le  C.  Caliseyü  se  rapproche assez de  celui auquel on  a donné  le nom do terre-tranche,  ¡1 se forme,  il  
 est v rai, sans cesse, des quantités' considérables d’humus a sa  surface ; mais elles sont  enlevées,  a mesure,  par  les pluies qui  balaient  les pentes des  
 montagnes,  pendant plusieurs mois de  l’année. 
 en fleur ou en  fruit, la  couleur’ de ceux-ci  étant alors caractéristique. Sous la forêt le  tronc se  reconnaît  
 au premier abord à  l’aspect de  son  périderme,  tantôt d’un  blanc  grisâtre,  et  tantôt brun  ou  noirâtre,  
 mais  constamment  marqué  de sillons  ou  scissures longitudinales  et rapprochées,  réunies par d’aulres  
 scissures transversales ;  caractère qui  ne s'observe chez, aucun autre arbre de ces  forêts, à l'exception  de  
 un  ou  deux de  ses  congénères.et jusqu’à un  certain  degré  chez le  Vichullv  ( ),  avec  lequel  il  est  aussi  
 confondu quelquefois. Cet aspect  cependant  est fréquemment  dissimulé par  les  mousses et autres parasites  
 qui peuvent recouvrir une plus ou moins grande partie  du tronc ,, et alors les plus vieux Cascarilleros  
 peuvent  s’y  tromper.  On  m’a  raconté  qu’un  chercheur  de  quinquina  avait  eu  sa propre tente adossée  
 pendant longtemps  à  un énorme  troie de  C.  Calisaya sans s’en  apercevoir  :  ce  qu’un  autre  plus  habile  
 ne manqua pas de faire en s’en appropriant la dépouille. 
 Au moment de la chute du périderme,  les  deux  faces du  derme ont  une  couleur jaune pelure de noix 
 fraîche qui  passe presque aussitôt au brun  coque de noix s 
 Son odeur est alors  celle  de  l’écorce de  sureau,  mais  un  peu moins  prononcée. 
 Sa saveur  est  très  fortement amère sans mélange presque  aucun de stypticilé, mais il s’y joint quelque 
 chose de piquant;  cette amertume se  fait sentir à la première impression de la pointe de  la langue. 
 De sa face externe enfin,  surtout lorsque celle-ci  a été contuse, il suinte une matière jaunâtre gommo-  
 résineuse,  quelquefois un  peu laiteuse,  amère  et  styptique ,  à  laquelle les coupeurs attribuent toutes les  
 vertus du quinquina.  Cette  matière est celle qui  gorge toutes les cellules  du derme et qui s échappe surtout  
 des lacunes des  jeunes  écorces.  Il  m’a semblé  cependant*  contrairement à l’avis  des Cascarilleros,  
 qu’elle était bien  moins amère que le suc de la face profonde de l’écorce. Elle tache les vêtements en  rouge  
 obscur,  et sa  présence  influe  beaucoup  sur la  couleur que prend l’écorce en  séchant.  Les Cascarilleros  
 prétendent que l’abondance  du  lait,  comme  on  l’appelle, plus grande  dans  1 écorce du C.  Calisaya que  
 dans les autres espèces,  retarde sa dessiccation. C’est surtout par l’effet du massage que ce suc se  répand  
 abondamment à la surface de l’écorce dénudée ; on voit  alors  les points contus prendre une  couleur vi -  
 neuse qui sera d’autant  plus  intense qu’ils auront été  plus immédiatement et plus directement exposés à  
 l’influence des rayons solaires.  J’ai vu  même  quelques  Cascarilleros  irriter  toute  la  surface dénudée  de  
 l’écorce avec une brosse dure,  pour qu’elle prît partout la même nuance. 
 La consistance de l’écorce, quand on vient de l’enlever de l’arbre,  est peu considérable. Elle se rompt  
 alore dans tous  les  sens avec une grande facilité.  On  peut en donner une assez bonne  idée en  la  comparant  
 à la chair d’un champignon.  Les Cascarilleros apprécient beaucoup ce caractère, qui se  trouve  d’autant  
 plus marqué que la qualité du  quinquina  est meilleure. Dans les qualités  inférieures, et surtout dans  
 les  faux-quinquinas,  où la soudure des  fibres corticales se  fait encore plus  remarquer,  le derme se rompt  
 bien  plus difficilement dans  le sens  transversal. 
 ;  (>)  'Espèce nouvelle du  genre  Laplucea ( Ternsiroeiniacécs). 
 L .  Quinodcrma, fo liis obnvaln-lanceola) is , apice  in  cuspideni  oblu.su ni vel  rari us mucronaluni  acuminaiis,  basi  allenualis,  acutissime  serratis,  
 superne glabratis,  cosla sericea,  subtus margine et  petiolo  sericeo-pilosis,  plicis  duobus  superficialibus  sulciformibus  costæ  parallclibus  prrsæpu  
 notatis;  scpalis 5-7,  inæqualibus,  laie obovatis,  exlus sericeis,  inierioribus margine glabratis vel petaloideis; peta lis...; capsula  plorumque  6-loc.  
 superne glabrata,  inferne cum pedúnculo pilosa, scpalis pcrsisientibus infra medium vestita. 
 Arbor excelsa,  25-30 metr.  a it., trunco corporis humani crassiludincm bis lerve superante ; corticc crassissimo, vàlde  adsti ingemi ;  periderniide  
 unitalo-rimosa,  albicante;  ramis  terelibus,  lævigatis;  raniulis  apice  lomentoso-pilosis;  foliis  8-15  cm.  long.,  subcoriaceis,  in  exlremiiate  ramu-  
 lornm  approximatis: siccis valde dcciduis. 
 f i  ab.  in  Bolivia cl  l’cr u via,  in  iisdein  locis ac Cincliona Calisaya. —  Vulgo  Vichullo  vel Clndi/uisa dicitur.