O E S É C O R C E S R E CM X d tO X A O V « QCMXQVMXAS »■'(•).
On a dû, dès l’origine, se servir du mot quinquina f) pour désigner des écorces analogues à belles que
l'on obtenait du Cinchona ofjîcinalis ou C. Condaminea de Loxa; mais, comme cela arrive presque toujours
dans des cas de cétlé nature, "et surtout dans ceux où des intérêts commerciaux sé mêlent
aux déterminations de la science, la même appellation a fini par se donner à tous lès produits qui, de
près ou de loin, avaient quelque ressemblance avec ces écorces, où étaient censés posséder quelqu’une de
leurs vertus. On sait jusqu’à quel point ces produits se sont multipliés; et comme leur étiologie s’obscurcissait
plutôt qu’elle ne s’éclaircissait avec l’augmentation de leur nombre , la difficulté de les classifier est
devenue déplus en plus considérable, et aujourd’hui le langage suffit à peine pour peindre les différences
assez subtiles et trop souvent fugitives qui s’y remarquent. Il n’entre pas dans lé plan de cet ouvrage de
traiter des écorces de Cinchona sous le point de vue de la matière médicale, et, bien moins encôré, de
donner la description de cet amas de drogues inutiles que le charlatanisme ou l’esprit de fraude ont
introduites dans le commerce. M’occupant cependant d’un point de botanique qui est plus intimement
lié peut-être à la médecine que tout autre, je n’ai pas voulu négliger de faire tout ce qui était en mon
pouvoir pour éclaircir une des pages les plus obscures de cette science. Peut-être la pratique trou-
vera-l-ellë parmi ces observations quelques moyens nouveaux de diagnose à ajouter à ceux si souvent
insuffisants qu’elle possédait jusqu’ici. Je dois le dire, au reste, dès à présent; si je combats le système de
classification des quinquinas ordinairement adopté, c’est bien plus à cause des erreurs sur lesquelles il est
basé, que parce que j ’entrevois la possibilité d’en établir un plus parfait. Les espèces de .quinquinas
réellement différentes ne sont pas, en effet, assez nombreuses pour qu’il soit nécessaire de les soumettre
aune classification rigoureuse, qui, malgré les apparences les plus favorables, tendrait peut-être
autant à créer une nouvelle confusion qu’à nous en faciliter davantage la connaissance.
Si, toutes les fois qu’une écorce se présente à nos yeux, nous savions en même temps les traits principaux
de son histoire, rien ne serait plus simple que de lui assigner la place qu’elle devrait occuper dans
l’échelle de nos connaissances : ëlle irait, en effet, tout naturellement se placer à côté de l'arbre qui l'a
produite. Mais malheureusement les choses se passent bien rarement ainsi, et c’est poür cette raison qu’il
a paru nécessaire, dès l’abord, de rechercher dans les écorces elles-mêmes les caractères de leur classification,
en les constituant en un groupe indépendant.
(<) J e réserve exclusivement la dénomination de quinquinas aux écorces des diverses espèces du genre Cinchona, les seules dans lesquelles
l'existence du principe fébrifuge, la Quinine, soit bien démontrée. Toute autre écorce doit porter le nom de 1 arbre auquel elle appartient ; o u , si
elle a des rapports particuliers avec les écorces de Cinchona, tout au plus devrait-on lui donner la désignation de faux-quinquina.
(*) L'origine de ce m o l, ou du mot indien Quina-Quina, dont il dérive, a déjà été expliquée à la page -15. On y a vu qu'il appartenait dans le
principe à un arbre complètement étranger à la famille qui noos occupe, et que nous connaissons aujourd’hui sous le nom d e Myro x ylo n p eru i-
ferum. Quant h l’éiymnlogic de l’expression Quina-Quina, La Condamine la rapporte à la langue Quichua, un des idiomes le plus généralement parlés
parmi les Indiens d u Pérou. Le mot q u in a a i (inusité maintenant), aurait servi à désigner une espèce de manteau ou couverture des Indiens, et
a très bien pu ê tre appliqué, par métaphore, h l’écorce ou couverture d’un arbre. De là Quina-Quina, c’cst-à dire écorce par excellence, la répétition
du mot servant ici de superlatif.
Le même auteur fait remarquer avec beaucoup de justesse que le nom de Cascarillà, ou « petite écorce». donné à 1 écorce de Loxa, et employé
depuis par les Espagnols pour désigner sans exception toutes les éccrces de Quinquinas, semble lui avoir été imposé pour la distinguer d’un antre pro-
d u it, qui était sans doute l’ancien fébrifuge.
C’est donc sous la désignation de Cascarilla que le quinquina est le plus généralement connu dans l’Amérique espagnole; celle de Quina, constamment
employée par les Brésiliens, l’est beaucoup plus rarement par les Péruviens.
