Le père Plumier, de l’ordre des Minimes, naquit à Marfeille en 1640. Il étudia les
mathématiques à Touloufe, 6c fut envoyé enfuité à Rome, où il s’appliqua avec tant
de zèle à cette fcience, qu’il en perdit prefque l’efprit. Il quitta alors l’étude des
mathématiques pour celle- de la botanique, qui efl: moins abftraite. Il retourna en
Provence ; & comme la renommée de fes connoifîànces dans cette dernière^ fcience
parvint aux oreilles de Louis X I V , ce roi l’envoya en Amérique, afin qu’il en rapportât
dans fa patrie, les plantes qui pouvoient être de quelqu’ufage dans la médécine. Il y
fit trois voyages différens, 6c rapporta chaque fois un grand nombre de plantes. Le
Roi, pour récompenfe, lui donna le titre de botanijle royal, avec une penfion annuelle;
6c d’un couvent de Brétagne, il fut transféré dans celui de fon ordre à Paris. Fagon,
premier médecin du Roi, lui periùada défaire un quatrième voyage en Amérique, pour
faire des recherches fur le quinquina, 6c pour examiner pourquoi les effets de cette écorce
ont été plus grands au commencement de la découverte qu’à prëfent. Mais pendant ce
voyage il fut attaqué, au port de Sainte-Marie, non loin'de Cadix, d’une pleuréfie donc
il mourut, en 1704, âgé de foixante-quatre ans.
Voici les ouvrages qu’on a de ce lavant homme :
1° Defcription des Plantes de l’Amérique. Paris 1693. in-fol. 94 pag.108 planches,]
dont cinquante font pour les Fougères.
' 20 Nova Plantarum americanarum généra. Parijiis 1703. in - 4t0, où il efl: décrit
eent-fix eipèces nouvelles, defquelles il établit les] caraétères diftin&ifs. Parmi ces
eipèces il y a beaucoup de plantes médicinales, dont le caraétère étoit inconnu auparavant.
Par exemple: Vanilla, Saururus, Dorfienia, Contrajerva, Perfea, Mancanilla mufa, &c.
2° Traité des Fougères de l’Amérique, à Paris 1705. in-fol.’ cent ibixante 6c douze
planch. 146 pag.
40 L’Art de tourner, à Paris .1749. in-fol. quatre-vingt planches. Il efl: le premier
qui ait écrit un livre complet fur l’Art de tourner.
50 Plantarum americanarumy Fafciculus I—X, continens plantas, qüas olim Carolus
Plumierus, botanicorum princeps, detexit, eruitque atque in infulis Antillis ipfe depinxit.
Nds primum in lucem edidit, concinnis defcriptionibus & obfervationibus, aeneisque tabulis
illuflravit Joannes Bürmannus, M. D . fumptibus editoris. Projlant Amjlelodami, in.
horto medico, apud viduam & filium Schouten. Lugd. Batav. 2755—60. Planches 262,
pag. 262. Tous ces ouvrages, d’un mérite reconnu généralement, font du nombre des
livres rares.
6° Deux Traités iùr la cochenille, dont l’un fe trouve dans le Journal des favans, 1694»
Nro 15, 6c l’autre dans celui de Trévoux, 1703, mois de Septembre. Le favant auteur
y prouve clairement, dans une lettre adreffée à Mr. Richer, de l’Académie des fciences,
que la cochenille efl un animal qui vit fur une eipèce de figuier a), 6c qu’elle efl une
eipèce de cocon b).
Qu’il me foit permis de rapporter ici un paiïàge tiré de la defcription du voyage que
le célèbre do&eur Lifter a fait à Paris, en 1698 , dans la compagnie de l’ambaffadeur
a) Caéhis ccocinillifer. Linn; b) Coccus cafti. Linn.
