lUSTHtBV' r ï ïOJV CÊOGMIAPMMMQUE O F GKKME VtXiVHOXt .
La question de la diffusion géographique des Cinchonas et des lois générales qui semblent la régir
a été regardée à juste litre comme un des points les plus intéressants de leur histoire. Plusieurs savants
en ont fait l’objet de recherches spéciales; et quoique leurs observations portent sur une série de
plantes un peu différentes de celles que comportent les limites actuelles du genre, elles n’ont besoin que
d’une légère modification pour s’y appliquer également. — Je vais essayer d’exposer ici l’état actuel de
nos connaissances sur cette matière, en jetant d’abord un coup d’oeil général sur la distribution de ces
végétaux, et en examinant ensuite les rapports particuliers sous lesquels celle-ci est susceptible d’ètre
envisagée.
Le voyageur qui aborde aux côtes du Pérou, après avoir visité les rives orientales de l’Amérique méridionale
est bien vivement frappé de la différence de leur aspect. Au lieu de cette végétation luxuriante
et vierge que baigne de toutes parts l’Atlantique, les yeux ne rencontrent, sur la plus grande partie des
plages de l’océan Pacifique, que stérilité : des récifs et des dunes inaccessibles. Partout où la main de
l’homme n’est pas intervenue, la nature semble s’être refusée à produire.
A mesure que de la côte on s’avance vers l’intérieur, le sol s’élève; et,'peu à peu, la température
moyenne diminuant à raison de l’élévation, on voit à la végétation tropicale et à celle des régions tempérées,
succéder les plantes alpines ; puis, la crête de la Cordillière littorale traversée, on se trouve sur
de vastes plateaux ou Punas dont le niveau est souvent supérieur au sommet des plus hautes montagnes
de l’Europe (’) .
Dans toutes ces régions, aucune forêt ne se présente : on peut voyager des journées, des semaines entières
sans rencontrer un arbre né spontanément ; si ce n’est, à d’immenses intervalles, quelque maigre
Polylepis, ou plus rarement encore le tronc rabougri d’un Bullneria.
A l’est des Punas enfin, s’élève la seconde Cordillière, reconnaissable de loin à ses pics neigeux. Là
cessent les plateaux. Le versant oriental de la chaîne s’abaisse ensuite brusquement jusqu’à la région
forestière, puis d’une manière moins précipitée; et ses derniers bourrelets vont se terminer au loin en se
confondant avec les ondulations des plaines de l’intérieur.
D’innombrables ruisseaux prennent leur source dans les neiges de ces cîmes et se précipitent sur leur
pente rapide; ce sont les origines premières des principaux fleuves du continent. Chacune de ces sources
n’est d’abord qu’un mince filet d’eau laiteuse qui tombe de rocher en rocher, ou serpente au milieu de
petits gazons de plantes arctiques. — Plus loin, par l’addition de nouveaux affluents, le ruisseau devient
un torrent qui s’oüvre un lit profond dans le flanc de la montagne, et plus bas encore, la réunion
de plusieurs de ces ravins forme de profondes vallées, encaissées par des berges de plusieurs centaines
de mètres d’élévation. Or, c’est sur les vastes bourrelets qui séparent l’une de l’autre ces vallées, qu’au
(') J e inc rappellerai longtemps une station que je fis su r une de ces Punas, dans une petite cabane d’Iudiens, en me rendant de Pelechuco aux
bords du lac de Tilicaca. Mon thermomètre marquait 10 degrés centigrades au-dessous de zéro, an soleil, e t la température de l'eau bouillante était
si faible qu ’il 111e fallut laisser mon thé sur le feu pendant près d'un q uart d ’heure avant d ’en pouvoir obtenir une infusion. La hauteur de ce lieu,
appelé Cajiahuaia, calculée par ¡11. Pcntland, su r mon point d’ébullition de l’eau, e t toute correction faite, est de è.857 mètres, environ 50 mètres
de plus que le sommet du Mont-Blanc.
