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la teiTC, est éteiiilue là, n'ayant guère plus d'uii pied d'eau dans toute la partie autérieiire
du corps."
M'étant fait mettre exactement au courant de tontes les circonstances, j'envoyai le même
huissier, i\ 2 heures de la nuit, il Lindholni; il y portait l'ordre de chauffer tout de suite
nn grand bateau à vapeur et de l'expédier. Une heure après, un vapeur de la force île
16 chevaux était au débarcadère de notre port; l'Ingénieur de l'usine de Liudholm, qui
voulut accompagner lui-mcmc le bateau, vint me trouver pour conferer avec moi snr les
moyens qu'il pourrait y avoir à prendre. Tar suite de notre entretien, il s'arrêta, en passant,
à l'usine de Lindholm, pour y ])rendre des espars, des moufles, tout ce dont on pouvait
avoir besoin pour soulever la tête et la partie antérieure du corps. Vers les 6 heures du
matin, le bateau remorqueur était auprès du cétacé. A 6 heures et demie, je partis de la
ville avec ma femme et j'arrivai sur les lieux à 8 heures moins un quart. L'eau continuait
à être basse. L'Ingénieur, aidé de beaucoup d'ouvriers, était occupé à soulever la tête dn
fond. Le ciel était clair; pas une ride sur la surface de la mer; mais le puissant cétacé
était là, gonflé maintenant par les gaz, et il exhalait une odeur intolérable pour bien des
gens. Du moment de mon arrivée jusqu'à 10 heures et demie, je m'occupai d'études siii'
le cétacé; à cette heure-là, on fut prêt à essayer de l'enlever du fond. J'avais d'avance
prié l'Ingénieur, dans la prévision dn cas où nous ne réussirions pas dans la matinée, de
suspendre toutes tentatives à cet égard pendant l'après-midi; car alors il m'aurait fallu employer
ce temps-là au travail de dépècement du cétacé sur le lieu où il était. Mais
maintenant, on allait bientôt voir quel était le résultat de tant d'efforts. Avant d'en arriver
à ce résultat, je dois cependant exposer qnel était l'état des choses, lorsque, à 10 heures
et demie, les bateaux à vapeur se mirent à tenter l'effort définitif.
Entre les deux grands chalands était couché le cétacé, soulevé en partie, dans la
partie postérieure du corps, par de gros câbles à ancre, qui étaient fixés autour de mfttereanx
couchés en travers des chalands. Un appareil de même nature était aussi disposé vers la
partie antérieure du corps. Au-dessus de la tête se dressaient deux màtereaux posés en
croix, lesquels étaient maintenus droit par un câble, qui d'un de se:s bouts était attaché an
côté extérieur de l'un des chalands et dont l'autre bout, à une centaine de mètres de là,
était attaché sur une montagne. Autour de la tête était placé un lacs formé d'un gros
câble à aucre, lequel était attaché, lâche, à une chaîne de fer qui s'étendait dans sa longueur
d'environ 100 mètres jusqu'en avant de la queue et était attaché au mât do remorque
du grand bateau à vapeur. Les deux jietits bateaux à vapeur avaient leurs câbles de remorque,
attachés chacun à son chalaud. Les moufles tendus alors dans l'appareil des deux
màtereaux en croix et les machines allant â toute vapeur, tout, chaînes et cordes, était
dans nu état de tension tel qu'il y avait danger à se tenir i)rès du cétacé dans le cas où
les chaînes on les cordes viendraient à se rompre. Tout le monde alla donc à terre à
l'exception des gens de service dans les chalands. Le sifflet de signal de l'Ligénieur donne
le commaudemeut de marcher en avant, et, sur ma recommandation, de marcher lentement
pour commencer. Lorsque les vapeurs eurent avancé et (|ue les câbles furent tendus, le
cétacé avança d'un pied en avant; mais, l'instant d'après, il reprit sa première place. A
la seconde tentative, faite avec plus de force, le cétacé avança de deux pieds; mais de
nouveau encore il recnla d'autant. Phénomèues de l'élasticité. }je câble de remorque de
l'un des petits vapeurs se rompit, mais il fut aussitôt remplacé par un autre. Maintenant
encore une fois en avant à toute vapeur. Alors le cétacé avança de 3 pieds; mais il ne
recula que de 2. Décidément la victoire était certaine. Un hourra retentit dans les montagnes.
