nouveau rétablies en presse, e t ainsi de su ite ; on laisse enfin se te rm in e r le dessèchement
dans ce d e rn ie r état.
Je viens de déc rire la man ière la plus ordinaire- de p rép a re r le q u in q u in a ; mais on
com p ren d ra facilement qu’elle do it v arier plus o um o in s selon les lieux o u selon la n a tu re
de l’a rb re au q u e l on a à faire. Dans beaucoup d’en d ro its , on ne presse aucune des écorces,
ou on n e le fait q u ’im p arfaitemen t ; celles-ci p eu v en t alors se to rd r e , ou ép ro u v e r u n comm
en cemen t de ro u lem en t. Le p érid erm e n ’est souvent enlevé qu ’in com p lè tem en t ou simplemen
t râclé. F réq u em m en t enfin, so it accidentellement, soit q u ’on l’y laisse à dessein p o u r
en au gm en te r le p o id s, il reste dans les écorces une ce rtaine q u an tité d’h umid ité qui finit
to u jo u rs p a r les d é té rio re r. Il en résu lte qu e des q u in q u in a s , q u i au ra ie n t le même aspect
s’ils é ta ien t préparé s de la même m a n iè re , p eu v e n t, selon les circonstances, en p re n d re de
b ien différents. — Dans to u t é ta t de choses, le travail du Cascarillero n ’est pas à beaucoup
près fin i, même lorsqu’il est arriv é au p o in t d’av o ir te rm in é la p rép a ra tio n de son écorce. Il
fau t encore q u ’il rap p o rte sa dépouille au camp ; il fau t en fin , qu ’avec u n lo u rd fardeau su r
les ép au les, il repasse p a r ces m êmes sentiers q u e , lib r e , il n e p a rco u ra it q u ’avec difficulté.
Cette phase de l’ex tractio n coûte parfois u n trav a il te llement p énible qu’o n n e p eu t vraim
e n t pas s’en faire u n e idée. J’ai vu plus d’u n d is tric t où il fau t q u e le q u in q u in a soit p o rté
de la sorte p en d a n t qu in z e à v in g t jo u rs av a n t de so rtir des bois q u i l’o n t p ro d u it; e t , en
voyant à quel prix o n l’y p a y a it, j ’avais peine à concevoir comment il p ouvait se tro u v e r
des hommes assez ma lheureux p o u r co n sen tir à u n trav a il aussi faib lem en t ré trib u é (').
P o u r te rm in e r, il m e reste u n m o t à dire s u r l’emballage des q u in q u in a s ; c’est le Majordome
q u e no u s avons laissé dans son camp q u i s’occupe encore de ce soin. A mesure que
les coupeurs lu i ra p p o rte n t les éco rc e s, p ro d u it de leu rs re ch e rch e s, il le u r fait su b ir u n e
so rte de triag e p o u r en re je te r celles de mauvais aloi q u ’o n a p u y m ê le r, les soumet à u n e
nouvelle dessiccation s’il y a lie u , e t en forme des bottes de poids à p eu près égal qui
so n t cousues dans d u gros canevas de la ine ap p o rté à cet effet. — Conditionnés a in s i, les
ballots so n t tran sp o rté s à dos d’homm e, d’ân e ou de m u le , ju sq u ’aux dépôts dans les
v illes, où ils reço iv en t en g én é ra l u n e enveloppe extérieu re de cu ir fra is, qui p ren d en
séchant u n e trè s g ran d e solidité. Sous cette forme, ils so n t co n n u s sous le n om de surons?
e t c’est ainsi q u ’ils nous a rriv e n t en Eu ro p e . L e u r poids o rd in a ire est de 70 à 80 kilogram.,
mais on en voit éga lement d’u n poids b ie n in fé rieu r.
