
<58 L E T T R E SUR L’ORIGINE
qui arrange la matière des coquillages d’une foule
elpece : Tout de meme qu’un aveugle né pourrait,
former mille & mille traits fur le papier , fans
qu aucun d eux relfem'blât parfaitement à une lettre
hébraïque, Ou crayonner des milliers de têtes,
fans qu aucune eût la reilèmblance de celle qu’il
aurait delîein de deiîiner d’après nature.
Je remarque en troiiiéme lieu, que comme on
ne^ perliiadera jamais à un Naturalifte Phylicien
qu un fimple vërmilfeaü ou le plus vil des infectes,
puillè naître, comme le vulgaire le l ’imagine , de
la putrefaélion, ou de quelque matière que ce foit,
a moins qu elle ne renferme un oeuf de i’elpéce ; il
ne pourra jamais, non plus, par les mêmes principes
, le perlùader que des coquillages qui fe forment
fur des corps marins , & qui croiflent àme-
fire que ces corps grollîlient, puilfont le former
leparement .de ces animaux & dans une matière
ou on ne lùppofo pas meme qu’il y ait une partie
feminale de 1 animal ou de l ’èlpéce. Auffi M. Lang
qui a fonti ce qu il y avoit d’ablùrde à attribuer à
un lue pétrifiant foui, ou à une fimple végétation
la production des coquillages, y fait-il intervenir
les feminia des animaux marins, ôc il met encore
de la partie une manière de nature çlaftitjue.
J avancerai donc hardiment ici que les coquillages
folîiles, quelque parc qu’ils ayent été formés,
font provenus des oeufs -ou Ipermes des animaux
marins, làns qu’on puilîè en excepter un feul. Il y
aura toujours entre les corps terrellres ôc ceux de
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la mer, de même qu’entre les elpéces des uns &
des autres, la différence que le fage & libéral Auteur
de la Nature y a' mife dès le commencement ;
jamais des lemences d’épines ne formeront des
branches de coral : des poules couveront mille Ôc
mille fois des oeufs de cannes , de perdrix, defai-
fandes, il n’en proviendra jamais des poulets. Quelque
part que tombe un gland, ilneproduirafure-
ment jamais qu’un arbre de felpéce de celui qui
l ’a porté.
Ma quatrième obfervation fera que les germes
les plus parfaits, & les femences des animaux ôc
des végétaux qui contiendraient tout cequieltné-
celfaire pour produire des plantes, ou des animaux
de leurs elpeces, demeureraient fans fécondité,
s ils etoient tranlportés de leur élément dans un autre,
ou s ils etoient fimplement déplacés, ou même
fi demeurant dans 1 endroit que le Créateur a formé
pour le dévelopement & la nutrition des germes
& des lemences qui doivent perpétuer chaque
elpece de plantes ôc d’animaux, ils étoient
empeches ou trop prelles par une matière étrangère
; c eft ainfi que les femences dujeorail & des
aùties plantes marines-demeureroient infruétueu-
les dans la terre ; que des oeufs d’oileaux ou d’in-
feéles ne pourraient pas éclore, s’ils étoient tranf-
portes hors de leurs nids , ou placés dans des endroits
oppofes a ceux dont les femelles font choix,
ou fi la chaleur qui difpofé la matière dans l’oeuf
etoit diminuée dè quelques degrés : Ôc beaucoup