
CHAPITRE VL
§. Ier. . Tentes.
chijlle campoit fous une cabane de rofeaux au lieu
4 e tenUj { Iliad. f l , verf. 450 i Poil. Onomaft. X 3 170) ;
npais fur la Table iliaque , c'eft une tente qui paroît être
de toile ou 4e peau. Les Princes afiatiques étaloient fur
leurs tentes un luxe étonnant. Trebellius Pollion, parlant
(Pag> 300? tom. I I 3 Hift. Auguft.) d'Hérode, fils d'O-
dénat, roi de Palmÿre, & de Zénobie, dit : « C ’étoit
l'homme le plus, efféminé} il étaloit tout le luxe de
*Y l'Orient & de la Grèce. Ses tentes étoient dorées, 8c
». ornées de peçfonnages brodés. En un mot., il imitoit
». en tout la magnificence des Perfes. » Dans le fiècle
de Theodofe , les Mèdes, les Saces leurs, voifins, coloraient
8c chargeoient de peintures leurs tentes 3 8c les
Indiens les ornoient de pierreries, dit Claudien ( in pr.
cpnf. Stilich. lib. 1 3.verf 1 ƒ6). ..
, Chez les Romains , les .tentes étoient faites quelquefois
de poils de chèvre, mais de la grande efpèce de
chèvre que nourriflbit la Bétique { Feftus Av tenus , Ors.
maritime,, lib. 1 3 verf. 218) ; quelquefois de peaux, d'où
vint l'expreffion fub pellibus hyemem agere3 Sc fouvent de
toile1.
. Les Latins défignoient les tentes par les mots tentoria
& papiliopes. Le dernier étoit relatif à la forme qu'elles
avoientlorfqu’on les ouvroit par-devant & par-derrière,
3n relevant les pentes j elles préfentoient alors la figure
d'un papillon volant.
Lorfque les artiftes ont un camp à repréfenter, il eft
Utile pour eux de pouvoir, jeter de la variété dans la
forme des tentes ; ils en trouveront ici plufieurs. Les
2, 3 , P l.-C I ff, tirés de la colonne prétendue
antonine. {tab. 2 4 , 2 6 ,- 1 4 ) , ptéfentent les tentes les
plus Amples. On croit reconnoître dans la première une
de celles qui étoient appelées papiliones. C'eft aulfi des
bas-reliefs de la même colonne {tab. 10 , 6 2, 5 7 ) que
font prifes les tentes plus ornées des nos. 4 3 PL CIV , & 1
& 2 , PI. CF. Les bas-reliefs de Trajan, encaftrés dans
l’arc de Conftantin ( Montfducon , I F , PL L X IX ) 3 pré-,
fentent une tente des Barbares, que l'on voit ic i fous le
3 , PL CF.
Aux tentes je joins une tour de fignaux & d’ obferva-
tion , prife des bas-reliefs de la colonne trajane ( tab. 1 3
»°. 20) j elle eft carrée, entourée de paliffades , n°. 4 ,
PL CF.
§ . IL Camp, fuggeftum, fentinelles, &c.
Les camps étoient entourés de paliffades 8c de foffés.
Ceux des Romains, dont on voit de nombreux veftiges
dans les Gaules, étoient placés ordinairement fur des
monticules entourés de ruiffeaux ou de ravins efcarpés,
excepté un feul point, par où ils communiquoient avec
la plaine. Dans le centre du camp il y avoit, dit Héro-
dien {lib. 4 , cap. 8) en parlant de Caracalla, qui, après
le meurtre de Géta, fe réfugia dans celui des Prétoriens,
“ un lieu facré où l’on rendoit un culte aux enfeignes 8c
» aux Dieux tutélaires de l'armée. » 11 étoit. placé fur
l ’efpace vid e , au milieu duquel on établiffoit le prêta-
rium ou la tente du général. Cette tente étoit plus élevée
que les autres, afin que toute l'armée pût apperceyoir
l'étendard rouge que l’on arboroit au fommet pour donner
l'ordre du combat. Un paffage de Julius Obfequens
{cap. 1 32) nous apprend .que l'on plantoit dans la terre
une lance devant la tente du Prefeélus caftorum, probablement
comme une marque de fa dignité. Les foldats prétoriens
camp oie nt.à l'extrémité de l’efpace vide , au
centre duquel étoit le prétoire î ils montoient la garde à
la, porte de cette tente, avant la main droite élevée &
fermée , „à l'exception de l'index, & tenant de la gauche
le bouclier. On les voit fouvent dans cette attitude fur
les colonnes trajane 8c prétendue:antonine.