angîois, où il décrit ce qu’il y a de plus remarquable dans cette ville. “ De tous les favans*
dit-il, auxquels j’ai fait ma vifite, aucun ne me fit autant de plaifir que le père Plumier,
que je trouvai dans fa cellule au couvent des frères Minimes. Il étoit revenu de l’Amérique
fur l’efcadre de Mr. Pertis. Il me montra.plufieurs livres in-folio avec des deflins de
plantes, d’oiièaux, de poiflons & d’infe&es des Indes occidentales. Tous ces deflins font
très-exa&s 6c faits de fa propre main. C’efl: un homme qui a beaucoup de connoiflànces
dans plufieurs parties de l’hiftoire naturelle, furtout dans la botanique. Il avoit été
déjà autrefois en Amérique; 6c à fon retour il fit imprimer, aux frais du Roi, un livre
in-folio des plantes de cette partie du monde. Ce livre fut fi bien accueilli, que le
Roi.l’y envoya encore une fois. Il voyagea plufieurs années aux Antilles, 6c revint enfin
avec la colle&ion dont nous avons parlé.' Il avoit fait plufieurs fois naufrage, 6c perdu
tous fes originaux; mais heureufement il fauva encore fes papiers. Il me montra les
deflins d’un erocodille’, d’une tortue de mer 6c d’un lézard qu’il avoit difféqués, 6c dont
il a aufli décrit toutes les parties. Parmi les oifeaux, il y avoit furtout trois eipèces
de ducs hibou-cornus , de très-beaux vautours & faucons, dont l’un étoit très-noir, 6c
une nouvelle efpèce d’hirondelle. Parmi les infeétes, je trouvai furtout une fcolopendre
qui avoit un pied de long a) , 6c un millepied b) très-gros. Il avoit aufli deux coquilles
avec leurs animaux |||Îfune étoit celle qui produit la véritable pourpre, & l’autre pond
des oeufs à coque dure, qui refîemblenc- à ceux du moineau, tant pour la grofleur que
pour la couleur c). Il avoit encore une grenouille des bois très-grofle, qui faute à l’aide
de l’extrémité, de fes pattes; .mais j’en ai déjà vu une femblable dans la colleflon du
dofleur Tournefort. Parmi la grande colleétion de plantes, pouriùit-il, je remarquai
que les bouillons d) 6c les fougères e ) étoient les plus nombreufes de toutes; car il
pofledoit de chacune, une quantité incroyable d’eipèces. .11 y avoit aufli deux ou trois
eipèces de raifins iàuvages, qui font toutes bonnes à manger, comme Mr. Plumier,me
l’a afîuré. Le père Plumier, ajoute-t-il, m’a encore afluré que fes deflins des plantes
feroient bien dix volumes, chacun aufli grand que l’ouvrage qu’il vient de publier.
Outre cela il poifède aufli deux volumes fur les animaux. Il a été fouvent à Verfailles
pour les offrir à l’imprimerie royale; mais jufqu’ici fans fuccès. On voit par-là que les
libraires de Paris ne fe chargent pas volontiers d’ouvrages fur l’hiftoire naturelle”.
Des deux volumes fur les animaux, il m’en efl tombé un entre les mains, qui confifte
en 169 pages z/z-folio. Un parifien qui étoit ici au fervice du Roi, l’avoit apporté; &
enfuite il fut vendu à un encan public; Voici le titre de ce manufcrit : D . O. M.
Zoographia Americana, pifces & volatilia- continens auclore R.. Pâtre Carolo Plumier,
ordinis Minimorum provinciae franciae 6’ botanico regio. Sous chaque deflin, l’auteur
a) Elle efl: encore plus grande que la gigantea de Linné, grand, & en a fait mention dans fon Syftème fous h
qui a cent quatre-vingt, quatre pieds. ’ dénomination de julus tnaximus.
i ) Ce millepied a cent trente-cinq pieds & cinquante- c) Mr. Lifter a fait graver ces quatre deflins, & les a
iix articulations ; il a dix-fept pouces de long, & mérite inférés dans la Defcription de fon voyage. Les originaux,
à bon droit le nom de gigantefque; car celui que Marcgraf de ces figures fe trouvent encore dans mon manufcrit,
décrit dans ion Hiftoria Brafiliae, p. 255, n’a que deux d) Verbafcum.' Linntl
pouces de long ; & pourtant Linné l’a pris pour le plus.. e) Filices, Linn.