
i 46 LETTRE SUR UN ELEPHANT
que l ’Auteur l’appelle ; car quoique les molécules
de la matière du Jlratum eufTent déguifé quelques-
uns des corps dont il s’agit, en s’infinuant dans les
interftices de leur lubfiance organifée, & en l’en-
velopant, il falloir le crever les yeux volontairement
pour ne point voir que leur figure externe
& interne, &touteslesautresmarques deftruéture
organique, nepouvoient déiigner que des parties
de fquelettes de divers animaux. Ajoutez à cela ,
qu’une legere comparaifon des corpsdéguifésavec
ceux qui n’jvoient fubi aucun changement fenfi-
ble , étoit très-facile à faire, & ne pouvoir manquer
de forcer à conclure que les uns Sc les autres
étoîent de même nature ; c’eft-à-dire, que c’é-
toient des oflèmens, des mâchoires & des dents,
quiavoient finement appartenu à des animaux de
differentes efpéces.
Je le rois, auffi ridicule que ces Phificiens, qui
attribuoient la formation de tant d’oflèmens à quelque
vertu plaftique, ou à quelqu autre principe
auffi chimérique, fi je m’amuîois à prouver que des
mâchoires avec des dents encore inférées dans
leurs alvéoles:, ne fçauroient s’être formées dans
des couches de terre, ni dans des bancs de rocher.
Il eft plus convenable de remarquer que les oflèmens.
de Canfiad s’étant trouvés envelopés dans
un lit. d’une matière qui les avoir rendus caflâns
pour la plupart, il leur eft arrivé comme à l’éléphant
de Tonna, Sc même encore pis, parce que
les Ouvriers de Canftad n’ayant pas ufe d’autant
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de précaution que ceux de Tonna, en déterrant les
oflemens de Wirtemberg, il y a bien de l’apparence
qu’ils enbriférent un grand nombre, & augmentèrent
par-là la difficulté de les reconnoître
aux perfonnes déjà prévenues de fauffès idées fur
ces matières.
Quoi qu’il en foit, excepte les dents, qui lont
déja^ à peu près, de la nature des pierres, & quelques’
offemens qui ont été garantis comme par hasard,
les couches de l’Europe ne font pas , à beaucoup
près, auffi favorables à la çonfervation des
défenfès Sc des autres os des éléphans, que les lits,
ou les collines de la Sibérie. Je dis les couches de
l ’Europe, parce qu’ayant vû des fragmens confi-
dérables de défenfès d’éléphans trouvés en Italie,
ils étoient en tel état qu’on n’auroit pû les employer
à en former quelque ouvrage , & la pétrification
& la ftruélure des dents mâchelieres & in -
eifoires, n’y feroit nullement propre.
Il ne refte donc que les offemens & les défenfes
d’éléphant qu’on découvre en quantité en Sibérie,
qui puiflènt fèrvir à faire diverfès fortes d ouvrages
que les Ruflès vendent a la Chine. Et fans
m’arrêter à prouver que les fquelettes énormes
qu’on trouve en divers endroits de la Sibérie font
certainement des fquelettes d’éléphant (au moins
ceux qui ont des défenfès de plufieurs pieds de
long), Sc non de l’hypopotame ou de la vache
marine, ou du rhinocerot, comme quelques Ecri-
yaîns l’ont foupçonné ; je me contenterai de finir