ici sous mes yeux; presque dès m o n en tré e dans la province d’Enquisivi, j ’eus occasion d’étu-
d ie r celle q u i p ro d u it le q u in q u in a Calisaya, la plus précieuse de toutes ces écorcés p a r la
g ran d e p ro p o rtio n de q u in in e q u e lle co n tien t. J ’ai d o n n é à cette p lan te encore inco n n u e
le n om de Cinchona Calisaya. — La province d’Ayopaya est, à cause de son élévation, presque
en tiè rem en t d épourvue de végétation forestière e t rom p u e p a r des to rre n ts fougueux. Vers
le Word c e p en d an t, la scène c h a n g e , e t, à Palca, on m ’ap p rit qu ’il ava it été découvert s u r les
rives d uR io -A y o p ay au n e fo rêt immense de Q u in q u in a s q u e p e rso n n e ju sq u ’ici n ’a exploitée.
Dans ce tte ré g io n , nommée Santa-Cruz de Helicona, il existe en co re , m ’a -t-on d it, u n esclave
du célèbre Haenke q u i, après la m o rt de son m a ître , p référa re s te r dans ces parages
déserts à la chance de tom b e r dans de mauvaises mains. Le b otaniste av a it fait co n stru ire
dans ces lieux u n e p e tite cabane o ù il ava it passé plusieurs mois à p ré p a re r des extraits de
diverses plantes qu ’il y ava it déco u v ertes.— Mais c’est dans la province de Yungas, la plus
riche comme la plus fertile de la Bolivie, q u e je me p ro cu ra i les renseignements les plus
précis su r le mode d ’exp lo ita tio n , de p rép a ra tio n , de v en te e t de sophistication des q u in quina
s. Je m e ren d is dans ce b u t aux villes d’Y ru p a n a , de C h u lum an i, de Coroico, etc.,
dans toutes lesquelles o n s’occupe plus ou mo ins d u commerce des écorces en m ême temps
q u e de celui de la Coca ('), e t de quelques au tres p roduits.
E n q u itta n t Coroico, je trav ersa i les Andes, e t m e tro u v a i aussitôt à La Paz, que je laissai
b ie n tô t p o u r visiter P u n o , Arequipa e t les a len to u rs d u g ra n d lac de Titicaca. Dans ces
diverses localités, j’eus co n tin u e llem en t l’occasion d’é tu d ie r dans les magasins les m o n ceaux
d’écorces q u i sans cesse y affluent ; c’é ta ien t p o u r mo i a u ta n t de ré se rv o irs , aux
sources desquels je désirais rem o n te r. — La saison des pluies de 1847 m’avait trouvé
occupé de ces soins. A peine fut-elle écoulée, q u e je rep ris le chemin de la g ran d e
Co rd illère , en faisant le to u r p resq u e complet du lac. Mon in te n tio n é ta it d’explorer
d’ab o rd la provinc e de La re c a ja , e t de passer ensuite à celle de Caupolican ou Apolo-
bamba. — La ville de Sorata ou Esquibel, située s u r le v e rsan t occidental des Andes e t au
pied de l’un de ses plus h au ts pics, passe p o u r u n e des sources vives des q u in q u in as boliviens;
mais eu réalité elle n ’est q u ’u n simple p o in t de tra n sit p o u r les p ro d u its des vallées de
l’in té rie u r. Ce fu t donc vers celles-ci q u e je me dirigeai, en passant su r les neiges de l’IUampo.
Le rio T ip o a n i, Pactole de la Bolivie, y p ren d sa source. Un des plus affreux chemins du
(') J e ferai remarquer que ce fut pour étudier la Coca, plante alors peu connue en Europe, que Joseph de Jussieu, en 17A9, visita la province de
Yungas, où il découvrit e t d’où il envoya à Paris des graines de plusieurs espèces de Cinchona. — « Il me fallut, » dit-il, « passer la montagne neigée
» e t marcher plus de U à 5 lieues dans la neige, la descendre par des chemins taillés en forme d’escalier, au bord de précipices affreux, e t avoir
» à chaque instant, c l pendant 7 à 8 lieues, la mort devant les yeux. Ma mule s’abattit deux ou trois fois sous moy ; je fus obligé de la laisser estro-
» piée e t hors d'état de pouvoir me servir davantage. La violence des rayons du soleil réfléchis par la neige me causa une des plus douloureuses
d ophthalmies que j'aye éprouvées de ma vie, et ce qui me cbagrinoit le plus étoit la crainte de rester aveugle, car je ne voyois rien. Mais une abon-
» dante fluxion de larmes causée par la mesme irritation, au bout de vingt-quatre heures d’un tourment continuel, me rendit et la vue e t la sérénité,
» et fu t ma guérison. La beauté e t l'abondance des différentes plantes que produit cette région me consolèrent et me dédommagèrent des travaux
b passés....»
