d'inflorescences, lui fe ro n t reco n n a ître la cime d ’u n Q u in q u in a à u n e distance prodigieuse.
Dans d’au tres circonstance s, il doit se b o rn e r à l’inspection des tro n c s d o n t la couche
ex tern e de i’éco rc e, ou env es, comme o n l’appelle, p résen te des caractères remarquables.
So u v en t aussi les feuilles sèches q u ’il re n c o n tre , en reg a rd a n t à te r r e , suffisent p o u r lui
signaler le voisinage de l’o b je t de ses recherches, e t si c ’est le v en t q u i les a am en é e s , il
sau ra de quel côté elles so n t venues. Un In d ien est in téressan t à considé rer dans u n m om en t
semblable , a llan t e t v en a n t dans les étro ite s percées de la fo rê t, d a rd a n t la vue au
trav ers d u feuillage ou s emb lan t flairer le te rra in su r lequel il m a rc h e , comme un animal
q u i p o u rsu it u n e p ro ie ; se p ré c ip itan t enfin to u t à coup lorsqu’il a c ru reco n n a ître la
forme q u ’il g u e tta it, p o u r n e s’a rrê te r q u ’au pied d u tro n c d o n t il av a it d ev in é, p o u r
ainsi d ire , la présence. — Il s’en fau t de b e au co u p , c e p en d an t, q u e les recherches du
Cascarillero soient to u jo u rs suivies d’u n ré su lta t favorable : tro p so u v en t il rev ien t au
camp les ma ins vides e t ses provisions épuisées; e t q u e de fois, lo rsq u ’il a découvert s u r le
flanc de la m o n tag n e l ’indice de l’a r b r e , n e s’en tro u v e -t-il pas séparé p a r u n to rre n t ou
u n abîme ! Des jo u rn é e s alors peu v en t se passer av a n t qu ’il n ’atteig n e u n ob je t que, p en d a n t
to u t ce tem p s , il n ’a , p o u r ainsi d ir e , pas p e rd u de vue.
P o u r dépouille r l’a rb re de son écorce, on l’ab a t à coups de h a c h e , u n peu au-dessus de
sa r a c in e , en ay a n t s o in , p o u r n e rie n p e r d r e , de d én u d e r d’ab o rd le p o in t q u e l’o n doit
a tta q u e r ; e t comme la p a rtie la plus épa isse, la plus profitable p a r c o n s éq u en t, se tro u v e
to u t à fait à sa b a s e , o n a l’h ab itu d e de creu ser u n p eu la te rre à son p o u r to u r , afin que
la décortica tion so it plus complète. Il est r a r e , même lorsque la section d u tro n c est te r m
in é e , q u e l’a rb re tom b e im m éd ia tem e n t, é ta n t so u ten u soit p a r les lianes q u i l’en la c en t,
so it p a r les arb res voisins ; ce so n t a u ta n t d ’obstacles nouveaux que d o it vaincre le Cascarille
ro . Je me souviens d’av o ir u n e fois coupé u n gros tro n c de Q u in q u in a , dans l’espéran
ce de m e ttre ses fleurs à ma p o rté e, e t , après av o ir ab a ttu tro is a rb re s voisins, de l’avoir
v u re s te r encore d e b o u t, m a in te n u dans c e tte position p a r les lianes q u i s’é ta ien t a tta chées
à sa c im e , e t q u i le so u ten a ien t à la m an iè re de haubans.
Lo rsq u ’en fin l’a rb re est à b a s , e t q u e les b ran ch e s q u i p o u rra ie n t g ên e r o n t été re tra n chées,
o n fait tom b e r le p érid erm e en le ma ssan t, o u , m ie u x , en le p e rcu tan t avec
u n p e tit m a ille t de bois, o u avec le dos même de la h ach e ; e t la p artie vive de l’écorce
mise à n u est so u v en t n ettoyée encore à l’aide de la brosse; p u is , é ta n t divisée dans to u te
son épaisseur p a r des incisions unifo rm es q u i circo n scriv en t les lanières ou planchettes
q u e l’o n v e u t a r r a c h e r , elle est séparée du tro n c au moyen d ’u n couteau o rd in a ire ou de
quelque au tre in s trum e n t, avec la p o in te d u q u el o n rase a u ta n t q u e possible la surface du
bois, après av o ir p én é tré p a r u n e des incisions déjà p ratiq u é e s; e t si la position d u tro n c
empêche de se re n d re m a ître de to u te l’écorce dans ce tte prem ière o p é ra tio n , o n le coupe
p a r tronçons afin de pouvoir le re to u rn e r. Les dimensions e t la rég u la rité des planchettes
d ép en d en t nécessairement plus ou moins des circonstances; en g én é ra l, c e p en d an t, p o u r
la commodité du tra n sp o rt e t la facilité de la p rép a ra tio n , on cherche à le u r d o n n e r u n e
lo n g u e u r de 4 à 5 décimètres e t u n e la rg eu r de 8 à io centimètres. L’écorce des branches
<se sépare comme celle du t r o n c , à cela près q u ’elle ne se masse p a s , l’usage v o u lan t qu ’on
lui conserve sa cro û te ex té rieu re , o u p ériderme (').
