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2 IN T R O D U C T IO N .
où il d éc riv it plusieurs autres espèces d u même g enre;... vaines découvertes, puisqu’une
succession d’accidents ma lheureux l'empêcha de le u r d o n n e r la publicité (‘).
T re n te ans plus ta rd , e t à p eu près sim u ltan ém en t, deux expéditions fu ren t engagées à
ex plorer la rég io n des Q uinquina s dans le Bas-Pérou e t la Nouvelle-Grenade : l’une, dirigée
p a r le célèbre Mutis (2); l’au tre p a r Ruiz e t Pavon (3); de son cô té, le g o u v e rn em en t espagnol
se co u ru t de to u t son p ouvoir des entreprises q u i p rom e tta ien t de si féconds résultats.
Les immenses investigations de ces n aturalistes n ’o n t pas fait faire c ep en d an t a 1 histoire
de ces végétaux d’aussi grand s pas q u ’on é ta it en d ro it de l’espérer, des questions to u t à fait
personnelles ay an t tro p souvent exercé le u r influence dans des discussions qui au ra ien t dû
ê tre p u rem en t scientifiques..
Les savants o bservateurs Humb o ld t e t B o n p lan d , q u i p a rco u ru re n t ensuite ces pays , ne
so n t pas re s té s, eux-mêmes, aussi im p artiau x q u ’on a u ra it pu le désire r au milieu de ces
opinions riv a le s, e t , dans l ’in téressan te série de faits d o n t ils o n t en rich i la science, leur
prédilection p o u r les idées de Mutis se laisse peut-être u n peu tro p sentir.
(1) H n’est fait qu’une courte mention de ses observations dans un mémoire imprimé dans VHistoire de la Société royale de médecine, A. 1779,
p. 252, intitulé : Réflexions sur d eux espèces de Quinquina découvertes nouvellement a u x environs de Santa-Fé, dans l’Amérique méridionale.
Al. Adrien de Jussicu a bien voulu me permettre de parcourir la totalité des manuscrits de son grand-oncle, et j ’en ai fait plusieurs extraits imé-
iosants. Son mémoire sur les Quinquinas est accompagné de plusieurs dessins représentant les espèces de Loxa.
(2) José Cctcsiiuo AI tilis naquit h Cadix le 6 avril 1732. Il partit pour la Nouvelle-Grenade en 1760, comme médecin du vice-roi Don Pedro
Alesia de la Ccrda. Sa vie, dès ce moment, fut partagée entre les devoirs de sa profession et l’étude des productions naturellesdc cette partie de l’Amérique.
En 1772, il entra dans les ordres; mais son ardeur pour les sciences ne fut nullement diminuée par ce changement. Nommé en 1782 au poste
tle directeur de l’Expédition Botanique de la Nouvelle-Grenade, il quitta Carthagènc et les provinces du Nord, qu’il avait habitées jusqu’alors, pour
se rendre à Alariquita, point qui lui semblait plus convenable pour l’exécution de l’oeuvre qu’il méditait depuis longtemps: c’était la Flore de Bogota,
à laquelle il travailla sans relâche pendant sept ans. Sa santé alors commençant à s’altérer, il se retira à Santa-Fé, où la mort seule interrompit scs
travaux. Elle enl lieu le 11 septembre 1808.
Telle est, en quelques mots, la vie de Alutis, homme dont le haut mérite est unanimement reconnu par tous ses contemporains, et au sujet duquel
Linné a écrit « Ncmen immortale quodnulla celas unquam delebit ; » mais qu i, en définitive, ne nous a guère laissé que ce nom.
Parmi les élèves de Alutis, ceux qui ont le plus de titres à la mémoire de la postérité sont Francisco Antonio Zea e t Francisco José de Caldas.
