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armée. Le nombre de ces rangées dépend de l’âge du poiffon. Mr. Otto
Fabricius en a remarqué dans une lamie vivante de quatre aunes de long,
quatre rangées à la mâchoire fupérieure, où il y avoit plus de cent dents
mobiles, & trois à là mâchoire inférieure, avec cent cinquante dents, fans
compter celles qui commençoient à fortir de la chair a). Dans les vieux
poilfons de cette efpèce, on en trouve fix rangées à chaque mâchoire.
Les rangées antérieures font fermes; mais pour les poftérieures, le poiffon
peut les mouvoir, félon la pofitiott de fa proie. Or, comme il y en a au
moins trente à chaque rangée, la bouche d’un poiffon de cette efpèce eft
armée de quatre cents dents de cette nature. Dans l’île de Malthe & en
Sicile, on trouve de ces dents en quantité fur les bords. Les anciens
Uaturaliftes les 'pfenoient pour des langues de ferpent. Elles font fi
compaites, qu’après avoir refté pendant plufieurs fiècles dans la terre,
elles ne font point encore corrompues. La quantité & la groffeur de
celles qu’on trouve, fuffit pour prouver que ces animaux exiftoient
autrefois en grand nombre, & qu’il y en avoit d’une groffeur extraordinaire.
J’ai fait graver une de ces dents, que je poffède dans mon cabinet. Si
l’on veut calculer par-là qu’elle doit être à proportion la grandeur de la
gueule, qui contient un fi grand nombre de pareilles dents,, on trouve
quelle devoit avoir au moins huit à dix pieds de large.. En effet, on
trouve encore aujourd’hui de ces poilfons, qui font fi gros, qu’on eft
effrayé à leur alpect. Rondelet dit, qu’il faut quelquefois le couper par
quartiers', tant il eft gros, afin de pouvoir en charger deux chariots ¿).
Il avoit vu auffi fur le rivage un de ces poiffons',y qui étoit d’une groffeur
fi énorme, que l’homme le plus puiffant auroit pu entrer dans fa gueule.
La langue eft courte, épaiffe, large & cartilagineufe. Les narines font
doubles, & à moitié couvertes d’une peau. Les nageoires font brunâtres;
celles de la poitrine font grandes & épaiffes. La première nageoire du
dos eft grande ; la fécondé & celles du ventre font petites. La nageoire,
de la queue eft longue, & celle de l’anus manque. L’anus eft fitué entre
les nageoires ventrales, qui font féparées, & la queue eft plus courte que
dans les requins précédens.
Ce poiffon renommé par fa voracité & fa hardieffe, fe trouve dans la
mer Méditerranée & dans prefqüe toutes les contrées de l’Océan. Il fe
tient ordinairement dans les fonds, & ne monte que pour fatisfaire fa
faim. Mais il ne paroît vers le rivage que lorfqu’il pourfuit fa proie, ou
qu’il fuit la pourfuite du mular c), qu’il n’ofe approcher, même quand il
eft
a) Faim. GroenL p. 15 7 . i ) Hift, ¿es Foifli P. I. p. 306. c) Phyfeter Macrocephalus. L.
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èft mort Il avale toutes fartes d’animaux aquatiques vivans ou morts, &
cherche fur-tout le flétan, la morue, le veau marin & le thon. En pourfuivant
ce dernier, il tombe quelquefois dans les Ifiléts; & on en a pris de cette
manière en Sardaigne qui pefoient quatre cents livres, & danslefquels on
a trouvé huit à dix thons qui n’étoient pas encore digérés dJ). Il attaque
les hommes par-tout où il peut les attraper ; ce qui lui a fait donner par
les allemands le nom de Menfchenfrejfer -Ç mangeur d’hommes ). Prefque
tous les voyages de mer offrent des hiftoires tragiques où des hommes
ont été la proie de cet animal. Fermin rapporte qu’un de ces poiffons
emporta la jambe à un matelot qui fe baignoit près de fon vaiffeau, qui
étoit à la rade e). Le père Feuille raconte deux aventures femblabtes / ) .
D avoit vu lui-même une lamie emporter la jambe à un de fes écoliers,
qui fe baignoit en fa préfence avec quatre dé fes camarades, quoiqu’on
fût venu auflitôt à fon fecours, & que la rade fût couverte de vaiffeaux.
Quelque tems auparavant, Une jeune dame qui fe baignoit avec quelques
autres à l’embouchure du fleuve Lamentin, devint la proie d’un de ces
animaux voraces g~). Un matelot perdit la jambe de la même manière
fur les bords de la Méditerranée ¡i). Mr. Forjler rapporte qu’une lamie fè
jetta fur la main d’un matelot qui tiroit dés filets, & ne làifit heureufement
que fa manche i ). En 1862, lorfque les anglois fe furent emparés de la
Havanna, un jeune officier nommé IVofton, qui fe baignoit, fut attaqué
par une lamie, qui lui emportât la jambe, quoiqu’on fût venu auflitôt à
fon fecours. J’ai vu une eftampe qui a~été exécutée-à-f occairon de cette
aventure. Il n’y a pas longtems qu’un voyageur anglois m’a affuré que ;ce
Wofion vit encore, & qu’il eft actuellement ulterman (fénateur) & membre
du Parlement de Londres. Les dents de ce poiffon font inciflves; de forte
qu’elles ne peuvent fane autre chpfe que tenir ferme ou couper la proie;
voilà pourquoi il avale tout ce qui n’eft pas trop gros pour fa gueule.
Rondelet affure qu’on a trouvé un honime tout armé dans l’eftomac d’un
de ces poiffons, que l’on avoit péché près de Marfeille I) ; & Gunner pàrle
d’un veau marin de la groffeur d’un boeuf qu’on a auffi trouvé dans un de ces
animaux, & dans une autre lamie une rhenne fans corne, qui étoit tombée
d’un rocher avec une pelotte de neige, ou par quelqu’autre accident /).
Un capitaine qui avoit fur fon bord des efclaves de Guinée, s’étant
apperçu que les Nègres fe tuoient eux-mêmes, parce qu’ils croyoient qu’ils
alloient reffufciter au milieu de leurs parens, voulut • leur prouver le
d ) Cettiy Sard. Tom. III. p. 73. h ) Diâion, des Anim. Tom. IIÏ. p. (584*
e ) Surin. Tom. II. p. a48. ' i i*') Tagebuch derReife nach der Südfee. p. Ï 89?
f ) Allgemeine Reiièn. Tom. III. p. 77. k ) Hift. des Poiff. P. I. p. 306.
g ) Au lieu cité. ' , ' / ) Dronth. Schrifcen. Tom. H. p. 306,
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