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mais auffi pour fe défendre. Voilà pourquoi Cicéron dit, que la torpille fe
fert de fa propriété d’engourdir, comme le taureau fe fert de fes .cornes;
le fanglier de fes défenfes, & la fèche de fa liqueur noire a). Le Créateur
a donné à toutes les autres efpèces de rayes des pointes qui couvrent
leur furface, ;& fur-tout leur queue, qui èft longue & mobile., Celle dont
nous parlons eft privée de ces armes, & ü l’en a dédommagée par cette
qualité fingulière. Qui n’admireroit pas ici la fageffe infinie du Créateur.
Ge poiflon a la vie dure, & dans un tems froid#! ne meurt qu’au bout de
vingt-quatre heures. On le prend avec des filets, & à un hameçon auquel
on attache un poiffon. La torpille fait éprouver des commotions à ceux
qui la pèchent. Voilà pourquoi les pêcheurs du Cap de Bonne-Efpérance
évitent foigneufement de la toucher, & leur crainte va. futôin, que. s’ils
en apperçoivent une dans leur filet, ils aimeftt mieux, le renverfer &
rendre toute la prife à la mer, que d’amener la torpille fur le rivage
Selon Ariftou., elle ne fait fes petits qu’en automne O- La torpille
fe multiplie de la même manière que les autres efpèces de rayes.
Cependant, comme on a trouvé au mois g e .Septembre dans des
rayes de cette efpèce des petits parfaitement formés, & avec cela des
oeufs fort peu développés £ ), il .eft vraifemblabie qu’elle ne fait pas.tout
d’un coup fes petits, mais feulement peu à peu, commeries autres
efpèces. Sa chair eft molle & limoneufe. Galien dit qu’elle eft fort aifée à
digérer e)Iimais Rondelet dit l&Contraire J£>,, De nos jours, i ® y a que
les gens du peuple qui le mangent. Selon Galien, fa chair eft falutaire
aux perfonnes qui font attaquées du haut mal; appliquée vivante fur
la tête, elle guérit les màux de cette partie ¡ g ^ e l o n i ® ^ ^ ; .elle
guérit auffi les rhümaftifmes, quand on l’applique fur la partie malade h}.
Les nouvelles expériences qu;on a faites de nos jours avec 1 éleétricité,
prouvent qu’une commotion de cette nature contribue à réfoudre les
humeurs arrêtées, & qu’elle peut appaifer la douleur. Les Abyffms.fe
fervent de la torpille pour guérir la fièvre. Voici comme ils ufent de ce
remède : ils lient le malade fort ferré fur une table; enfuite ils appliquent
le poiffon fucceffivement fur tous fes membres. Cette opération met le
malade à une cruelle torture; mais elle le délivre fûrement de la fièvre i).
Les Éthiopiens fe fervent aufli de ce poiffon pour le même but k~).
Kcempfer
I _ I . ~ ' H I / ) a) De Natura Deorum. Iib. a. J ) Hift. des .PoifC P. I. p. a8&
l ) Kolbc. Rèîfe nach dem Vorgeb. der goten .g ) . g j | B j “ P- g
' TT , - ' m ^ 'D e Simpl hffl a.?c.1îf .
ELoMn. -P - /. iy V a y . !eI)i£aon. de Bomare à Part. Torpille.
’ t )W o /A H i f t .Æ ü v :o p .R b .. .c a P.a .
« i De Aliment, lib; 3.
D e l à r ■ W 'W E p i l z e . 5 3
Kcempfer & Loreh[ini ont fait des obfervations fi intéreffantes fur les
paràes internes de la torpille, qu’elles méritent de.trouver place ici.
Le premier, en difféquant une torpille femelle, trouva la peau épaiffe,
la chair blanche, entremêlée de bleu; le péritoine ferme, &les vertèbres
du dos cartilagineufes, & s’étendantes vers la queue. Il ne vit aucune
de ces pointes latérales qu’on nomme arêtes : mais à la place, il découvrit
des tendons qui fortoient dés vertèbres. Le cerveau avoit cinq paires de
nerfs, dont le premier fe dirigeoit vers les yeux, & le dernier vers le
foie. Les autres prenoient différentes dire étions, affez près de leur origine.
Le coeur, qui étoit fitué dans l’étroite cavité de la poitrine, avoit
précifément la forme d’une figue. L’abdomen avoit un large ventricule,
fortifié de plufieurs fibres, & rempli d’excrémens noirs & puans. H avoit
plufieurs veines, dont l’une, qui étoit fort groffe, s’étendoit jufquau lobe
droit du foie; & s’entortilloit autour de la véficule du fiel. Le foie étoit
d’une fubftance épaiffe, d’un rouge pâle, & compofé de deux lobes, dont
l’un rempliffoit toute la cavité du côté droit, & l’autre, qui étoit à gauche,
mais plus petit, laiffoit voir une veine enflée de fang noir. On pourroit
prendre ce fécond lobe pour la rate, s’il n’étoit \pas joint au petit ifthme
qui eft au-deffous de la poitrine, & s’il n’étoit pas de la même fubftance
& de la même couleur. Après avoir vidé les inteftins & les ventricules,
il découvrit près du dos un lac mince & tranlparent, mais inégal &
tortu, plein de petits conduits'," auquel-tenoit une fubflance charnue,
qui reffembloit beaucoup aux ailes de la chauve-fouris: c’étoit Y utérus
ou l’ovaire. Il trouva plufieurs oeufs pofés fous le lobe gauche du foie.
Ils n’étoient pas renfermés dans une coque , mais dans une mince
pellicule de couleur de foufre pâle; du refte, ils reffembloient exaétement
aux oeufs de poule. Ils nageoient dans une liqueur mucilagineufe &
tranfparente. Ils étaient renfermés dans une membrane commune, mince
& tranfparente, attachée au foie h~).
Le dernier, étant à Livourne, eut occafion de faire la diffeétion d’une
très-groffe torpille, dont le bas-ventre étoit fort gonflé. L’ayant ouverte,
il trouva dans les deux matrices des foetus parfaitement formés. La peau
des matrices étoit fi mince, qu’il pouvoit reconnôître la figure des foetus
avant de faire l’oUverture. Chaque matrice contenoit un poiffon affez
grand. Les petits avoient la tête tournée du côte de l’ouverture de la
matrice, & nageoient dans une eau claire & falée. On voyoit dans cette
eau beaucoup de mucilage qui n’avoit aucun goût. Il trouva une femblable
matière dans la bouche, l’éfophage & l’eftomac. L’oeuf qui donnoit la
/ ) Amoenit. Exot. p. 51a.
Part. W È Ê ^ M J ' ' 0