Si l’on examine les rameaux naissans, on voit que la gaine naît de l’aisselle d’une
écaille oblongue aiguë, dont la pointe est roulée ou recourbée en dehors ; ces écailles
sont d’un gris roux, un peu blanchâtre, et déchiquetées sur les bords : ce sont elles
qu’on décrit sous le nom de Stipules; elles tiennent la place des vraies feuilles, et les
faisceaux de feuilles ternées et engainées représentent réellement des rameaux avortés,
chargés de trois feuilles. Ce phénomène est assez analogue à ce qui a lieu dans
rÉpine-V inette.
Les chatons mâles naissent au sommet des rameaux disposés en un épi oblong, long
d’un pouce et demi à deux pouces, et qui s’élève immédiatement au-dessus des feuilles
de l’année précédente : chaque épi se compose de vingt’à vingt-cinq chatons rapprochés ;
son extrémité se prolonge souvent en un jeune rameau feuillé. Chaque chaton partiel
naît à l’aisselle d’une écaille parfaitement semblable à celles que j’ai décrites plus haut,
de sorte qu’il est évident que le chaton naît à la place du petit rameau qui porte les
feuilles ternées. Chaque chaton a 9 lignes de longueur ; il a une forme obovée avant
son développement, puis devient cylindrique ; sa couleur est d’un jaune verdâtre avant
l’épanouissement, d’un jaune de soufre pendant la fleuraison ; il devient ensuite roux
et tombe. Les anthères s’ouvrent inférieurement par deux fentes longitudinales, et
se terminent par une espèce d’appendice obtus et presque pelté. Le pollen est très-
abondant , très-volatil, et ne ressemble pas mal à de la fleur de soufre.
Je n’ai point encore vu se développer les chatons femelles sur les individus que
je cultive, quoique ceux-ci ayent porté des fleurs mâles deux fois , savoir : à la quatrième
et à la cinquième année de leur vie.
Les cônes d’où j’ai tiré les graines qui leur ont donné naissance sont ovales,
oblongs, de couleur rousse, presque obtus à leur sommet, longs de 7 à 8 pouces sur
1 % de largeur , de consistance ligneuse, composés d’écailles serrées qui forment des
aréoles presque carrées , dont le centre est relevé en tubercule mousse et transversal.
Chaque cône est formé de huit à neuf rangées spirales decailles, dont les inférieures
sont très-petites et celles du milieu les plus, grandes : chaque spirale se compose de
quinze à vingt écailles. A l’aisselle de chacune de ces écailles se trouvent deux fruits:
ceux des écailles inférieures avortent et l’aile seule persiste sous forme d’une languette
étroite et pointue. Dans les autres, le fruit est ovoïde comprimé, d’un gris foncé, long
de 3 à 4 lignes, surmonté par une aile membraneuse, tronquée obliquement à son
sommet, longue de 6 à 8 lignes, obtuse à son extrémité, marquée de raies irrégulières,
longitudinales, alternativement blanchâtres et d’un gris noirâtre. La graine,
vue à l’extérieur, n’offre rien de différent de la structure ordinaire de nos Pins; à la
germination, les cotylédons sont au nombre de huit à dix verticillés; lorsqu’on les
examine dans la graine mûre, ils sont disposés en deux paquets opposés, circonstance
qui tendroit à appuyer l’opinion de ceux qui regardent les cotylédons multiples des
Pins comme les lobes de deux cotylédons opposés.
H I S T O IR E .
L e Pin que je viens'de décrire provient de cônes qui m’ont été adressés, avec plusieurs
autres objets précieux de Ténériffe, par M. Antoine Courant ^ correspondant
du Musée académique et du Jardin botanique dé Genève. Ces*graines avoient d’autant
plus de prix qüe l’histoire de cet arbre étoit extrêmement obscure.
On savoit depuis long-temps qu’il existait des Pins à Ténériffe; mais*, par une singulière
bizarrerie, les voyageurs qui abordent si fréquemment dans cette île célèbre
ne les avoient jamais étudiés ; il semble que, préoccupés par la première vue d’une végétation
étrangère à l’Europe, ils avoient négligé l’étude des végétaux qui leur rappe-
loient trop ceux de leur patrie.
Feuillée les a confondus (!) avec le Mélèze ; Le Dru se contente de dire que les
montagnes de Ténériffe sont revêtues de Pins ( Voy. 1 , p . 5a ) , qui de Chasna se
prolongent jusqu’au pied du Pic (ib. p . 69); mais il ne dit point quelle est cette
espèce de Pin. M. Tessier, dans un Mémoire sur Vagriculture de Ténériffe, cité dans
louvrage précédent, dit que les montagnes du sud de l’île produisent des Pins très-
résiiïeux, que les habitans nomment Tea. M. Bory de St. Vincent (Ess. îles fo r t. ,
p . 359) admet trois Pins à Ténériffe : l’un qu’il nomme P inus L a r ix , et qu’il cite
d’après le témoignage de Feuillée ; le second qu’il rapporte avec doute au Pinus toeda
d’Amérique, et dont il dit que les habitans se servent pour s’éclairer, et le nomment
Tédes ; le troisième qu’il désigne sous le nom de Pinus mapitima. Il paroît
que ces trois Pins, rapportés d’après des témoignages divers, ne sônt tous trois que
la même espèce décrite ci-dessus.
M. de Hmnboldt, qui a porté son oeil observateur sur la botanique de Ténériffe, a
divisé la végétation de cette île en cinq zones, savoir : celles des Vignes, des Lauriers,
(*) Je cite ici Feuillée, daprès la petite Flore des îles fortunées de M. Bory; mais je n’ai su trouver cet article
dans les Observations physiques du Père Feuillée.