revanche, dès qu’une tribu se livre à l’agriculture, elle s ’attache davantage
au sol qu’elle habite et qui la nourrit, son organisation devient moins militaire
et laisse plus de champ à l’industrie. Les deux cas se présentent dans
les contrées auxquelles se rapporte notre publication. A u sud les pâturages
abondent et sont excellents ; en revanche les sécheresses, ce grand obstacle
à l’agriculture, sont fréquentes, et les noirs se livrent presque exclusivement
à l’élève du bétail' mais sur le Zambèze la mouche tsétsé et le climat
s’opposent à la garde du bétail, et les habitants, pour autant qu'ils subviennent
a leur entretien, par le travail, sont obligés de cultiver la terre. Il
va sans dire que cette différence en entraîne de considérables dans les moeurs,
les facultés physiques et intellectuelles et les produits. Dans ces considérations
nous ne pouvons guère tenir compte des tribus soumises aux Anglais ou aux
Boers, parce qu’elles sont contraintes de rester tranquillement dans leurs
territoires et d’y vivre comme les blancs le leur prescrivent ; mais si l’on
observe les tribus indépendantes de fait, celles qui vivent au nord du Lim-
popo, on constate, en s’avançant vers le nord, les progrès de la paix, de
l’agriculture et de l’industrie, et, avec la diminution du bétail, celle de la
musculature et du talent guerrier.
Les dessins que nous publions témoignent de cette différence. Les
demeures des habitants des bords du Zambèze *) sont fort supérieures j),
celles des Zoulous et de leurs voisins du côté- du sud, parents de face des
Zoulous ; en même temps leurs armes sont plus belles et moins grossières,
mais aussi moins puissantes. Ils ne possèdent pas les aptitudes et l’organisation
militaires des Zoulous et des Basoutos, sont fort peu belliqueux et,
de même que les autres noirs de l’Afrique centrale, sont moralement et
physiquement inférieurs aux Zoulous ; ceux-ci sont plus forts qu’eux, plus
résistants à la fatigue, plus loyaux et plus courageux. Les noirs du Zambèze
sont plus soumis que les Zoulous, probablement par suite d’un contact
prolongé avec les blancs, et nous n’avons jamais remarqué chez eux, quelque
cruellement que leurs supérieurs les frapassent et les maltraitassent, la
moindre velléité de résistance ou de révolte violente. Us endurent tout sans
mouvoir un muscle, ni dire une parole. Peut-être leur ossature plus forte
que celle des blancs, surtout leurs crânes plus épais les rendent-ils moins
accessibles à la douleur physique et moins sensibles aux ardeurs du soleil ;
1) Voy. les planches X X V et X X V I .
ce qui n’empêche pas que nous avons vu un noir, qu’un métis châtiait sans
merci, sans doute rester muet et impassible, mais pourtant ne pas pouvoir
empêcher les larmes de jaillir de ses yeux.
Les cafres du Sud-Est de l’Afrique sont vigoureux et bien faits;
notre planche X V II ne leur rend pas justice sous ce rapport. Us sont de
haute taille ef. ont la démarche gracieuse. Le s femmes ont les hanches
beaucoup moins développées que ce n’est généralement le cas chez les
blanches. L a peau de ces cafres est brune, plus foncée que dans le Sud
de l’Afrique (nous avons vu un albinos à Inhambane); leurs pieds sont
petits, le cou-de-pied bombé.
L a barbe est chez ces noirs extrêmement rare, si bien que les hommes
qui en possèdent jouissent d’une certaine considération et souvent sont
chefs de leur village. Un vrai noir orné de favoris bien fournis né se voit
presque jamais; ceux qui ont du poil au visage ne l’ont guère qu’à la lèvre
supérieure et au menton. L a plupart des hommes étant imberbes et les traits
des femmes devenant promptement durs à mesure qu’ellès avancent en âge, il est
d’ordinaire difficile de distinguer au visage celles-ci des hommes quand elles sont
vieilles. Hommes et femmes n’ont presque pas de poils, mais la chevelure n’en
est que plus vigoureuse. L a calvitie produite par la chute des cheveux est inconnue;
en revanche, beaucoup de ces noirs se rasent complètement la
tête et font surtout subir cette opération à leurs enfants. Cet usage est fort
répandu sur le Zambèze, ainsi que sur la côte occidentale, par exemple
chez les Mondombes.
De même que les noirs dans toute l’A frique, les cafres des contrées
dont nous nous occupons ici donnent à leur chevelure des soins abondants,
qu’ils n’accordent point au même degré aux autres parties d e leur corps.
Les modes qu’ils suivent dans l’arrangement de leur coiffure forment une
des principales marques distinctives des tribus entre elles. Ainsi on peut
souvent encore voir dans la partie méridionale de la province de Mozambique
des gens parés de la coiffure caractéristique des Zoulous, le disque bien
connu, formé en mêlant à la chevelure, quand l’âge adulte est venu, une
pâte de bouse de vache qui y adhère *). Cet usage n’est pas suivi dans le l)
l) Voy. ce disque sur la tête de la massue représentée pl. X V , fig. 14, et la description dans le texte. Comp.
D ie Eingeborenen Sü d -A frik a 's par G. Fritsch, Breslau 18 72 , page 1 2 7 , ouvrage où l’on trouve sur les Zoulous des
détails intéressants, quoique naturellement ils ne soient pas nouveaux.