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l’eau de la mer eft adoucie par les eaux des fleuves. Quand ils y ont
frayé, ils fe rendent dans lés fleuves, pour fe raffafier de poiffons. Ils
aiment fur-tout à pourfuivre les grislagines d ), qui font leur nourriture
favorite, & qui vont en troupes au printems. En général, le grand-
efturgeon eft très-vorace; car, félon Mr. Pallas e), il ne fe contente pas
des poiffons, mais il avale aulli les jeunes veaux marins, les canards
fauvages, &même du bois, des joncs, des racines & d’autres matières
qui nagent fur la furface de l’eau. Après le frai, il retourne dans la mer.
En automne, une grande partie retourne dans les fleuves, pour y paffer
tranquillement l’hiver. On connoît qu’il fait ce voyage, parce quon a
obfervé qu’on n’en prend point depuis le mois de Mai jufquau mois
d’Août. Quoiqu’il foit certain que ce poiffon, de même que l’efturgeon,
fraie dans les fleuves, cependant M arfigli f ) , P allas g ') & Gmelin K)
affurent qu’on n’a point trouvé de jeunes poiffons ni de cette efpèce, ni
de l’efturgeon. Mais je puis certifier, que j’ai reçu de l’Elbe près de
Magdebourg, & de l’Oder, plufieurs efturgeons qui n’aVoient pas plus de
fix à huit pouces de long. Le grand-efturgeon eft prefque le plus gros
de tous les poiffons de rivière; car on en trouve depuis dix-huit jufqu à
vingt-quatre pieds de long ï) . M arfigli en cite un de neuf cents livres P ),
P lin e , un de mille /) ; Mr. Lepechin, un de douze cents m'), & Mr. P allas
un de deux mille huit cents «).'■!
Les grands efturgeons prennent différens noms en Ruflie fuivant leur
groffeur. Ceux de fix, fept ou huit palmes, fe nomment Sapkowaja;
ceux de neuf & dix Polumernaja; ceux de douze Mernaja ; de treize &
quatorze Gorbufchai de quinze Ulufchrwja ou Polumateraja, & on donne
lè nom de Materaja à tous ceux qui paffent cette dernière mefure.
La pêche du grand-efturgeon eft d’une grande importance pour
quelques nations européennes, qui font un grand commerce étranger
du caviar & de la colle qu’ils en tirent. On le prend de diverfes.manières,
que Marfigli o ), Gmelin p ) & Mr. P allas y) nous ont rapportées..
Dans le Danube, on le prend de la manière fuivante : Quand les
pêcheurs le remarquent dans le fond, ils tâchent de s en emparer avec
des harpons; mais quand il paroît fur la furface, ils fe fervent de tridens.
Dès
d ) Gÿprinus Grislagine. L. 0 H. N. lib. 9. dap. 15.
c ) Reifen. Tom.II. p. 344. m) Reifen. Tom. ï . p. 159.
/*) Danub. Tom.yrVï^p. 3 1 . , 4) " ? v P * 343*^
g ) Voy. le livre citk • ° ) Au lieu çfté. V .
h ) ReiC Ton-.. U. p. S46. . p ) Reifea.’Tom. 1. p. JS9- T “ nl- H. p î 4«-
1 ) milughb. Ichttp.,»43. . ¡■■■¡ï. . f : ;f ) 'rom. I. p.' XI. p. 33i>- .
k ) A l’endroit cité.
. 'D H f G $ A N D - E S F U R G. E O N . 0 3
Dès que les pêcheurs s’apperçoivent qu’ils l’ont faifi, ils s’en approchent,
lui paffent une corde par la bouche & l’ouverture des ouïes, & l’attachent
au vaiffeau. La plus grande partie fe prend avec des filets à larges
mailles. On place ces filets en travers du fleuve, & on les conduit avec
deux nacelles. Lorfque le poiffon donne du mufeau contre les filets, il
s’en retourne, & les pêcheurs le fuivent avec leurs filets jufqu’à ce qu’il
ait rencontré un rivage uni, où il ne puiffe avancer faute d’eau. 'Alors
ils tâchent de s’en emparer, & le tirent dans le fleuve par le moyen d’une
corde qu’ils paffent par l’ouverture des ouïes, & ils l’amènent ainfi tout
vivant à Vienne ou à quelqu’autre grande ville. Alors, on le coupe
comme la viande de boucherie, & on le vend. Lorfque les pêcheurs
l’attachent, il faut qu’ils prennent bien garde à fa queue, avec laquelle
il pourrait les renverfer dans le fleuve.
La manière de pêcher le grand-efturgeon dans le Jaïck & leWolga
eft beaucoup plus remarquable encore; & je ne crains pas d’ennuyèr
mes leéteurs en leur en faifant une petite defeription. D’ailleurs, elle
pourrait fervir à introduire quelques çhangemens dans celle des autres
pays. Il eft vraiment étonnant que des peuples qui n’ont prefqu’aucune
connoiffance des arts & des iciences, aient montré dans cette partie plus
de génie & d’invention que les nations plus "éclairées. Dans ces~contrées
on fe fert du tramail de l’hameçon & des filets. La première manière
eft la plus remarquable. Voici comme Mr. P allas la décrit dans là relation
de voyages par diverfes provinces de la Ruflie r). \
On choifit un endroit où un fond uni s’étend depuis le bord prefque
jufqu’au milieu du fleuve. Là, on enfonce une rangée d’arbres ou de
pieux, qui trav.erfe une partie du fleuve foit en ligne droite, foit en forme
d’angle obtus ouvert vers le courant, de manière que les pieux s’élèvent
au-deffus de la furface de l’eau. Après cela on prend des claies, faites
de branches d’arbres ou d’ozier, '& affez larges pour S’étendre depuis le
fond jufqu’à la furface.' On affujettit ces claies au fond contre les pieux,
de manière que le courant lès y preffe davantage. Cela forme une eipèce
de parc qui oblige les poiffons qui remontent le fleuve, de fuivre fa
direction, & de chercher une autre iffue. Or, dans l’angle du parc, eft
une ouverture d’environ deux ou trois braffes, qui fert d’entrée à une
chambre carrée, fermée auffi avec des: pieux ou de l’ozier, & dans
laquelle le poiffon fe prend. Mais dans les parcs qui font formés en ligne
droite au travers du fleuve, il y a, environ dans le milieu de toute la
longueur, une chambre double, qui donne vérs le courant, difpofée de
r ) Tom. I. p. 134. Voy. aulii Georg. Gmelin, Reif. durcliRuisl. n . p. a o i—23a. tab. 35 37,