monde longe le rav in du même n om , e t co n d u it au village de Tip o an i, lieu pestilentiel
que le seul ap p â t d u gain p eu t faire h ab ite r. — Aussi recherchés q u e l’o r lu i-mêm e, les
Q uinquina s se re n c o n tre n t dans to u te ce tte rég io n ; mais déjà les gran d s a rb re s commenc
en t à disparaître. Afin d’é tu d ie r des p o ints encore vie rges, je me décidai à p én é tre r ju s q
u ’aux forêts du rio Mapiri, d o n t plus d’une fois j ’avais en ten d u pa rle r. Je m ’embarquai
à cet effet s u r u n rad eau qu e j’avais fait co n stru ire dans u n e mission v o isin e , e t descendis
h eureusement les rapides du rio T ip o an i ju sq u ’à G u a n a i, village d’in d ien s Lecos. Je visitai
ensuite les montagnes du rio Tumache, au-dessous de l’em b o u ch u re du Coroico. Puis, cette
exploration finie, je rem o n ta i avec m o n rad eau le rio Mapiri e t rejoignis les s en tiers.q u i
m è n en t à trav ers les forêts vers Aten e t A polobamba, où je n ’arriv a i enfin q u ’épuisé de
fa tig u e , e t vaincu p a r la fièvre d o n t j ’avais puisé les germes s u r les plages du T ip o a n i.__
Le pays, de ces cô tés, p re n d u n aspect plus r ia n t, e t v ra im en t, n ’était-ce la plus g ran d e
inégalité d u te r r a in , on se cro ira it tra n sp o rté dans les Campos d u Brésil. Les forêts, en
effet, o n t disparu ou n ’occupent q u e l’horizon; e t l’oeil plane p a rto u t su r de jolies collines
gazonnées, clairsemées d’arbustes ou de petits a rb re s , e t so u v en t même de ch a rm an ts bosquets.
Les Péruviens d o n n e n t à ces districts le n om dé Pajo n a les, m o t qui a, à peu près, la
même signification q u e« p ré s» . Plusieurs espèces de Cinchonas h ab iten t ces lieux e t n ’y
dépassent gu ère la taille d’arbustes. A m o n passage, l’atmosphère é ta it embaumée p a r le
délicieux p arfum de leurs fleurs. Au milieu d’elles, le LasiandraFontanesiana, la plus belle
des Mélastomées, é talait ses b rillan te s corolles; c’est la « F le u r de mai» d u P é ro u : Flor de
m a yo— La ville d ’Apolobamba est située dans u n e p la in e presque n u e. Elle est le cen tre
d’un des p o ints le plus an c ien n em en t exploités du te rrito ire Bolivien; depuis lo n gtemps,
p a r co n séq u en t, ses forêts so n t dépeuplées de Qu in q u in a s. Aujourd’h u i, p o u r re n c o n tre r
des écorces de b o n n e q u alité , il faut aller, comme je l’ai fait, à u n e distance de h u it à dix
journées des lieux habités.
Des circonstances indépendante s de ma volonté m ’em p êch èren t de me ren d re
d ire c tem en t à la province p éru v ien n e voisine de Carab ay a, e t force me fu t de passer de
nouveau au côte occidental de la Cordillère. Péléchuco, sombre village élevé au milieu des
frimas dans u n e aire de noirs rochers, est le p o rt de cette province, comme Sorata est celui
de L a recaja; j ’y arriv ai p a r la vallée du rio Tuiche, o ù je pris défin itiv emen t congé des
Cinchonas boliviens.
Dans les d ern iers jo u rs de ju in 18 4 7 , j e m e m e ttais en m a rch e p o u r la provinc e de
Carabaya | sous bien des rap p o rts u n e des plus intéressantes d u Pérou. Elle est divisée
p a r la Cordillère en deux régions distinctes : l’u n e de p la te au x , l’a u tre com p ren an t u n e
longue série de vallées parallèles e t assez semblables à celle des Yungas de La Paz. Ce sont
elles qui fournissent la ma jeu re p artie des qu in q u in as exportés au jo u rd ’h u i de là rép u