
yeux. Par exemple, il ri’étoit pas rare de voir un magif-
trat romain follïcitant le confulat, paroître dans les co mices
avec une toge très-blanche ( candidatus ) , mais
n’ ayant aucun autre habillement. Plufieurs philo fopiies
grecs fe montroient en public fans autre habillement
qu’une efpèce de caleçon & un grand manteau. Enfin ,
les jeunes gens qui attendoient leur tour dans les portiques
des Paleftres, étoient à demi nus. Les modes
des pays chauds permettent en général quelques nudités
, & les modes des Anciens venoient des pays
chauds. Antioche & Alexandrie étoient les légiilatrices
du luxe. A M les Grecs & les Romains eurent long-tems
les jambes nues & les bras peu couverts, les tuniques a
manches longues & étroites n’ étant guère en ufage que
fur les théâtres, où des raifons particulières les avoient
fait adopter. Le-coftume antique s’allioit donc fans inconvenance
avec,la nudité de quelques parties du corps >
nudité à laquelle les fcuîpteurs pouvoient encore donner
une latitude arbitraire fans bleffer le coftume.
■ n Remarquons en général que les Romains, en élevant
aux Empereurs des ftatues héroïques entièrement nues
à quelques légères draperies près, ont choifi ces draperies
dans le coftume des Grecs ou tout au plus dans I
celui qui pouvoit être commun aux deux nations. Les I
habillemens que portent les ftatues d’Empereurs demi-1
nues, font de petits manteaux grées de grands
manteaux grecs ( pallia ) , des chlamydes ou paludamentt
communs aux deux nations 5 enfin , des euiraffes ( thoraces
) communes à plufieurs peuples. Jamais la draperie !
d’une ftatue romaine demi-nue n'a été la toge : jamais j
une portion d’habillement qui fût exclufivement propre
aux Romains , ne paroît fur les figures romaines demi-
mues j mais les habillemens grecs adoptés pour les baf-
! tes, pour les ftatues héroïques, & appelés héroïques \
caufe de l’ ufage qu’on en fit dans les images des dieux
& des héros de la mythologie. Ces habillemens, dis-je,
ont été portés & employés journellement à certaine
époque. Ce fut, pour la premiere fois , dans le feizième
fiècle que les artiftes adoptèrent des draperies purement !
imaginaires ; abus que l’ on peut auffi quelquefois reprocher
à Jules-Romain même, aux Carraches, mais quel
les peintres napolitains ont porté , dans le fiècle précédent,
au dernier excès. »
CHAPITRE PREMIER.
D e s Habits proprement dits.
WE défîgne par les habits proprement dits, la partie de
l ’habillement qui couvroit & enveloppoit le torfe ou le
tronc , & qui.etoit effentiellément diftinéte de la chauf-
|ure & de la coiffure. On peut claffer ces habits fous
trois dénominations générales : les habits que l’on por-
Jtoit fous la tunique, la tunique & le manteau. Suidas
Sait cette diftinéhon ( voce ''inoMrw) 5.il parle du vête-
Inent intérieur & du vêtement extérieur.
S E C T IO N PR EM IÈ R E .
Habits que Von portoit fous la tunique.
§. Ier. Chauffes, caleçon & leurs équivalens.
■ Dans les pays chauds ou dans les faifons chaudes, les
Anciens ne portoient fouvent d’ autre vêtement fous la
punique, que celui qui tenoit lieu de caleçon. Ulyfle
menace Therfite ( Iliad. b , verf. 261) de punir fon info-
■ ence, & de le frapper à nu. « Je t’arracherai, dît-il,
03 tes habits, 'ton manteau, ta tunique, & le vêtement
§0 qui couvre les parties fexuelles. tût u.iê'éS ûpQtx.*-
m xûrfu. s> On ne peut voir ce vêtement intérieur aux
figures habillées des Grecs qui nous font parvenues, ni
a celles des Romains avant Trajan. Les caleçons de ces
[deux peuples ne paffoient pas le haut de la jambe, foit
qu’ils fulTent fermés à chaque cuiffe , comme les nôtres,
p>it qu’ils ne formaffent qu’un jupon (jupe co u r te ) ,
comme ceux des Viétimaires ou comme ceux des Ecof-
fais montagnards. Euftathe, expliquant les vers d'Homère
cités plus haut, dit que l’ expreffion du poète désigne
un véritable caleçon fermé, appelé parce
|qu'on le droit en haut pour s’habiller. C ’eft celui
que les Romains appelèrent d’abord campeftre, & braccs.