- Le chef des- rondes, chez les G re c s , étoit appelé
codonopkore3 parce qu'il portoit une’ fonnette. avec laquelle
il annonçoit fon paffage, afin dé connoître , par
la réponfe> ou par le filenee- des fentinelles, fi elles veil-
loient ou fi elles étoient endormies (- Ariftopkan. Aves,
verf. 1160 j Tkucyd. I F t cap.. 135 )<• Chez les Romains
le Tribun, en donnant l'ordre, donnoit auffi pour chaque
cohorte une teflere ou tablette fur laquelle étoit écrit
le mot du guet {fignum ). Le foldat prépofé pour la
recevoir, {tefferarius ) la portoit à la cohorte, & les chefs
des rondes la reprenoient poqr la rendre au Tribun.
C'etoit probablement encore auprès du prétoire qu'é-
toit placé le fuggeftus ,• cette efpèce de piédeftal fur lequel
les Empereurs & les généraux étoient montés lo rf
qu'ils haranguoient l'armée j harangue appelée allocution.
Sur la colonne trajane, le fuggeftus eft fait de pierre de
taille. On en voit un plus orné dans le s .bas-reliefs de
Trajan, encaftrés dans l'arc.de Conftàntin 5 il eft deffiné
ici fous 1 en 9. 1 , PL C F I . Il paroît que le fuggeftus étoit
conftruit folidement dans les lieux où l'armée féjournoit.
Zofîme ( lib. 3 ) & Ammien-Marcellin ( 2 4, y ) font
| mention d'un fuggeftus de pierre qui étoit à Zaragarde
' dans la Méfopotamie, 8c qui portoit le nom de Trajan,
auquel il avoit fervi. Ordinairement il étoit fait de gazo
n s , que l'on entaffoit pour former une élévation. Plutarque
raconte ( in Pompeio ) que Pompée, près de
marcher contre les Arabes, reçut d'heureufes nouvelles,
■ mais qu'il ne put pas les annoncer fur-le-champ à fes
foldats, parce qu'il n'y avoit point en cet endroit de
fuggeftus fait à l’ordinaire avec des gazons entaffés. Ceux-
ci y fuppléèrent en formant une élévation avec les bâts
des bêtes de fômme.
Telles font les notions générales fur les camps des
Anciens, dont les artiftes peuvent avoir befoin.
