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 Le s   forges  sont  très  simples.  On  attise  le  feu  au  moyen  du  double  soufflet  
 souvent  décrit  par  les  voyageurs ‘ )  et  dont  l’usage  est  fort  répandu  en Afrique  
 ;  on  le  trouve  aussi  chez  les  Mandingos  de  Libéria  et  chez  d autres  
 encore,  indentique  à  celui  des  bords  du  Zambèze3).  Le s   noirs  tirent  pour  
 une  part  de  leur  propre  sol  le  fer  dont  ils  ont  besoin,  par  exemple  à Tête  
 sur  le  Zambèze;  mais  ils  emploient  surtout  celui  que  les  Européens  leur  
 apportent  sous  forme  de  pelles,  nommées  enxadas-,  et  qu’ils  reforgent  
 pour  les  adapter  à  leur  usage.  Ils  sont  difficiles  à  contenter  quand  ils  
 achètent  ce  fer,  et  l’on  doit  avoir  soin  de  ne  l’importer  dans  chaque  contrée  
 que  sous  la  forme  particulière  de  pelles  quon  y  veut,  forme  qui  varie  
 considérablement  d’une  contrée  à  l’autre.  Les  pelles  demandées  sur  le  Zambèze  
 sont  invendables  à  Sofalla,  et  ainsi  de  suite. 
 Nos  noirs,  en  cela  différents  de  ceux  du  Nord-Ouest  de  1 Afrique,  
 vont  fort  peu  en  mer,  jamais  dans  leurs  embarcations  à  eux.  En  revanche,  
 ils  naviguent  beaucoup  sur  leurs  rivières,  dans  de  fort  bons  canots,  alma-  
 d ia s 3) ,  d’ordinaire  noirs,  toujours  sans  gouvernail,  et,  sauf  sous  l’influence  
 européenne,  sans  voiles;  ils  sont  tous  très  habiles  à  les  manoeuvrer  avec  
 des  pagaies  longues  au  plus  d un  mètre  et  demi  et  terminées  en  lozange  
 allongé.  Quelquefois  ces  pagaies  sont  à  doubles  palettes  en  lozange  allongé,  
 une  à  chaque  extrémité,  et  alors  elles  sont  plus  longues  que  les  autres  et  
 servent  à  un  homme  seul  dans  son  canot.  A   Inhambane,  à  Chiloane  et  
 dans  les  contrées  situées  en  arrière,  les  rameurs  (tripulantes)  mettent  aussi  
 des  embarcations  européennes  en  mouvement  avec  ces  pagaies.  Les  femmes  
 ne  rament  jamais. 
 Le s   noirs  du  Sud-Est  de  l’Afrique  s’appliquent  à  la  pêche  dans  les  
 rivières,  non  pas  en  mer;  leurs  congénères  du  Sud  de  1 Afrique  ne  le  font  
 pas.  Ceux  qui  s’en  occupent  le  plus  sont  les  tribus  du  Zambèze  et  de  
 plus  loin  au  nord.  Quant à  ceux  qui  sont  étroitement  apparentés  aux Zoulous,  
 ils  ne  surmontent  que  poussés  par  la  nécessité  la  répugnance  que  leur  inspirent  
 la  mer  et  le  poisson.  Même  les  Zoulous  actuellement  établis  sur  le  lac  
 Tanganika  sous  le  nom  de  Watoutas  et  autres  —  tribus  dont  1 origine  est  
 évidente,  puisqu’elles  portent  encore  l’anneau  de  bouse  de  vache  mêlée  à 1 2 3 
 1)  Voy.  Livingstone,  Narrative  o f an  expédition  to  the  Zambesi,  1865,  p.  113-  ‘ 
 2)  L e   musée  royal  d’ethnographie  de  Copenhague  possède  sous  le  N°  146  un  soufflet  de  forge  des  noirs  
 Mandingos,  du  genre  dont  nous  parlons. 
