P R É F A C E
DE S A I N T J É R Ô M E
S U R L E S É V A N G É L I S T E S .
AU PAPE DAMAS E.
"Vous m’ordonnez de revoir un ouvrage qu’une approbation de
plusieurs siècles n’a déjà rendu que trop respectable , et que
m’érigeant en censeur des exemplaires sacrés, déjà répandus dans
tout le monde chrétien, je juge de leur diversité, et que je fasse
voir quels sont ceux qui ont plus de conformité avec l’original
grec. J’avoue que ce travail seroit bien digne de la piété d’un
auteur; mais qu’il est dangereux de s’établir le juge des autres,
quand on est soi-même exposé et soumis au jugement de tous!
Qu’il est difficile de rajeunir le monde sur ses opinions, et de
l ’obliger à abandonner de vieilles erreurs ! Et quel sera le savant ,
ou celui même qui ne le sera point du tout, qui en voyant mes
exemplaires si peu conformes aux siens, ne se récrie d’abord que
je suis un faussaire et un sacrilège d’avoir osé faire des change-
mens à l’ancienne version? Voilà les raisons qui pourroient m’arrêter;
cependant deux choses m’ont enhardi à celte entreprise: la
première, est que vous me l’ordonnez, vous qui êtes le souverain
Pontife; et la seconde, que la vérité ne peut certainement subsister
avec tant de variations et de diversités dans les textes, comme
l’avouent ceux mêmes qui sont les plus zélés partisans de l’antiquité.
Car, enfin, s’il faut nécessairement se déterminer entre les
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