§. I II. Fortifications, ingénieurs.•
Je ne puis mieux faire connoître les fortifications des
Anciens qu'en tranfcrivant le paffage de Dion-Caflius
{ lib, 7 4 , cap. 1 0 ) , dans lequel il décrit le fiége de
Byzance , formé par Septime-Sévère. « La ville de By-
» zance étoit bien fortifiée. Ses murs étoient conftruics
» avec des pierres carrées très-groffes, liées par des
» barres de fer. En dedans, des levées & des conftruc-
» tions les épauloientj de forte que le tout fembloit
» ne former qu'une feule muraille , fur laquelle on cir-
bj culoit à couvert. Plufieurs grandes tou rs, adoffées
L par-dehors, avoient de petites ouvertures qui fe ré-
L pondoient en tout fens. Par ce moyen,-ceux qui
L affailloient lés murs fe trouvoient expofés entre les
1« toursj ca r , élevées très-près les unes des autres,
*> non en ligne droite, mais aux diverfes finuofités des
|3) murailles, elles expofoient aux coups tout ce qui en
las approchoit. Sur le continent, les murs étoient fort L, élevés pour repouffer les attaques de l’ennemi. Du
côté de la mer ils étoient moins hauts, parce que
| » les rochers & le courant du Bofohore les défendoient L, affez. On avoit fermé avec des chaînes les deux ports,
L, dont Içs deux extrémités étoient défendues par des
L> tours élevées fur des rochers...... La force & la fûreté
I» de Byzance ne confiftoient pas dans fon mur feule-
ï » ment, mais on avoit encore placé fur ce mur des ma-
|m chines de toute efpèce qui lançoient de groffes pier-
„ res, des poutres fur les ennemis quand ils étoient
près, & des pierres 3 des javelots, des piques lorf-
qu'ils étoient éloignés j de forte qu'on ne pouvoit
K» approcher, même d'affez loin, fans danger. Quelques
I» machines- portoient des harpons qu'on abattoit fubi-
»3 tement, & avec lefquels on enlevoit les machines &
I» les navires des affrégeaus. »
|- Ceux qui dirigeoientles travaux des lièges, & que nous
■ appellerions les ingénieurs3 fe fervoient, pour mefùrer
I les diftances, d’un inftrument que Suidas appelle é'io^-Tf <t3
Iqu'il dit être deftiné à cet ufage, mais dont i! ne donne
•aucune dëfcription. Nous voyons dans Jolèphe ( Bell.
lib. 6 3 cap. 19) , que les Romains, affiégeant Jéru-
Ralem, « jetoient une balle de p lomb, liée à un fil, pour
4» mçfurer la diftance des murs ils la lançoient avec
1» des machines, parce que’les traits des afliégés ne leur
I» laiffoient aucun autre moyen de mefurer le chemin
» qu’avoient à faire les béliers pour battre les mu-
S» railles. »
p Quelques écrivains ont cru reconnoître les tranchées,
creufées parallèlement aux" murs des places aflîégées,
dont on fejêrt aujourd’hui pour faire les approches avec
Kiireté ; ils ont cru les reconnoître dans les bas-reliefs de
|a colonne trajane & dans des paffages de divers auteurs
Iprecs & latins, notamment dans la dëfcription que fait
ICefar du fiége de la capitale des Bituriges j mais d'autres
favans n’ont vu dans ces bas-reliefs & dans ces paffages,
que des foldats placés à l ’abri des traits des affiégeans
ipar les vine&3 machines dont je vais bientôt parler.
§. IV . Machines de guerre, tortue.
H ^6S £.nc^ens employoient dans les lièges trois fortes
e machines : les unes pour couvrir les affiégeans 5 d'autres
pour lancer les traits j d’autres enfin pour battre les
■ murailles & pour monter à l'affaut.
I . - n at tien de particulier à dire des galeries fou ter- r
u 1re-sra-<lue 1 °n creufe encore aujourd'hui comme on
autrefois. Quant aux mines, les Anciens les
■ anment agir par abaiffement, c'eft-à-dire, en brûlant &
»en detrmfant les étais qu'ils avoient placés fous les murs
les tours des affiégés, tandis que nous les faifons
^La ^ a' êC P0U(ir e , qui fut inconnue aux Anciens,
p ; Premi®te des machines employée par les Grecs & par
. ^ Komains pour former les approches, étoit l'ugger des
derniers, le w p * des premiers, que nous appelons aujourd'hui
redoute ou plate-forme ; elle fervoit à protéger
les fapeurs & à porter les tours de bois que l’ on rouloit
vers les murailles. Les affiégeans commençoient l ‘ugger
à une courte diftance de la ville , & , l'augmentant fuc-
eeffivement, ils s’en approchoient au point de combattre
pied à pied avec ceux qui défendoient les murailles.