(1) En général, avant que le produit n'arrive à la côte, il a passé au moins par trois ou quatre mains différentes ; et comme chaque fois q u ’il change
de propriétaire il s’ajoute quelque chose à son p rix , comme le transport en est d’ailleurs très coûteux, il s’ensuit que le prix auquel le quinquina est
taxé en Europe ne peut donner aucune idée de ce qu’il coûte à l’entrée do ses forêts natales. A Pelechuco, par exemple, le kilogramme de la
meilleure qualité ne vaut que 1 fr. 50 c en t., e t le même est aujourd'hui payé par les fabricants de Paris jusqu’à 20 francs. Dans d’autres parties,
j ’ai vu payer le quintal des quinquinas ordinaires 6 piastres e t même U piastres (20 à 30 francs) : somme dont l’ouvrier Cascarillero, généralement
payé à la lâche, ne touche tout au plus que les 2/3-
D’après ces d é ta ils, on p eu t voir combien so n t inexactes les idées que beaucoup de personnes
se fo n t encore de l’ex tractio n d u q u in q u in a , soit qu’on suppose q u ’elle co n tin u e a
ê tre soumise à u n e surveillance spéciale, comme on ava it la p ré ten tio n de le faire autrefois,
soit que l’on s’imagine q u e ces a rb re s so n t cultivés dans des parcs clos, e t tra ité s comme les
chênes lièges de nos pays. Il fau t b ien le re c o n n a ître , le mode d’exploitation de ce p ro d u it
précieux semble devoir re s te r to u jo u rs à la merci des demi-sauvages q u i la p ra tiq u en t ; e t
si on ne tro u v e pas quelque moyen efficace de co n treb a lan c e r cette puissance d estru c trice , *
nos descendants a u ro n t in év itab lemen t la d o u le u r, sinon de v o ir s’é te in d re les différentes
races de Q u in q u in a s , du moins de les v o ir dev en ir d u n e extreme ra re té . — L o p in io n de
ceux q u i v o ien t les forêts se rep eu p ler p a r les semis e t les rejets partis de la souche des
arb res ab a ttu s est b ien plus conforme à la v é rité ; m a is , comme on a p u le v o ir, cela ne
p eu t se vérifier q u e ju sq u ’à un ce rtain p o in t. T ro p so u v en t, en e ffet, la souche massacrée
sans d isce rn em en t, sans p itié , m e u rt avec le tro n c qu ’elle su p p o rta it; e t les re je ts , q u an d
ils se p ro d u is en t, arrivés avec u n e extrême le n te u r à u n c e rta in degré de d év e lo p p emen t,
tom b en t à le u r to u r sous la hache p o u r ne plus rep a ra ître ; il en est de m ême des semis. Une
surveillance exercée su r les tra v a illeu rs , au moyen d’in sp e c teu rs, em p êch era it sans do u te
ju sq u ’à un c e rta in p o in t de tels vandalismes; mais, q uoi q u ’o n en dise, u n e me sure semblable
n e p eu t m a lh eu reu sem en t av o ir lieu q u ’en th éo rie. Il est b ie n d iffé ren t, en effet,
d’inspecter u n bois de nos pays e t d’inspecter u n e forêt du n ouveau m o n d é , su rto u t q u an d
cette forêt a u n e é ten d u e de v in g t mille lieues carrées.
En défin itiv e, deux moyens seuls m e paraissent capables d’être employés p o u r o b v ie r à la
disparition tro p rapide des arb re s à q u in q u in a : l’u n est de lim ite r l’ex p o rtatio n à u n
chiffre p ro p o rtio n n é à la puissance p ro d u ctrice des forêts; le second est d’en faire l’objet
d’u n e cu ltu re régulière. L im ite r l’ex p o rtatio n s erait sans d o u te le plus s û r ; mais n'est-il
pas à c ra in d re q u e la disp ro p o rtio n e n tre la consommation e t la p ro d u c tio n n e so it déjà
tro p g ran d e p o u r qu ’il soit possible de ré ta b lir la b alance ; e t nos besoins d’a u tre p a rt ne
sont-ils pas devenus tro p exigeants p o u r se p lie r à des considé rations q u i ne reg a rd e n t q u ’un
av en ir éloigné (‘)P—Reste la ressource de la cu ltu re , e t il faut l’emp lo y er.— S’il est un a rb re
digne d’être acclimaté dans u n e colonie frança ise, c’est certes le Q u in q u in a ; e t la postérité
b én ira it ceux q u i au ra ien t mis à exécution u n e semblable idée.
(i) A l’appui de celle manière de voir, il me suffira de citer l’exemple de la compagnie de La Paz à laquelle le gouvernement Bolivien a concédé
le monopole du commerce des quinquinas de la Bolivie, avec la faculté d’en exporter annuellement 4000 quintaux ou 40,000 livres espagnoles, et
qui cependant n’a pu se contenter de ce chiffre imposant, puisqu’on l’accuse en ce moment d’avoir dépassé de beaucoup scs droits. Que serait-ce
donc si les restrictions étaient enlevées complètement, comme cela existe du reste partout ailleurs, e t notamment au Pérou, où les exportations se
sont élevées, pendant certaines années, à des quantités vraiment fabuleuses. — Dans la Nouvelle-Grenade, au moment où la rage de l’exploitation des
écorces était à son plus haut deg ré , c’est-à-dire au commencement de ce siècle, la quantité d’écorces embarquées dans le seul port de Carthagène
s’est élevée, en 1806 seulement, au chiffre énorme de 1,200,000 livres; aujourd’h u i, par contre, on eh exporte à peine quelques arrobes.