Le premier est surtout connu par la vivacité aTec laquelle il soutint pendant longtemps les idées de son maître contre les auteurs de la Flora P cru-
viana. Caldas se montra non moins dévoué, e t scs concitoyens, au moins, garderont longtemps le souvenir de scs travaux. D’amères déceptions
détruisirent les sentiments d ’aiïection qui le liaient à son maître, et à la mort de Alutis, on le voit se répandre en reproches contre celui q u ’il avait
l’habitude d ’élever si haut. C’est dans un écrit adressé par lui au secrétaire de la v icc-royauté, et publié par les soins du colonel J . Acosta, que l’on
peut voir jusqu’à quel point le maître est tombé dans l’esprit de l’élève. A travers les dures paroles suscitées par l’ingratitude dont était victime
le pauvre Caldas, on sent cependant qu’il pourrait bien y avoir quelque vérité. — « Son caractère méGant » , dit-il en parlant de Alutis , « le
tenait sans cesse silencieux e t retiré. Jamais il ne commença la confession q u ’il m’avait tant de fois promise, à moi qu’il appelait son diyn e successeur;
jamais il ne se découvrit h moi, ni ne m’introduisit dans son sanctuaire. Il me garda enfin constamment dans une ignorance complètcdeses
affaires, e t ce n’est q u ’après sa mort que je suis arnvé à en avoir quelque idée. J ’ai pénétré maintenant les lacunes e t les vides sans nombre
que renferme sa Flore de Bogota : les dessins sont sans numéros e t sans noms ; les manuscrits sont dans la plus grande confusion, e t le fond lui-méme
de l’ouvrage ne consiste qu ’en quarante-huit petits cahiers. Le traité des Quinquinas enfin n’est terminé q u ’en ce qui a rapport â la partie médicale, e t
les descriptions de ces plantes importantes ne sont que de misérables brouillons. J e laisse h décider, » continue-t-il, « si ces matériaux corresponden
t aux espérances q u ’on s’était plu à concevoir de Alutis. » — On me pardonnera cette digression qui jette un peu de lumière sur le caractère
d’un homme qui a reçu de si pompeux éloges. J ’ajouterai que je viens d’apprendre que les collections faites par lui et scs élèves, e t arrivées ît
Madrid vers l’année 1 8 2 0 , sont enfin livrées à l’examen du public.
(3)Hippolilo Ruiz e t José Pavon, auteursde la Flora Peruoiana, partirent d’Espagne en 1777, accompagués par le botaniste français Dombcy.
Ils revinrent en 1788. — Leurs travaux d’exploration au Pérou furent continués alors par deux de leurs élèves, Juan Tafalla et Juan Alanzanilla.
Ruiz a publié un traité spécial su r les quinquinas, sous le titre de Quinologia o tratado d e l arbol de la Quina , Aladrid, A1DCCXCII ; auquel il
fut ajouté plus tard un supplément : Supplemento de la Quinologia, Aladrid, AIDCCCI, par Ruiz e t Pavon réunis. Le premier volume de la Flora
Peruviana et Chilensis ne p arut qu’en 1798 ; le dernier en 1802. Il s’y trouve figuré 12 espèces sous le nom de Cinc/iona, dont 7 seulement
appartiennent au genre Cinchona actuel.
' Cepèndaiit, dépuis q u ’e u re n t lieu les observations de ces hommes illu strés, la rég io n où
s’exploite le q u in q u in a s’est g ran d em en t accrue p a r la découverte de nouveaux d is tric ts , e t
le commerce s’est enrichi d’u n g ran d n om b re d’écorces qui ne s’y ren co n tra ie n t pas au p arav
an t.
Ju sq u ’en l’anne e 17 7 5 , on ne connaissait s u r les marchés d’au tres espèces de q u in q u in a
que celles de Lôxa ('). Ce n e fu t qu ’en 17 7 a que Mutis observa p o u r la prem ière fois
l'arb re précieux dans le voisinage de Sànta-Fé de Bogota, époque à laquelle l’Europe commença
aussi à recevoir des q u in q u in a s qui ne dou b la ien t pas le cap H o rn , mais q u i é taien t
embarqués d ire ctem en t des p o rts de la Nouvelle-Grenade s u r l’Atlantiquc. Quelques années
plus ta rd en fin , les au teu rs de la Flore Péruvienne é tu d ia ien t les espèces d u Bas-Pérou
au n o rd de Lima, e t le commerce s’en em p a ra it également (*)• Les seules q u i restassent donc
encore inco n n u es en E u ro p e , b o tan iq u em en t p a rla n t, éta ien t celles q u i h a b ite n t la vaste
éten d u e de pays q u i se développe d erriè re la g ran d e C o rd illè re , au sud de ces latitudes.