T o u l le monde connaît la division dés quinquinas od gris, jaunes, orangés, rouges et blancs. Je n’ai pas
besoin de dire ce que cette classification a de défectueux; les auteurs qui l’ont appliquée sont eux-
mêmes frappés de ses incdnvénienls, et ils ne l’ont conservée, sans doute, qu’à cause de la facilité
apparente de son application. Fondée cependant sur un caractère aussi fugace que la couleur, elle réunit
au plus haut degré les défauts des systèmes artificiels, sans partager plusieurs de leurs avantages. Non
seulement elle sépare les produits d'un même arbre, mais elle en rapproche d’autres qui sont essentiellement
distincts. Ne croyait-on pas jadis, par exemple, que tous les quinquinas gris étaient fournis par
la même espèce? Beaucoup de personnes conservent même encore jusqu’à ce jour cette opinion. Or,
non seulement ceux-ci sont produits par un assez grand nombre d’espèces, mais, presque constamment,
ils ne sont que les jeunes écorces des mêmes arbres qui donnent les quinquinas jaunes et rouges.
Une méthode de classement qui aurait pour point de départ la composition chimique des écorces
serait évidemment bien plus utile, sinon plus naturelle ; et il serait, sans aucun doule, suffisant de s en tenir
à l’étude des proportions de leurs éléments actifs, tels que la quinine, la cinchonine et le tannin. Mais la
distribution que l’on obtiendrait par ce moyen, quoique satisfaisante en théorie, ne le serait pas, à beaucoup
près, autant en pratique, tant à cause des difficultés inséparables de ce genre de classification, que
par le fait bien constaté maintenant qu’une même espèce botanique est susceptible de fournir des écorces
qui peuvent varier du tout au tout, au gré de circonstances accidentelles.
Je crois, enfin, que si une classification était absolument nécessaire, celle qui serait fondée sur la structure
anatomique du tissu de l’écorce rendrait, dans l’état actuel de la science, des services plus réels que
l’une ou l’autre des précédentes ; d’autant plus que nous allons trouver une certaine relation entre les
caractères structuraux et les caractères chimiques même du quinquina.
Voici les données que mes recherches m’ont fournies sur ce sujet.
1° Si on examine attentivement une grosse écorce de Cinchona Calisaya (tab. 11, fig. 39 ; tab. XXVIII,
fig. 1 et2) telle qu’elle se présente dans le commerce, on remarquera que sa face extérieure est complètement
dépourvue de périderme et présente de larges sillons superficiels, courts, plus ou moins confluents ('),
et séparés par des crêtes saillantes; leur fond étant de texture fibreuse, comme celle de la face interne de
l’écorce ou de la couche qui est immédialement en contact avec le bois. L’étude de la coupe transversale
(tab. II, fig. 30 et 33) démontre que la trame de cette écorce est homogène et composée de fibres
ligneuses de grosseur sensiblement égale, uniformément distribuées au sein d’un tissu cellulaire gorgé de
matières résineuses, tissu qui isole, pour ainsi dire, chaque fibre, en s’interposant en minces couches
entre elle et les fibres voisines (*). Lorsque, enfin, ces fibres sont examinées sur une coupe longitudinale
(fig. 36), on constate qu’elles sont courtes et fusiformes, et que leurs extrémités taillées en biseau ne sont
(.') Ces sillons ont à peu près la largeur des doigts de la ntain cl ressemblent assez aux impressions que laisseraient les pointes de ces organes, si on
les traînait irrégulièrement sur une pâle molle. On pourrait, les nommer sillons d ig ita u x ; les Espagnols les appellent conc/ias, à cause de la ressemblance
qu ’on a cru trouver entre la forme des sillons e t celle de certaines coquilles. Ils sont d'autant plus nombreux c l plus profonds que I écorce
est plus ancienne, c l ils résultent de l'cxfolialion successive de squames de la surface du liber : squames qui doivent être regardées comme une
dépendance du liber même, ou plus souvent encore, à ce qu’il m’a semblé, comme une reproduction partielle de la tunique-cellulaire. Quoi qu il
en soit, après une courte existence, ces plaques de tissu fibro-cellulaire, dans lesquelles les rayons médullaires ne pénètrent pas, où la circulation
est sans doute insuffisante, s'engorgent et vont accroître l’épaisseur du périderme du côté duquel ont déjà passé, en entier, la tunique cellulaire et
le suber qui existaient dans la jeune écorce.
(') Ces détails peuvent se voir sans le secours du microscope; mais si on voulait se servir de cet in strument, il serait bon de laver la trauchc
d'écorcc soumise à l’élude avec un peu d’alcool, afin de dissoudre les matières résineuses qui altèrent sa transparence.