Nous coutiuuâmes comme précédemment; des câbles rompirent et furent changés;
mais, à la 7;ième secousse, les deux màtereaux posés en croix s'abattirent, tous les cordages
étant cassés, sur les chalands avec un fracas épouvantable; les gens qui étaient dans ces
chalands se rangèrent contre les lisses pour se mettre à l'abri. Cependant le cétacé
n'était plus à fond. Il était à flot, attaché comme il a été dit entre les chalands. Ordre
fut donné de le remorquer ainsi jusqu'à la ville sans le changer de position; l'Ingénieur
me promit et m'assura que dès le soir même le cétacé serait halé à la fabrique de Lindholm.
Accompagné de ma femme, je me hâtai de gravir les montagnes. Mais de là s'offrait
un tableau anssi extraordinaire que magnifique.
Il était 11 heures du matin. Le soleil répandait sa douce clarté sur les montagnes
et sur la mer. Pas un souffle de veut qui fît rider le miroir transparent des eaux, l.a
foule des travailleurs, tout-à-l'heure si active, se reposait autour du butin, fruit de notre
victoire. I.e but était atteint. Nul obstacle ne viendrait plus s'opposer à ce qu'il fût possible
d'étudier l'animal gigantesque et de lui faire subir les préparations nécessaires, comme
on le pourrait faire avec tout autre sujet que ce fût. Je n'avais d'autre hâte que d'arriver
à la ville où tout était déjà préparé; là, des persounes de bonne volonté, actives et entendues,
avec lesquelles j'avais parlé déjà, allaient, dans toute l'étendue de leurs forces et avec
toute la promptitude possible, mettre la main à ce travail aussi intéressant que colossal;
cependant nous ne pouvions résister au désir d'être là au moment où les trois bateaux à
vapeur, l'un en rang près de l'antre, allaient se mettre eu mouvement avec le trophée, qui
à partir de cet instant devenait pour uous une chose si précieuse. En ligne parallèle
s'élevaient vers la haute voûte du ciel azuré les colonnes de fumée des remorqueurs; celui
du milieu était des trois le cheval de limon, comme d'ordinaire le plus fort. Puis le baleinoptère
venait entre les deux chalands, en dernier suivait une chaloupe avec quelques
persounes; et ainsi s'avançait le cortège, qui bientôt disparut derrière l'émineuee qui bordait
le bassin.
A midi et demi, j'étais arrivé en ville, et, vers les 2 heures, mon ami, le Docteur
HEDLUND, vint m'aunoncer que le cortège funéraire, accompagné de centaines de personnes
montées sur une foule de bateaux, dont le nombre augmentait contiuuellemeut pendant la
remonte du fleuve, était, disait-on, visible du haut de Lindholm; nous uous rendîmes immédiatement
tous deux à l'usine.
Il était tout naturel que le cadavre, vieux alors de quatre jours, répandît autour de
lui, malgré la fraîcheur de cette journée de novembre, une odeur désagréable; mais cela
ne chassa aucune des personnes de toute condition, de tout âge et de tout sexe, qui par
milliers voulaient satisfaire leur juste curiosité et souvent s'approchaient beaucoup trop
près du cadavre; bateaux à vapeur, petits et grands, et autres moyens de transport amenèrent
alors du monde en foule; on voulait contempler ce phénomène rare, la première
grande baleine qui eût jamais, dans son entier, reposé daus un port de la Suède, le premier
cétacé de grande taille qui eût jamais été halé sur la terre sèche, de sorte qu'on
allait pouvoir procéder à une étude plus exacte de cet animal, encore en état intact.
Cédant aux instances de quelques personnes, je montai sur le cétacé et j'exposai eu quelques
mots ce qu'il y a de plus important daus l'histoire des baleines; j'eus alors l'avantage,
peu commun dans les démonstrations sur les animaux de ce genre, de pouvoir illustrer
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