Les détails d e id essèchement varient aussi u n peu dans les deux cas : en e ffet, les p lan chettes
plus minces de l’écorce des branches o u des petits tro n c s, destinées à faire d u q u in q
u in a ro u lé ou canuto, so n t exposées simplement au soleil, e t p re n n e n t d ’elles-mêmes la
forme désirée, q u i est celle d’u n cylindre creux; mais celles q u i p ro v ie n n en t des gros tro n c s,
e t que l’o n destine à co n s titu e r le q u in q u in a p la t, ou ce q u e l’on n omme tabla oxv p la n c h a ,
d oivent nécessairement être soumises p en d a n t la dessiccation à u n e c e rtain e pression, sans
q uoi elles se to rd ra ie n t o u se ro u le ra ien t plus ou moins comme les précédentes. A. ce t e ffe t,
après u n e prem ière exposition au soleil , o n les dispose les un es s u r les au tres en carrés
croisés, comme so n t disposées les planches dans quelques ch a n tie rs , afin qu ’elles se co n serv
en t p lanes; e t , su r la pile q u ad ran g u la ire ainsi composée (2), o n charge q uelque corps
pesant. Le len d em a in , les écorces so n t remises p en d a n t quelque temps au soleil, puis de
(■) Autrefois, à p art de rares exceptions, on refusait dans le commerce toute écorce privée de son périderme ; non que l’on supposât qu’il pût
y exister quelque vertu, mais il fournissait des caractères distinctifs plus faciles à saisir e t plus difficiles en même temps h falsifier. — La nécessité
dans laquelle se trouvaient les Cascarilleros de conserver cette partie, très caduque dans certaines espèces, exigeait de leur part des soins particuliers.
Ainsi, dans beaucoup d’endroits on avait pris l’habitude d’abattre l’arbre deux ou trois jours avant de le décortiquer, afin qu’en subissant un commencement
de dessiccation, les différentes couches de l’écorce adhérassent entre elles davantage.
J e crois du reste que l'habitude d'enlever le périderme ou enves des grosses écorces, au moment de l'extraction , n’est pas encore tout à fait
générale. Des quinquinas de la Nouvelle-Grenade que j ’ai eu occasion de voir récemment, en étaient encore revêtus. Quoi qu’il eu soit, on voit la
nécessité qu’il y a d’étudier l’écorce sous ses deux aspects. Je suis persuadé que beaucoup d’échantillons de musée, recueillis dans u n temps où le
périderme était encore de mode, ne seraient plus relégués dans les incerta: sedis, si on les soumettait & cette épreuve, e t vice versa.
Le procédé employé jadis pour séparer les jeunes écorces du bois, différait aussi beaucoup de celui qui est en usage aujourd'hui ; d 'où il résulte une
certaine différence dans la conformation des cylindres préparés par les deux méthodes. — J'ai déjà d it comment on s'y prend aujo u rd 'h u i, e t il est
facile de comprendre que, par ce moyen, les morceaux enlevés peuvent acquérir des dimensions qui n’auront pour mesure que la patience ou l'habileté
du Cascarillero, ou, si l’on veut, la circonférence de la branche ou du tronc soumis à l'opération. Autrefois, au contraire, on enlevait d’un seul
trait les lanières d ’écorce en pénétrant à plein tranchant jusqu’au bois,.le Cascarillero tenant son couteau par les deux extrémités, e t coupant rapidement
vers lui. Les rubans retirés de cette manière devaient être nécessairement d'autant plus é tro its , qu’ils étaient pris sur des troncs ou des
rameaux plus petits, et les tuyaux qu'ils formaient en séchant n'avaient souvent tout au plus que la grosseur d'u n e plume à écrire. Ils avaient en
outre constamment leurs bords tranchants, e t leur plus grande épaisseur vers le milieu de leur largeur. Le défaut de celte méthode était l’immense
perle qui en résultait; car on se croyait obligé d'abandonner sur le bois à peu près autant d’écorce qu'on en retirait, les lanières intermédiaires déjà
privées de périderme étant regardées comme inutiles. — Mais la cause de perte que je viens de citer est encore minime à côté de celle q u 'il me reste
à sigualcr. Je veux parler de l'abandon presque complet dans lequel s’est trouvée, pendant un temps, l'écorce des gros troncs de Quinquinas. Le mal
qui en est résulté a été immense. Des hommes de la plus haute capacité ayant en effet affirmé qu’avec l’âge les sucs disparaissaient peu à peu de
l’écorce, e t que ceux-ci n’étaient véritablement efficaces que dans les écorces des branches de moyenne grosseur, on rejeta toutes celles qui s’éloignaient
trop d'un volume donné, e t il est arrivé que pour se procurer la quantité de quinquina nécessaire à la consommation, il a fallu sacrifier trois ou
quatre fois plus d'a rbres qu’on n’aurait été obligé de le faire dans un autre état de choses. On a d it, il est v rai, que les Cascarilleros grimpaient sur
les Quinquinas pour en couper les branches, en ayant soin de ménager le rameau terminal ; mais les Cascarilleros qu e j ’ai connus m’ont toujours très
candidement avoué qu’ils trouvaient bien plus simple de couper l’arbre par le pied, e t c’est, je crois, ce qui a été fait partout.— Des milliers de quintaux
de quinquina sont ainsi restés à pourrir dans les forêts, e t ce n’est que lorsque l’analyse chimique e u t démontré l’exagération du principe, que le
sacrifice a cessé. — Ce n’est pas à dire cependant qu’on doive supposer que les très vieilles écorces contiennent autant de principes actifs que celles
que l'on peut appeler les écorces mûres. — Mais il y a des limites entre lesquelles toutes sont bonnes; aucunes surtout ne devraient être rejetées.
(*) Voir le Frontispice.