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contraire. Il fit jetter dans la mer1 un de ces malheureux qui s’étoit tué
lui-même, & à qui il avoit fait enchaîner les jambes. Quoiqu’il le fit retirer
très-promptement, une lamie l’avoit déjà avalé & l’avoit coupé jufqu’aux
jambes ni). Dans les climats brûlans, ce poiffon eft la terreur des gens de
mer ; car s’ils ont le malheur de tomber dans la mer en travaillant ou
autrement, ils deviennent ordinairement fa proie.
Cë poiffon parvient à la longueur de vingt-cinq à trente pieds n).
Millier dit qu’on en a pris un près de l’île de Ste. Marguerite,.■qui pefoit
quinze cents livres o). En l’ouvrant, on trouva dans fon corps un cheval
tout entier, qu’on avoit apparemment jetté d’un vaiffeau dans la mer.
Mr. Briinniche dit que pendant fon féjour à Marfeille, on en prit un
près de cette ville de quinze pieds de long, & que deux ans auparavant,
on en avoit pris dans le même endroit deux beaucoup plus gros, dans l’un
defquels on avoit trouvé deux thons, & un homme tout habillé. Les
premiers étoient endommagés, & le dernier ne l’étoit point du tout p~).
Kolbe affure auffi que les habitans des environs de la mer du Cap de
Bonne - Efpérance perdent quelquefois un bras ou une jambe, que les
lamies leur emportent y). '
La grandeur de la gueule de ce poiffon a fait croire à Rondelet, à.
plufieurs naturaliftes après lui & à quelques théologiens que le poiffon qui
avoit avalé Jonas étoit un requin, parce que les baleines ont la gorge'
beaucoup trop étroite pour pouvoir avaler un honmie:' Je n’ai rien à
oppofer;à cette'opinion; car dans les anciens tems, on donnoit le nom
de baleines à tous les poiffons d’une groffeur un peu confidérable. Voilà
pourquoi Arijlote met auffi dans cette claffe les thons,oies elpadons, &c.
En 1760, on montra à Berlin un requin empaillé qui avoit vingt pieds
de long, & neuf de circonférence à l’endroit le plus épais. Il avoit été
pris dans la Méditerranée, & pefoit deux cents vingt-quatre livres. La
voracité de ce poiffon va fi loin, qu’il n’épargne pas même fa propre
efpèce, comme on peut le voir par ce que Leèm rapporte; Un Lappon,
dit-il, qui avoit pris un requin, l’attacha à fon canot; mais bientôt après,
il ne le trouva plus, fans qu’il put fa voir comment il étoit difparu. Mais
quelque tems après en ayant pris un plus gros, il trouva dans fon eftomac
le requin qu’il avoit perdu r). Mais cette même avidité fait qu’on peut le
prendre aifément. Il fuffit pour cela d’avoir un gros crochet attaché à une
m) Penn. B. Z. III. p. 107. . Pifc. MaiE p. 6.
n) Dich des Anim. Tom. III. p. 6$3. Schrifc. y) Reif. nach den Vorgeb. der guten HofFhung.
derDronth. Gefellfch. Tom._II. p. app; p. 374.
0) L. S. Tom. III. p. aô7. r ) Lappl.' p. 150 . ■ -
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chaîne de fer-de-deux aunes de long; car il auroit bientôt caffé une corde.
Comme ce poiffon a l’odorat très-fin, on peut l’attirer d’une diftance de
quatre à fix lieues avec de la chair pourrie. Les Islandois ont coutume
d’attacher ces chaînes à leurs canots, & d’appâter les crochets avec un
fac plein de chair gâtée, ou une tête de veau marin. H faut auffi que ce
poiffon ait l’ouïe fort fine; car quand il entend des hommes qui parlent
haut, il fort des profondeurs pour venir fur la furface de l’eau, & s’approche
Ordinairement des vaiffeâux. Voilà pourquoi lorfque les Groenlandois
paffent dans des endroits où il y a des profondeurs, ils le font en filence,
fans quoi ils rifqueroient d’être avalés avec leurs canots. Ces canots font,
faits de peau de chien de mer, & il ne s’y met qu’un homme dans chaque.
Cependant c’eft un plaifir de voir comment l’homme, qui d’ailleurs craint
tant cet animal monftrueux, fe comporte avec lui; car pendant que
le premier tire des côtes à la baleine, ce poiffon l’attaque par deffous s).
Il eft auffi divertiffant de voir les fauts que fait la lamie dès qu’elle
s’apperçoit qu’elle eft prife. Quand tous fes efforts font inutiles, la frayeur
fait quelle fe rend, & elle s’arrache elle-même l’eftomac, auquel tient
le crochet. Et lorfque les matelots fe font affez divertis à la tourmenter,
ils la tirent en haut, lui paffent une corde autour du corps, & lui coupent
la tête, le plus vite qu’ils peuvent, de peur d’en être encore bleffés.
Ils lui coupent auffi la queue, parce que l’animal, qui a la vie dure, a
fur-tout beaucoup de force dans cette partie, & qu’il l’agite longtems.
Les - Irlandois prennent auffi ce poiffon -avec de la chair corrompue.
Lorfqu’ils remarquent qu’ils en ont pris un gros, ils le tirent près de leur
canot, & le frappent avec un bâton ferré jufqu’à ce qu’il foit mort : car
quand ils font loin de chez eux, ils courent rifque que le mouvement de
l’animal ne rompe là chaîne. Ce poiffon fi redoutable pour les hommes ne
fauroit pourtant fe défendre contre la remore r ) , qui s’attache à lui &
l’entraîne avec elle à travers les mers. Car on prend rarement une lamie qui
n’ait quelques-uns de ces poiffons attachés à fon corps. Une autre remarque
que l’on a faite à l’égard de la lamie, c’eft que dans les climats chauds, on
voit toujours le conduéteur u) nager à quelque diftance d’elle. Si cela
n’arrivoit que quelque fois, on devroit le regarder comme l’effet du hafard;
mais ce fait eft affuré & par les ignorans & par les naturaliftes voyageurs;
de forte qu’on ne fauroit le révoquer en doute. Mais je ne fais pas pourquoi
ce petit poiffon accompagne ce monftre marin ? On dit communément à
ce fujet, que ces petits poiffons vont à la découverte des gros, pour
s ) O. Fabr. Faun. Grcenl. p. 1 19 . . ^ 1 « ) Gafterofteus Dudor. L.
t ) Echineis Rémora & Neucrates.