
124 LETTRE'SUR LES POISSONS
Ces irrégularités ne peuvent être raifonnable-
ment attribuéçs qu’aux mouvemens de l’eau 8c de
la matière qui envelope ces Poillons, à la rencontre
de divers corps qui nageoieht enfemble, 8c
aux divers efforts réciproques des couches à me-
fore qu’elles fe condenfoient. On peut attribuer
encore quelques irrégularités à ce que, quand l’on
fend les pierres ou les ardoifes où font les Poifo
fons, leur fubftance fo trouve comme partagée,
de forte qu’une partie plus ou moins entière, fe
trouve fur un des côtés de la plaque, & l ’autre fer
le côté oppofé, parce qu’il fe forme ordinairement
deux plaques , entre lefquelles le Poilfon
étoit caché. Il arrive auffi qu’on calfe ces pierres en
les fendant, ce qui rend le Poilfon nécelïàirement
défeétueux. Cela n’empêche pas néanmoins que
l ’on ne voye avec plailir que la figure du Poilfon
eft comme gravée en creux d’un côté de la pierre,
pendant que la figure en relief fe trouve de l ’autre
côté.
Ajoutez à cela, que les Poiiîbns dont nous parlons
font d’autant mieux marqués, qu’ils font plus
gros 5 qu’il y en a dont les vertèbres font comme
cryftallifées,& d’autres, dans la place de la moëlle
defquels l’on trouve de petites cryftallifations, 8c
que nonobftant toutes ces variations, l’on ne peut
douter que ce n’ayent été de vrais poilfons de mer
& de rivières, parce que plufieurs Sçavans en ont
reconnu diverfes elpéces, comme par exemple ,
des brochets, des perches, des truites, des harangs,
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desfardines, des enchois, des fer rats ,'tîes turbots,
des têtus, des dorades qu’on appelle rougets en Languedoc
, des anguilles des faluc^ ou filurus, desgaa-
j>erw du Bréfil, des crocodiles. J’ai vû un Poijfon-
'volant dans une pierre de bolca , dans le Cabinet de
M. Zannichelli a V enife.
Qu’il me foit permis de remarquer à cette occa-
fion, que ce ne font pas tant les Poilfons que je
puis avoir vûs en divers Cabinets d’Italie 8c de
Suilfe, principalement chez le Chevalier Bianchi,
chez le Comte Mofcardi, chez M. le Marquis Maf-
fei, chez M. le Doéteur en Médecine üottario, 8z
chez quelques-autres à Verone ; chez M. le Chevalier
Vallifnieri à Padouë , chez M. Zannichelli à
Venife, dans le Cabinet de ÏInJlitut, &chezM.
Jofefh Monti, Profelîèur en Botanique & en Hif-
toire naturelle à Bologne. Mais c’eft aux Poilfons
dont j’ai été autrefois redevable à MM. Vallifnieri,
Zannichelli, Scheuch^er, Aiartini, Botanifte de Monte
f o r t e gros Bourg du Véronois, 8c Daniel Gueifel
de Nuremberg, avec ceux que je dois à préfent à
M. Kitter le fils, Doéteur en Médecine à Berne, à
M. Harder le fils, Jurifconfolte de Schaffoufe, 8c
à M. Wxgner d’Erlang, Médecin du Prince de
Bejyreuth. Ce n’efl: pas tant, dis-je , aux Poilfons
que j’ai vus, qu’à ceux que j’ai polfedés & que je
polféde encore aujourd’hui, qui m’ont mis foffi-
famment au fait for ce fojet, 8c ont contribué à me
mettre en état de juger plus fôrement de cette e£-
péce de reliques de l ’ancien Monde.