depuis qu’ils eurent connu les Gaulois, félon le même
commentateur- On lioit ce caleçon autour des reins avec
■ une courroie ou un cordon, comme on le voit dans
Procope ( Hifi. Arcana, cap. 1 ). L’efpèce de jupon qui
|tenoit quelquefois lieu de caleçon, & qui: reffembloit au
limus des Yi&imaires, femble être le Ma.&o-p.u. ou. le
tZarp.* des athlètes grecs, lé femicinBium des Ladns, fi
celui-ci n’eft pas plutôt la légère draperie nouée autour
;Me la ceinture & du haut des cuifles. de la figure du
.¥*■ I , PI. CXII ( Monum. antic. Winckelm. n°. g|:):
ÿTheophrafte, dans tes-Caraâ'eres (cap. f J , dit de l’homme
groftier, qu’étant affis, il relève fes habits jufqu’au ge-
n.ou s de manière, qu’il découvre les parties les plus
décrétés de fon corps. Les Grecs alors ne portoient donc
p;as des caleçons fermés.
Dans la fécondé partie de ce Recueil ( liv. 1, chap. 1,
0 > je parle du .campeftre ou caleçon. que portent
| p Romains armés fur les monumens travaillés depuis
• raJap. On peut prouver que les Romains en habit civil
portoient quelquefois des caleçons ayant cette époque.
Suétone le dit d’Augufte, & il diftingue formellement
ce vêtement de celui qui couvroit. les jambes, femina-
libus & tibialibus utebatur. J’ ai dit quelquefois, parce que
Cé far, tombant fous les .coups des conjurés , rabattit le
haut de fa toge fur fes genoux-& fes jambes, afin que
fa chute-ne prëfentât pas un fpe&acle indécent. Sinum
veftis ad ima crura deduxic, dit Suétone (Jul. C&ft cap. 82),
quo honeftius cadèret, etiam inferiore corporis parte velaiâ.
Cette précaution n’ eût pas été néceffaire s’il eût porté
des caleçons fermés. Peut-être portoit-ii le ou
fubligaculum, ou les bandelettes dont on va parler. Deux
cent foixante ans après, Caracalla fut tué par un centurion.
«Dans l’inftant, dit Hérodien (lib. 4 , cap. 24) ,
» où il relevoit les vêtemens qui couvroient fes cuifles,
» rots t<r6%lets rSv (ttjfav. n Un. ancien feholiafte, cité
dans la note dix-huitième de Geflner fur la onzième
épître du premier livre d’Horace, dit : Campeftre, tenue
eft, & tôtius corporis nihil pr&ter inguina tegit. Il reffem-
bloit donc parfaitement à notre caleçon.
On voit fur les ftatues qui repréfentent des Romains
revêtus de la toge , des bandelettes qui, fixées au foulier
proprement dit, s’élèvent jufqu’au gras de la jambe en
j .fecroifant plufieurs fois. Des témoignages précis nous
| apprennent que les Romains, du tems de Cicéron, en-
i tortilloient autour de leurs jambes des bandelettes de
diverfes couleurs. Valère-Maxime ( lib. 6 , cap. 1 , n°. 7 )
rapporte que Favorin reprochoit à Pompée la couleur
blanche de fes bandelettes : « C ’étoit, difoit-il, un ban-
» deau royal, quelque part qu’il fût placé : Non refert
» quâ in parte corporis ,fit diadema. n Ces bandelettes
étoienrdifférentes du femicinüium, efpèce de jupon très-
cou rt, que les pauvres portoient feul, & que les riches
portoient fous la tunique, comme le dit Martial (lib. 14 ,
repig. 1 J J ) :
JD et tunicam dives ; ego te proecingere pojjum ;
EJJem f i locuples -, munus utrumqu* darem.
Plufieurs figures en habit civil, fculptées fur l’arc de
Conftantin, portent une tunique à manches longues ,
qui ne defeend qu’au milieu des cuifles : elles ont des
caleçons qui fe terminent au deflbus des genoux ; elles
fe trouvent dans les bas-reliefs du fiècle de Conftantin.
Les Barbares portoient prefque tous des pantalons,
c’eft-à-dire, des chauffes longues, qui defeendoient jusqu’aux
pieds. Les Grecs & les Romains les appeloient
tantôt anaxyrides, tantôt, du nom barbare , Jarabzra.
Quelquefois les Barbares ne portoient que ce vêtement
feul-, comme on le voit dans la troifième partie de ce
Recueil, pour les Gaulois & le s Germains. De tous les
habillemens qui caraôlérifoient les Barbares dans les
peintures &: les fculptures des Anciens, les longues
chauffes' étoient le plus apparent & le plus ordinaire.
On donne encore, dans la Petite-Ruflie & en illyrie, le
nom jaravara aux longues- chauffes.
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