
LETTRE SUR UN ELEPHANT
« Ce fut-là qu’au mois de Décembre de l’année
» 169?. on déterra des os prodigieux qui faiioient
« partie des jambes de derrière de l’animal, Sc
» dont l’un étoit du poids de dix-neuf livres.
» On en trouva énfuite un autre de figure ron-
» de, avec fon emboëtement plus gros que la tête
» d’un homme, & pefant neuf livres $ & après ce-
» lui—là un plus grand encore, appartenant à la
» cuilîê, & de la pefanteur de trente-deux livres.
» Au commencement de l’année Suivante, après
»> que le grand froid lut palfé, on le remit à creu-
* fer dans le même endroit, & on découvrit lé -
» pine du dos avec les côtes qui y étoient adhé-
» rentes, & dans une plus grande profondeur deux
» os fphériques plus vaftes encore, avec les.os des
» jambes de devant & celui de l’épaule long de
« quatre pieds & larges de deux palmes & demie.
» On rencontra bientôt après les vertèbres du col ,
HP l’os pointu qui en forme le uertex , ou le fom-t
» met. Enfin , on découvrit une tête énorme-ayec
» quatre dents macheliéres, chacune du poids de
„ douze livres, & deux grolfes dents ou cornes
» fortant de cette tête, larges de deux palmes &
» demie , & longues de huit pieds.
. » Pour éclairer le lieu où étoit cette tête, afin
» qu’on pût la confidérer plus exactement, on per-
» ça la colline, & il fallut pour cet effet, creufer
» à la profondeur de vingt-quatre pieds : ce qui
» étant exécuté , le Prince de Saxe-Gotha s’y ren-
» dit le 22, de Janvier, & il voulut que M. Tenu
2,-reliai auteur de cette Lettre , fût du nombre de
„ ceux qui l’accompagnoient. Mais fi, d’un côté,
„ le s Spectateurs considérèrent avec admiration
.„cette tête, avec lès prodigieuîès dents, ils eu-
rent d’un autre côté, le chagrin de voir que la
„ carie avoit rendu fi fragiles tous ces os, à l’ex-
ception des dents macheliéres, & qu’ils avoient
tellement loufïèrt dans la Situation violente où
„ ils s’étoient trouvés, qu’on ne put en emporter
„ aucun qui fût parfaitement fain Sc entier, la plû-
„ part étant rompus, & d’autres tout brifés.
,, Le bruit s’étoit d’abord répandu que ces os
„»étoient ceux d’un Géant, mais il s’évanouit à la
„ vue de la tête, & les lèntimens le réduifirent en-
„ fuite à ces deux. Les uns foutenoient que c’é-
„ toit-là un Squelette d’éléphant que le tems avoir
,, pétrifié, car il l’étoit preSque entièrement. Les
„ autres vouloient que cette maSTe fut une Licorne
„ foffiie, ou une production minérale de la terre,
„ & dont la forme étoit un jeu de la Nature.
„ M. Tent^elius, qui. Sè déclara pour le premier
„ de ces fentimens, compare d’abord les dimen-
„ fions & la figure des os du Squelette avec celles
„ qui fe trouvent dans l’anatomie d’un éléphant,
„ donnée par A. Aîoulinus à Dublin l’an 1681. Sc
„ avec les obSèrvations de J. Ray, autre Auteur
,, Anglois ; & ii découvre une parfaite conformité
« entre les unes & les autres. Il s’attache enfuice à
„faire voir que ce fquelette pétrifié n etoit pas de
„ la nature de ces folfiles minéraux, qui ont des