
148 LETTRE SUR UN ELEPHANT
' de vous ennuier, en ajoûtant quelques réflexions
fur la quantité confidérable d ’oflèmens de divers'
animaux terreftres , en particulier d’éléphants,
q u on a trouvés en différens tems, & en divers.en-
droits d’A llem a gn e , d’Italie, d eS u iflè , de Fran--
ce , des Pays bas, d’Irlande, de quelques lieux du
N ord, & fur tout de la Sibérie, & même d e l ’A mérique
Septentrionale ;; mais avant cela , il ne
fera pas mal à propos d’obferver en paflànt, que'
l'énorme grandeur des olfemens qu’on découvre'
en Sibérie , & là recourbure dès défenfes qui les
accompagnent ', Sc qui ont fart douter à M. de
SirMenberg G c’étoient des os & des défenfes d’é -'
lephans, parce que ces os lui paroiflênt beaucoup.'
trop grands, & les défenfes trop recourbées, font -
précifément deux marques diffinélives qui prouvent
ce-dont cet habile Ecrivain doute. ■
En effet, perfbnne n ignore que l ’éléphant eft le ‘
plus grand & le plus, gros animal terreftre , & que ’
par conféquent, fes os doivent être d u fie gran- -
deur énorme, com pa ré si ceux des autres animaux '
tèrreftres. ' On fçait auflî qu’il n’y a que l ’éléphant '
qui ait de groflès & longues défenfes recourbées ; '
mais peut-être tout lé m onde ne fçait pas'que les '
défenfes des plus grands & des plus vieux élëphans '
font beaucoup plus recourbées que celles des jeu- -
nés. G’eft ce que M. de Strahlenberg a ignoré,' &
c e fl; ce que j’aiappris: à V e n i f e :, y a y a n tv û des !
défenfes de prefque to u t'â g e depuis celles d’un I
pçed jufqu’à une d ’environ fept à huit, qui étoit (
expofée chaque jour ouvrier à cô téd e la boutique
d’un Marchand qui faifoit travailler à divers ouvrages
d’yvoire. Peut-être l ’y voit-on encore à
prêtent. Il nè s’agit pas ici de rechercher la raifon
pîjiflque de la piüs grande recourbure des plus
grandes défenfes, ilfùffit que la chofe foit c e r taine.
J’ai fait cette remarque pour pré venir L o b - '
jeétion qu’on auroit pû tirer de Strahhnberg.
Je reviens à mes réflexions. La première concerne
la nature des lits qui ont envelopé les offe-
mens dont j’ai fait mention. Ils1 font ordinairement'
d’une efpéce de terre marneufe & calcinée d’autres
font d’une efpéce de r o c , nommé pierre à.
chaux ; un fuc bitumineux forme fouvent lùr ces
os & fur l ’yvoire en particulier des figures de petits
dentrites. I l y en a auflj où divers lues plus ou
moins colorés -, -oupourdire m ieux,plus ou moins ;
abondans , ont coloré le roc en tout ou en partie,
de même que les os qu’ils renferment ; ceq u i fait
que l ’on en trouve de différentes couleurs plus ou
moins obfcures ; couleurs qui'forment dans un e
partie' des défenfes des fquelëttes de Sibérie, des
figures fort bizarres, comme dans les agates & les
marbres de Florence, qu’on appe llepietra citadina,
ou citadineJca , parce que l’on y voit-dès montagnes,
des rochers y des V i l le s , dés maifons, des
clochers , des ruines, & mille autres Angularités.
Et comme il paroît, par ce qui a été dit dans la
Lettre furies Poiflons pétrifiés, que ces animaux
ont-été confervés dans des plaques de cette efpéce