46 A propos de nos planches.
Non seulement les indigènes du Sud-Est de l’Afrique ne portent point
de mauvaises couleurs, en outre ils repoussent entièrement le vert et le brun
dans les étoffes dont ils se revêtent. Ils ont peu d’estime aussi pour le rose,
le noir, le jaune, l’orange et le bleu clair, en n’en veulent que relevés par
d’autres couleurs. Celles qu’ils aiment le plus sont le rouge, le bleu foncé
et le blanc. Quand ils choisissent ce qu’ils porteront, ils se montrent sans
doute enclins à la bigarrure, mais non pas sans faire preuve d’un certain goût ').
De même que chez les blancs les militaires portent des habits plus
ornementés que les bourgeois, les noirs qui vont à la guerre ou qui font
quelque manoeuvre militaire, par exemple pour exécuter la danse guerrière,
se distinguent des autres par leurs vêtements plus ornés; ils s’enduisent aussi
le corps avec de la terre colorée, et croient ainsi imposer davantage à
l’ennemi.
Chez presque toutes les tribus de noirs se voient des anneaux de toute
sorte de forme et de matière, pour les bras, les jambes, les poignets, la
cheville du pied, et parfois aussi pour l’avant-bras. On les fait généralement
d’ivoire sur la côte orientale. — Les cafres ne portent jamais de sandales,
à la manière des Hottentots et des Bochesmanes.
L a musique des cafres est rude et peu harmonieuse; plus leurs musiciens
font de bruit, plus ils ont de plaisir.. Les grands tambours, fort en
usage, par exemple à l’occasion des fêtes de nuit (battouques) , sont les plus
bruyants de leurs instruments 2). On tend la peau sur certains d’entre eux
an moyen de ficelles et de cerceaux; pour d’autres, on la chauffe avant de la
tendre. E n outre d’ordinaire on la frotte de graisse, d’huile ou de cire pour
en augmenter la raisonnance. Si un nombre un peu considérable de noirs
voyagent de compagnie, ils ont toujours avec eux un grand tambour, que
l’on se met à battre sous le moindre prétexte On distingue les b iri-o u iri
ou tambours dé guerre, et les ’ngomma, dont on se sert dans les fêtes, en
voyage, etc. Le s premiers sont représentés par les N os 5 et 6 de la planche
X X III; ils diffèrent des ’ngomma (voyez par exemple les Nos 1 et 4 de la
même planche) par la partie qui fait sac en bas. En temps de guerre on
coupe la tête à des prisonniers en les tenant au-dessus des b iri-o u iri,
l) Tout de même que chez nous, il y a chez eux, même parmi les peuplades qui vivent dans l’intérieur, des
modes réglant le choix des étoffes.
.2) Voy. pl. X X I , fig. 10 et pl. X X I I I , fig. 1 , 2, 4, 5 et 6.
dont on a enlevé la peau, pour que le sang y coule. Dans les fêtes on
fait entendre plusieurs 'ngomma à la fois, chacun donnant une note de la
gamme différente des autres; un orchestre complet se compose généralement
de huit ’ngomma. Le s grands tambours se jouent avec la paume de la
main, les petits avec de petits bâtons.
Toutes les fêtes, toutes les cérémonies, même de minime importance,
sont accompagnées de coups de fusil, tirés avec des armes se chargeant par
la gueule et|dan$ lesquelles alors les noirs mettent une quantité énorme
de ' poudre. De plus les nègres font autant de bruit qu’ils peuvent au moyen
de leur voix. Cependant les instruments de musique en usage dans le Sud-
Est de l’Afrique sont en général peu bruyants1). L e plus agréable de
son est le m arimeba, instrument à percussion représenté sur notre planche
X X III, fig. 9; on le rencontre souvent aussi dans la région du Haut-Zambèze2).
Nous donnons ci-après quelques chants nègres très en vogue sur le
Zambèze, tels que M. Muller les a notés d’après l’oreille. Ils sont connus
de tous les noirs de la région du Zambèze et il est rare qu’on y entende
d’autres mélodies. On les chante surtout en pagayant. Un des rameurs
chante seul une phrase, sur quoi tous les autres continuent en choeur. D ’ordinaire
ils répètent la même chanson plusieurs fois de suite sans interruption,
pour cesser enfin au beau milieu, sans s’inquiéter de la fin. Même la sixième
des chansons que nous reproduisons n’a de fait point de fin. L e docteur
van RijckeVorsel a fait la même remarque sur les chansons des noirs du
B ré sil3), et pour le reste aussi la description qu’il donne du caractère de
ces gens concorde presque complètement avec ce que nous avons observé
dans le bassin du Zambèze. Ici les chants improvisés sont plus rares qu’ail-
leurs en Afrique, par exemple dans l’Ouest de Libéria et sur la Côte d’Or.
On chante d’ordinaire un texte toujours le même, avec de légères variations
suivant les circonstances.
1) Voy. pl. X X I , fig. 9 et pl. X X I I , fig. 10 à 1 2 , 14 , 15. On voit que Durand (ouvr. cité, p. 2 71) fait erreur
en croyant que les violons du Zambèze se jouent toujours sans archet. — Comp. aussi la sansa de Ratzel, ouvrage
citéy Introduction, p. 5 4 -
2) L e marimeba donné par Ratzel (p. 368) comme appartenant au Zambèze diffère notablement du type représenté
sur notre planche.
3) U it Braziliù , p. 265, 2 66.