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1er, tout au plus, que l’eau qui ferait au-deffus du
niveau des terres. Ceci arriveroit d’autant plus facilement,
que la matière delà moitié des Alpes,
fuppofé qu’elle pût être entraînée , comblerait une
partie des vallées, 8c les petites plaines qu’il y a
entre les lources de ces fleuves 8c les lacs où ils
le rendent. Ces lacs, qui, comme prefque tous
les autres, font des réfervoirs pour empêcher que
les eaux ne s’écoulent trop promptement dans la
mer, fe rempliraient de labié êc de pierres, &
formeroient un niveau d’autant plus difficile à fur-
monter, que le Rhin 8c le Rhône couleroient avec
moins de rapidité.
Cet exemple fournit une autre raifon pour ren-
verfer l’hipothéfe des répandues. Il faudrait plus
de cent millions d’années feulement pour combler
le lac de Confiance ou celui de Genève. Si l’on calcule
à proportion du peu d’elpace que les Pierres
& les fables ont gagné fur l’un 8c l’autre de ces
lacs, depuis quatre mille ans que i’Hiftoire du
Monde nous efl: allez connue, nonobftant la rapidité
naturelle 8c accidentelle du Rhône 8c du Rhin.
Ajoûtez à cela, que les perlbnnes qui ont voyagé
dans les Alpes depuis Nice jufqu’à Venife, ne peuvent
ignorer, fi elles y ont voulu faire quelque attention
, que ce n’eft que dans quelques endroits
peu confidérables, comparés à toute i’étenduë de
la chaîne de ces montagnes, que l’on remarque
l’effet de la chûte des rochers 8c des ravines fiir-
venues depuis quarante fiécies dans ces endroits.
De
D È S P I E R R E S . ï 7
De forteque quelque calcul que l’on falîè, quand
même on le poufferait jufqu’à des millions de millions
d’années, on n’accorderoit jamais un tel calcul
idéal avec les phénomènes de la Nature.
Appliquons encore tout ceci à nos montagnes
& ànotre la c , pour rendre l’objet plus frapant. Je
ne crois point être téméraire, fij’ofe dire qu’il eft
impoffible que notre lac puiflè jamais être rempli
par la matière des montagnes qui l’environnent,
tandis que les régies que D ieu a établies pour
les mouvemens de la Terre, ne changeront point.
La raifon de cela eft, que des montagnes telles
que le font les nôtres, beaucoup moins Hautes que
les Alpes, & dont la pente eft allez douce, qui font
toutes couvertes d’herbes & d’arbres, delquelles il
ne découle que très-peu ou point de ruiflèaux ; de
telles montagnes, dis-je, ne donnent prelque aucune
prife à la rapidité des eaux, qui pourraient
entraîner leur matière.
Les Naturaliftes ont oblèrvé que les montagnes
couvertes d’herbes 8c d’arbres, ne donnent jamais
de fontaines & de ruiffeaux, excepté quelquefois
au bas. Et c’eft-là précifément le cas des nôtres »
ainfi que je viens de le remarquer. La Serriére, un
petit ruifleau près à’Auvernier, un autre ruilîèau
fous le Bois delà. Lance, la Rettfie à Saint-Sulpi, 8c
peut-être quelques-autres, démontrent à l’oeil cette
vérité.
Il eft vrai que le Selon, la Reufie, l’Arnon, 8C
quelques autres rivières ou ruiflèaux moins confi