
m
CHAPITRE CINQUIÈME.
Eécapitulation. l:o Plau pour la conservation complète du baleinoptère. 2:o Difficulttis graves qui pendant
plusieurs semaines m'ont tenu dans une position fort pénible. 3:o Marche du travail pour représenter le
eétacé dans sou entier.
Ce fat eu vérité une uouvelle bieu iuatteudue que celle que j e reçus le 31 Octobre,
À 10 heures et demie du matin, par le billet, qui suit, de mon ami, le Docteur S. A, HEDLOTD:
»Viens me voir, si tu en as le temps. On dit qu'une baleine morte est ici, à 3
»lieues de la ville; celui qui la tuée, est chez moi.»
Il va sans dire qu'en un instant je fus là. Il ne fallut pas non plus beaucoup de
minutes pour que, comme je l'ai dit déjà, j e fusse en route pour me rendre sur les lieux.
D'après la description que me tit CARL HANSSON lui-même, il me vint cependant à la pensée
que l'animal eu question était un Dauphin Orque, car mon homme parlait grandement
et en longs détails de dents. Il était doue bien uaturel que je fusse au comble de la joie,
quaud je vis devant moi un Baleinoptère colossal, encore tout frais. Quel vaste champ
ouvert là anx recherches scientifiques! Pendant les premières minutes, que de plans se
croisèrent daus ma tête! Cependant la journée avançait; dans quelqnes heures la soirée
allait arriver. Je fis pour ainsi dire violence à mes seutimens, et j e me mis tranquillement
au travail d'uue première description, travail qui dès le lendemain ne pourrait plus se faire
dans d'aussi bonnes circonstances. Eu m'en retournant chez moi, j'arrêtai les traits principaux
du plan qne j e formai pour la conservation du eétacé dans tout son entier, plan qui
a été heureusement suivi et exécuté dans tout ce qu'il avait d'essentiel; j'en rends mes
plus ardentes actions de grâces à la Providence et à tous ceux qui pendant toute la marche
du travail sont venus à mon aide avec autant de bonne volonté que d'activité. Ce
plan avait deux grands objets en vue. En premier lieu, c'était d'avoir, aussitôt que possible,
le eétacé à sec sur la terre, afin de pouvoir, à l'aide de photographies, de mesurages
précis et de descriptions exactes, dresser un compte-rendu soigneux des formes extérieures
et des proportions de formes d'une bête aussi colossale; c'est une chose en effet qui jusqu'à
présent manquait absolument. lin second lieu, j e voulais, ce compte-rendu une fois dressé,
m'efforcer de conserver du colosse tout ce qu'il était possible d'eu prendre.
Ayant eu vue ces deux buts, j e ne voulais absolument pas, avant que ces études fussent
faites et que ces dessins fussent achevés, dépecer ce eétacé, quelque fût d'un antre
côté l'intérêt que je mettais à étudier les parties intérieures dn corps, pendant qu'elles
étaient encore complètement intactes. Mais il m'était impossible aussi d'arriver à aucune
de ces parties intérieures, lorsque le cétacé était dans une telle profondeur d'eau, sans
abîmer les côtes et bien d'autres choses. Je m'en tins donc à des parties de la peau et
du sang pour les soumettre à des analyses microscopiques.
19
J ' a i déjà dit quelles mesures j'ai prises immédiatement pour réaliser mes plans; mais
il faut que j e dise aussi tout ce que j'ai souft'ert pendant les 2 jours et demi qui ont suivi;
car cela se rattache étroitement à l'histoire de ce rare événement.
Comme tous les jours se succédaient avec un tems parfaitement calme, je ne déviai
pas de l'épaisseur d'un cheveu du projet que j'avais formé d'avoir le cétacé à sec sur terre.
J ' y mis môme, je puis le dire, un entêtement opiniâtre, me tenant renfermé chez moi pendant
ces deux jours dans une inquiétude im])atiente, que j e cherchais à apaiser en m'occupant
à analyser les petites parties que j'avais rapportées. Mais, la nuit, je ne fermai pas
la paupière. Je prêtais l'oreille dans une espèce d'épouvante au moindre frémissement de
vent. Chaque minute me semblait un siècle, dans l'attente où j'étais du retour de la personne
que j'avais expédiée sur les lieux, pour me prévenir aussitôt, s'il y avait la moindre
apparence de réussir dans la tentative de mettre à îlot le cétacé. Je ne voyais que trop
bien quelle pouvait être ma responsabilité, si j e venais à perdre la partie hasardeuse que
j ' a v a i s engagée. Je ne voulais pas, avant que le succès devînt quelque peu certain, me
rendre de ma personne sur les lieux. Je ne voulais pas, arrivé là, me voir tenté de dépecer
le cétacé à l'endroit ofi il était gisant, avant qu'il fût bien constant que toutes les
tentatives pour le tirer de là étaient infructueuses.
Combien aurait-on pu recueillir de cet animal, si une brise, seulement légère, se fût
élevée durant ces jours qui ne voulaient jamais prendre fin. Si le baleinoptère restait là
et y pourrissait, un squelette incomplet en licaucoup de parties, c'était là tout ce qu'on en
]iouvait recevoir. Une tempête, les eaux grossies auraient pu réduire notre moisson à
moins encore, peut-être môme à rien. J'avais sans cesse devant les yeux les travaux du
grand cctologue ESGHRICHT, cette baleine qui à la fin de Septembre 1841 était venue aborder
la côte nord-est de la Sélande. Lui aussi, cet ami qui nous a été enlevé trop tôt, il ne
pouvait »décrire la satisfaction qu'il ressentait, lorsque, après le travail du premier jour, il
était le lendemain, de grand matin, debout et marchant sur une baleine.» Mais on sait
déjà par ses ouvrages cétologiqucs ce qui, par suite de la survenance du mauvais temps,
advint de la prise qu'il s'attendait à faire.
Toujours occupé, comme je l'étais, de la pensée que j e serais à même de faire sur
ce colosse une description aussi exacte que s'il s'agissait d'un animal de petites proportions,
et que je pourrais ainsi faire des conquêtes pour la science, il n'est pas surprenant, que,
lorsque le cétacé se détacha du fond, je ne pus retenir l'explosion de ma grande satisfaction.
C'est aussi la même satisfaction qui m'a donné la force, quoique je fusse déjà
épuisé de fatigue, de me mettre immédiatement à l'onvrage pendant les jours suivans, de
poursuivre mon travail sans aucune relâche et de ne pas prendre une minute de repos,
avant que les peaux, dépouillées de leur lard, fussent mises, à l'abri de tout accident, entre
les couches de sel et de sciure de bois. J'ai déjà dit ailleurs quelles avaient été mes indécisions
au moment on il fallut dépécer le cétacé et comme pourtant j e hasardai la tentative,
coûte que coûte, de représenter le baleinoptère dans son entier. J'ai parlé aussi de
la manière dont ont été préparés le S([uelette et les parties molles de l'intérieur de l'animal.
Il ne nie reste maintenant qu'à rendre compte du travail qui a eu pour but de représenter
le baleinoptère dans son entier.
A l'aide de mesurages nombreux et exacts et d'un grand nombre de photographies et
de dessins à la main des ditïércntes parties du cétacé, j'en fis enfin un croquis au dixième
de la grandeur naturelle, après avoir préalablement divisé tout le papier que j e destinais
à ce dessin en carrés de 29-ft millimètres sur chaque côté. En me guidant ensuite sur ce
È
u:
f -
ii
S ' i l
h
f r ï f