Carus, Geinitz, Burmeister, Muller et autres. Il fut constaté
que M. Koch avait mélangé des ossements de plusieurs individus,
et même, suivant Müller, de deux espèces différentes,
et qu’il avait composé une colonne vertébrale d’au moins
cent vingt vertèbres, tandis que l’existence d’un membre
postérieur est tout-à-fait douteuse, quoique M. Koch l’ait
montré dans sa restauration poétique. Les savants que je
viens de nommer, trouvèrent que les caractères du zeuglodon
sont les suivants: le crâne est très allongé et étranglé en
arrière des frontaux; la région occipitale se relève par une
pente abrupte, à peu près comme dans les cochons; la face
est grêle; les os nasaux sont allongés; l’ouverture du nez
n’a aucun rapport avec celle des véritables cétacés; les intermaxillaires
sont grêles et allongés; la mâchoire inférieure
rappelle celle des dauphins et des cachelots. La dentition
présente des caractères tout-à-fait particuliers; nous ne la
décrirons pas ici: disons seulement que sur le miroir gît un
petit bloc calcaire, avec une dent du Zeuglodon macrospondylus.
C’est sans doute une des trois dents à une seule racine que
porte l’os incisif ; la couronne de cette dent est en forme de
cône pointu et recourbé en arrière.
Nous avons dit, p. 76, qu’ un grand nombre de vertèbres,
de côtes etc. du zeuglodon se trouvent dans le compartiment
inférieur de la grande vitrine. Ces vertèbres sont composées
de corps cylindriques allongés, avec des apophyses épineuses
et transverses relativement petites. Il se peut que la plupart
de ces vertèbres appartiennent à une autre espèce, le
Zeuglodon brachyspondylus Müll. Ces vertèbres ont servi à
M. Koch à allonger outre mesure son squelette du Zeuglodon
macrospondylus.
SUE LE PARQUET DE LA GRANDE SALLE.
Au bout postérieur de la grande vitrine, sur le parquet,
est déposé un os qui dans le temps a fait quelque bruit
dans le monde. En 1779, ce fragment d’un os d’un grand
animal fut trouvé dans le sol de la cave d’un marchand
de vin de la rue Dauphine, près du Pont Neuf, à Paris.
Celui-ci, ne voulant pas se livrer aux travaux nécessaires
pour l’extraction complète de l’os, le brisa ou le scia et
en enleva une portion qui pesait 227 livres. Il le montra
ensuite à un grand nombre de curieux. Il paraît que le
seul naturaliste qui alors en ait pris connaissance, fût Lamanon,
qui en fit une description dans le Journal de physique, Mai
1781. Cuvier reconnut plus tard, que cet os était une partie
du crâne d’une baleine, qui a dû avoir une longueur d’environ
55 pieds (18 mètres): ce savant le considérait comme
un os temporal moins oblique qu’ordinairement et qui avait
une cavité articulaire moins étendue que celle du même os de la
baleine franche, la Balaena mysticetus Lin. et lui donnait le
nom de Balaena Lamanoni Cuv.
En 1856, visitant pour la première fois le musée Teyler,
je vis cet os dans une des armoires. Il portait alors une
étiquette écrite par Yan Marum mentionnant que cet os
était trouvé rue Dauphine à Paris, qu’il était décrit par
Lamanon, etc. Mon cicérone, feu le prof. Yan Breda, me
racontait à cette occasion ce qui suit:
„Comme vous voyez, cet os est un morceau de la tête d’un
cétacé, trouvé dans le sol d’une cave à Paris. D’abord on crut
que c’était le reste d’un animal, qui avait vécu dans la mer
qui, à l’époque tertiaire, s’étendait dans l’endroit qui plus tard
a été formé par les dépôts de matières sédimentaires, qui à
présent forment le sol du bassin de Paris, et par conséquent
qu’il était un fossile tertiaire. Plus tard cependant on reconnut
que cet os n’avait nullement l’air d’une pétrification
tertiaire. Quoi qu’il en soit, Yan Marum le voulait acheter
pour le musée Teyler, et à cet effet ce savant entreprenait
le voyage à Paris. En même temps George Cuvier fit des
efforts pour acheter cet os pour la collection du Jardin des
Plantes à Paris. Les deux concurrents ne voulant pas céder
l’objet à l’un d’eux et offrant tous les deux tour à tour une
somme considérable au propriétaire, résolurent enfin de partager
l’objet et d’imiter le jugement célèbre du roi Salomon,
savoir de trancher le fossile en deux parties, l’une pour
Cuvier, l’autre pour Yan Marum. Us ordonnaient à un menuisier
de le scier en deux, et voilà l’origine de l’incision
que l’on observe encore aujourd’hui dans le corps de l’os.
Mais alors le coeur sensible de Cuvier parla, comme celui
de la mère juive devant le trône du roi sage, et, en empêchant
le menuisier de continuer son oeuvre, il cédait l’objet
entier à Yan Marum, qui immédiatement le fit transporter
à Haarlem. Plus tard on découvrit cependant l’origine véritable
de cet os et la manière de son ensevelissement dans
la cave de la rue Dauphine. Dans le siècle du Roi-Soleil
(Louis XIY) les dames du beau monde de la France portaient,
comme aujourd’hui, des robes soutenues par une espèce
de crinoline, connue alors sous le nom de robe à cerceaux.
Généralement ces cerceaux furent fabriqués de fanons de
baleine. Une grande baleine venait de naufrager sur la plage