 3)  Voy.  PI.  X V I ,  fig.  3 - 
 la  chevelure  —-  se  hasardent  à  peine  sur  le  lac,  quoique  toutes  les  tribus  
 qui  en  habitent  les  bords  et  avec  plusieurs  desquelles  ils  ont  des  relations  
 constantes  et  amicales,  aient  pour  la  navigation  des  dispositions  fort  développées. 
   Quant  aux  instruments  de  pêche  employés  par  les  cafres  du  Sud-  
 Est  de  l’Afrique,  nous  nous  permettrons  de  renvoyer  à  l’ouvrage  de  L ivingstone  
 déjà  cité,  en  particulier  aux  pages  38  et  100.  Ils  font  rôtir  ou  ils  
 fument  les  petits  poissons,  les  embrochent  alors  plusieurs  ensemble  à  une  
 baguette  et  les  vendent  ainsi. 
 Les  noirs  du  Sud-Est  de  l’Afrique  sont,  quant au caractère, de grands  
 enfants,  vaniteux,  sociables,  gais  et  de  bonne  humeur.  Les  voyageurs blancs  
 n’ont  pas  à  les  redouter  pour  peu  qu’ils  apprennent  comment  il  faut  les  
 prendre.  Quand  on  les  traite  bien,  ils  sont  capables  de  fidélité.  Du  reste,  
 leurs  impressions  ne  sont  pas  profondes’  et  se  manifestent  aussitôt;  ils  sont  
 tout  en  dehors.  Quoique  ne  possédant  point  de  représentations  scéniques,  
 ils  ont  quelque  chose  de  fort  théâtral,  gesticulant  à  force  et  variant  à  chaque  
 instant  leurs  intonations,  toujours  exagérés  dans  la  manière  dont  ils  
 prennent  les  choses.  Ils  n’ont  aucune  conception  de  la  valeur  du  temps,  et  
 passeront  aisément  une  heure  entière  à  débattre  le  plus  mince  achat;  il  faut  
 dire  que  négocier  et  marchander  est  leur  occupation  favorite.  Ils  ne  manquent  
 pas  d’une  certaine  dose  d’astuce  naturelle,  grâce  à  laquelle  ils  savent  
 échapper  aux  pièges  des  marchands;  ils  distinguent  fort  bien  la  bonne marchandise  
 de  la  mauvaise,  et  les  temps  sont  passés  où  l’on  pouvait  les  satisfaire  
 avec  de  la  bimbeloterie  sans  valeur,  petits  miroirs,  flagolets  et  autres.  
 Ils  n’acceptent  plus  ces  objets  que  comme  cadeaux.  Ils  manifestent  une joie  
 exubérante  au  moindre  présent  qu’on  leur  fait;  mais  leur  reconnaissance,  
 même  pour  des  services  signalés,  est  aussi  éphémère  que  leurs  autres  
 sentiments. 
 Ils  sont  courtois  entre  eux  et  à  l’égard  des  blancs.  Ils  montrent  à  
 ceux-ci  beaucoup  plus  de  respect  dans  le  pays  des  Boers  et  dans  le  Mozambique  
 que  dans  l’Afrique  australe  anglaise.  Dans  presque  tout  le  bassin  
 du  Zambèze,  la  salutation  des  hommes  consiste  à  frotter  ses  pieds  à  terre  
 comme  si  on  les  essuyait  et  à  frapper  des  mains  *) ;  les  femmes  se  croisent 1 
 1)  L a   coutume  de  saluer  en  frappant  des  mains  se  rencontre  ailleurs  encore  en  Afrique,  par  exemple  chez  
 les  Makalakas  (Dr.  F.  Ratzel,  D ie  Naturvölker  A fr ik a s ,  p.  370),  dans  le  pays  de  Manica,  dans  la  contrée  du  Nord  
 du  Nyassa  (D.  K.  Cross,  .Proceedings  o f  the  Royal  Geographical  Society,  février  18 9 1 ,  p.  88),  etc.