On conftruifoit Y ugger avec de la terre, des bois,
des fafcines & des pierres. Les branches des arbres fervoient
à lier ces différens matériaux. Les flancs étoient
affermis par les troncs, q u i, par leur croifement réciproque
, formoient des étoiles rayonnantes, ftellatos
axes {Lucan. 3 , verf. 45-5-, & Silius Italiens , 13 , verf.
109). Le front de Y ugger 3 que l’on rapprochoit chaque
jour des foffés de la ville aflrégée, & que l'on élevoit à
la hauteur de fes murailles, n'étoit point revêtu, afin
d'amortir les coups de l’ennemi. Le derrière étoit formé
en talus pour faciliter la montée aux tours & aux foldats.
Cette dëfcription fuppléera aux figures.
La yinea mettoit a couvert les travailleurs. Haute de
fept pieds romains, large de huit, longue de feiz e, elle
étoit couverte d'un double toit, l’ un de planches, St
l’autre de claies. Les claies formoient auffi les côtés , 8c
tout l'extérieur étoit revêtu de cuirs mouillés ou fraîchement
enlevés ? pour réfifter aux feux lancés par les
affiégés. On réumffoit plufieurs vinea ( Feget. 4 , iy ) , 8c
l'on en formoit une galerie, fous laquelle les foldats
s'approchoient des murailles pour en fapper les fonde-
mens. Le nom tentoria, que donne à ces machines le
moine Abbon dans la Dëfcription du fiége de Paris par les
Normands, défigne un toit aigu; C'eft pourquoi je crois
reconnoître la vinea dans cette figure qu’Apollodore
nous a tranfmife {Môntfaucon, I F , Pl. L X X X F I I I ) ,
8c qui eft deffinée ici fous le n°. 2 , Pl. C F I.
Céfar a décrit le mufculus {de Bello Gall. lib. l 3e. 10),
que fes foldats conftruifirent pendant le fiége de Mar-
feille. C ’étoit un berceau de charpente couvert de terre,
de tuiles, de cuir c ru , 8cc., que les foldats faifoienç
avancer à l’ aide des roulettes fur Iefquelles il étoit fou-
tenu i il fervoit à applanir le terrain pour la marche dei
tours roulantes ", 8cc.
Le plmeus différoit peu du mufculus. Seulement V é-
gèce ( 4 , 15) dit qu'il n’avoit que trois roues, une dans
le milieu de la machine, 8c les deux autres aux extrémités,
afin de pouvoir le tourner dans tous les fens
( more carpenti ) , comme un chariot ordinaire.
Les baliftes étoient-elles deftinées uniquement à lancer
des traits, & la catapulte, l’ on ag re ,le feorpion, à
lancer des quartiers de roche ? C e n'eft point ici le lieu
de traiter cette queftion. Appuyé du témoignage de plur
fieurs Anciens, je dirai qu’en général la balifte lançoit
des flèches, des piques & de petits madriers armés de
d a rd s fé lo n la force de fes refforts. Les plus anciennes
baliftes qui nous aient été tranfmifes font celles de la
colonne trajane ( tab. 30 & 45 ) . On les voit ici aux «os. t
& z , P l. CFII- Ce font probablement celles que Vegèce
( lib. 2 , cap. 2y ) appelle carrobaliftas, qui étoient traînées
par des mulets, 8c au fervice defquelles onze hommes
ae chaque centurie d’une légion'étoient affedés.
Des cordes faites avec des nerfs formoient le reffort qui
lançoit les traits. L'aüteur de la Notice de l'Empire dit
que ce reffort étoit fi dur à tendre, qu’ on emplôyoit",
pour le faire, deux roues, dans chacune defquelles mar-
choit un homme : auffi n’eft-on pas étonné de voir tra-
verfer le Danube aux traits que décochoient ces baliftes.
Je donne au n°. 3 , Pl. C F I l , le deffin d’une balifte que