milieu d'épaisses forêls, -»¡vent les Cinchonas. Leur région a commencé là où a commencé la haute végétation
forestière dn versant ; elle se termine un peu au-dessus du niveau des plaines,
Parce peu de mots on pourra se faire une idée approximative delà situation delà région des Cinchonas
relativement au littoral, et quoique je n’aie eu en vue, en les écrivant, que le Pérou et la Bolivie, les
mêmes détails s’appliquent aussi, sommairement, aux autres parties de leurs domaines. Qu’on jette en
effet les yeux sur la carte que j’ai tracée pour accompagner ce travail, et l’on verra que le pays qui nous
occupe forme un immense ruban, interrompu seulement dans quelques points, et occupant presque constamment
le versant oriental de la seconds Cordillière, dans les points où celle-ci conserve son élévation
habituelle : fait qui, au premier abord, paraît peut-être singulier, mais qui n est qu une conséquence naturelle
de la conformation du sol. Ces Cordillières, en effet, ne foraient pour ainsi dire, à cause de
l’immense élévation de la vallée qui les sépare, qu’une seule e t même chaîne dont le versant occidental
est privé de végétation forestière dans la plus grande partie de son étendue, faute d'une irrigation
suffisante. Aussi, là où ces conditions changent, voit-on reparaître les Cinchonas. Vers la latitude de
Loxa, par exemple, où la seconde Cordillière s’efface, où, par conséquent, le plateau qui l’unit à la
Cordillière littorale s’abaisse, la région cinchonifère quitte aussitôt les limites dans lesquelles elle s’était
renfermée jusque-là et se rapproche de la mer- S elle ne se comporte pas de même dans le nord de la
Nouvelle-Grenade, c’est que, dans ce point, la Cordillière maritime commence aussi à s’abaisser; et
la région des Quinquinas, qui, à peine entrée dans la vallée du Bio-Magdalena, a déjà pris possession d’un
des versants de la chaîne intérieure ou troisième Cordillière, continue à lui rester accolée. Elle passe alors
parla province de Pamplona et celle de Merida, et ne semble se perdre définitivement que dans celle de
Caracas, dans la république de Venezuela, vers le dixième degré de latitude nord (') Au voisinage
de .l'Équateur, où le versant occidental de la Cordillière littorale se montre revêtue de végétation
forestière , on voit également apparaître les Cinchonas (a). .
En considérant la vaste étendue de terrain occupée par cette région, il est impossible de ne pas être
frappé de l’espèce de relation qui existe entre elle et les nombreuses origines de l’Amazone dont les milliers
de branches s’épanouissent comme autant de rayons sur tous les points de la courbe que cette région
décrit. Le dernier affluent de la vaste artère se recourbe au sud, comme, pour embrasser, à la limite
méridionale de l’a rc, le dernier représentant des Cinchonas ; tandis que vers le nord, là où les affluents
directs de l’Amazone se rapprochent de ceux de l’Orinoco, nous voyons également les forêts de Cinchonas
s’arrêter; et le ruban interrompu pénètre, comme je l’ai dit, dans la vallée de laMagdalena qu’il suit
jusqu’à la latitude de Pamplona. Dans la vallée voisine du Cauca, il apparaît aussi un moment et semble
embrasser la Cordillière depuis Pilayo jusque vers la latitude de Mariquila. — Tous les bassins enfin
(') M. I)c llumbulilt fait avancer également la région des Quinquinas dans la direction de Santa Maria, aussi loin que la cordillière de ce notn, par
conséquent jusqu’au 11e degré de lai. N .; mais je n'ai v u , pour mon compte, aucun échantillon de vrai Cinchona provenant d’un point aussi septentrional
de la Nouvelle-Grenade, c l il n’est pas impossible que le Quinquina auquel fait allusion M. de Ilumboldl ne soit une espèce du genre
Cascarilla, démembrement du genre linnéen, et dont la dilfusion su r le continent de l’Amérique du Sud est beaucoup plus générale. Au reste, les
explorations que font en ce moment plusieurs voyageurs dans ces lieux peu connus, éclaireront bientôt, il faut l'espérer, tous nos doutes à ce sujet.
Quant aux plantes provenant de localités au nord du il* degré, et décrites sous le nom d& Cinchona, elles appartiennent aujourd’hui à d'autres
(2) José Caldas, dans son voyage de Quito h Cuenca, découvrit des arbres de quinquina sur plusieurs points du flanc occidental de cette chaîne,
entre le Chimltorazo et l’Assuav.
M M i l i l l f i l î i l i î î i I l s