Joseph de Ju ss ie u , à la v é rité , en ava it visité quelques points, e t les ru d es labeurs du b o ta niste
Taddaeus Haenke s u r ce tte ma tiè re so n t restés p roverbiaux dans le pays de Cocha-
b am b a , où il ré s id a it; mais la science q uinologique n ’a conservé au cu n fru it de leurs
voyages, et depuis lors, ce n ’est gu ère q u e d’u n e m an iè re générale q u e l’o n re tro u v e quelque
men tio n faiie de ces co n tré e s, en ce q u i con c ern e les q u inquinas.
L’obje t princ ipal de ce t ouvrage (3) est de faire co n n a ître les espèces q u e j ’observai
dans cette rég io n après m a séparation de l’expédition de M. de C aste lnau, p en d an t les
années 1845-46 e t 47* L’immense accroissement pris p a r le commerce des qu in q u in as
dans ces p arties, au d é trim e n t des anciennes fo rê ts, re n d a it eh quelque sorte nécessaire
un travail à le u r sujet. A u n e époque aussi où la consommation de ces écorces, e t sur-
(') Pendant bien longtemps, on supposa même que les Quinquinas ne pouvaient croître au nord de l’Equateur, jusqu'à ce que, vers l'année 1752,
un homme complètement dépourvu de connaissances botaniques, Don Aligucl de Santestcban, directeur de la monnaie de Santa-Fé, vint à en constater
l'existence dans mitre hémisphère: soit dans ia vallée de Tuanamba, au nord de Paslo, soit dans les forêts de Bcruccos, e t au voisinage de Popayan,
c’est-à-dire vers 2° 3 0 ' lat. N.
(*) Ce ne fut qu'en 1776, dit Al. de Humboldt, que les quinquinas du Pérou trouvèrent réellement leur chemin dans le commerce. Leur découverte
est duc à Don Francisco Renquizo qui trouva alors pour la première fois, près de Huanuco e t dans le Val de Cuchero, l’arbre qui a reçu des
auteurs de la Flore Péruvienne le nom de Cinchona n itida.
Grâce à la vogue que les botanistes de l'expédition du Pérou surent donner aux quinquinas de Iluanuco, ces produits étaient recherchés jadis
presqu’à l’égal de ceux de Loxa. Aîais bientôt après, leur réputation diminua tellement, que, pendant un assez grand nombre d’années, il en a été
à peine question ; e t ce n’est que tout récemment que la spéculation a commencé à s’y diriger derechef. — Le Dp Poeppig, qui visita ce d istrict,
a écrit sur son compte quelques lignes bien intéressantes, e t qui font regretter davantage que c et auteur intelligent ne nous ait pas donné une histoire
plus complète de tous les Cinchonas qu'il a rencontrés dans sa laborieuse exploration.
(3) Qu’il me soit permis, avant d'aller plus loin, de remercier les personnes bienveillantes qui ont bien voulu m’aider dans l'accomplissement de
cette tâche, soit en m'éclairant de leurs conseils, soit en me faisant part de leurs collections. Je prie surtout AIAI. Ad. Brongniart, Robert Brown.
Bcnnelt, J . Dccaisne, Guibourt, W. J . Hooker, Ad. de Jussicu , Lindley, Pentland, A. Richard, Tulasne e.t Acosta, de recevoir ici l’assurance de
ma profonde gratitude.
Parmi les herbiers dont l’étude m’a été du plus grand secours, je citerai particulièrement les suivants, parce qu’ils contiennent des types de plusieurs
des ouvrages les plus importants qu’on ait publiés sur le sujet des quinquinas. Les propriétaires ou conservateurs de ces précieux dépôts les ont mis à
ma disposition avec une générosité e t une bonté dont je ne saurais leur être assez reconnaissant. A Paris, j'a i surtout consulté la collection du Aluséuni.
Elle renferme un très grand nombre d’échantillons de Cinchonas de la collection de Pavon, rapportés de Lima par AL Rivcro, e t d’autres du même
t i t r a i t »