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 orient,  n’héritent  pas;  elles-mêmes  sont  une  sorte  de  marchandise. 
 Peut-être  bien  à  cause  de  la  polygamie,  partout  pratiquée  par  ceux  
 qui  sont  assez  riches  pour  acheter  plusieurs  femmes,  nos  noirs  n ont  pas  de  
 nombreuse  progéniture.  On  serait  tenté  d’attribuer  la  chose  aussi  au manque  
 de  soins  médicaux,  et  cela  sans  doute  exerce  une  influence  sur  la mortalité;  
 mais  c’est  à  un  moindre  degré  qu’on  ne  se  l’imaginerait,  car  la  santé  des  
 noirs  est  bonne  et  ils  ont  rarement,  si  elles  ne  leur  viennent  pas  de  1 étranger, 
   ces  maladies  contagieuses  qui  enlèvent  tant  d Européens.  Il  est  vrai  
 de  dire  que  quand  les  blancs  leur  en  apportent,  elles  sévissent  avec  une  
 grande  intensité.  L a   syphylis  est  actuellement  fort  répandue  sur  le  Zambèze.  
 Les  blancs  et  les  noirs  semblent  différemment  prédisposés  aux  contagions. 
   Ainsi  il  y  a  une  dizaine  d’années  on  voyait  périr  de  la  petite  vérole  
 la  population  entière  de  villages  du  district  de  Lourenço-Marques,  tandis  
 qu’il  n’y  eut  pas  un  seul  blanc  d’atteint,  quoique  beaucoup  négligeassent  
 de  se  faire  vacciner.  Les  cafres  n’essaient  pas  de  sauver  ceux  d’entre  eux  
 qui  sont  gravement  malades  et  ils  abandonnent  aussi  à  la  mort  les  petits  
 enfants  souffreteux.  —  Partout  dans  le  Sud-Est  de  l’Afrique  se  présentent  
 des  cas  isolés  d’éléphantiasis. 
 On  enterre  d’ordinaire  au  Zambèze  les  morts  le  soir  même  du  jour  
 du  décès.  Dans  ce  but,  on  les  enveloppe  dans  la  natte  (fumba)  dans  laquelle  
 ils  couchaientl).  Si  c’est  un  homme  qu’on  enterre,  on  place  souvent  
 à  côté  du  cadavre  les  armes  et  les  menus  objets  dont  il  faisait  usage  de  
 son  vivant;  si  c’est  une  femme,  on  brise  les  pots  et  ustensiles  dont  elle  se  
 servait,  et  l’on  jette  les  morceaux  sur  son  tombeau.  Il  n’y  a  pas  de  cimetières. 
   Les  époux  portent  le  deuil  d’un  époux  défunt  en  se  revêtant  de  cette  
 mince  cotonnade  bleue,  connue  dans  le  commerce  africain  sous  le  nom  de  
 Guinée  ou  blue  b a ft,  et  que  les  noirs  appellent  loupa  ou  k a n ik i;  ou  
 bien  ils  portent  des  cotonnades  écrues  teintes  par  eux  en  noir,  des  grains  
 de  verre  noirs,  ou  des  bracelets,  des  diadèmes,  des  anneaux  pour  les jambes, 
   des  liens  pour  la  poitrine,  en  joncs  tressés  et  noircis  (moulella).  Les  
 enfants  portent  de  manière  analogue  le  deuil  de  leurs  parents.  L e   violet  est  
 aussi  couleur  de  deuil.  , 
 1)  Voy.  PI.  X V I ,   fig.  2  et  2«,  natte  pour  dormir,  en  usage  aussi  chez  les  noirs  de  Zanzibar. 
 Dès  qu’un  noir  est  mort,  sa  famille  et  ses  proches  commencent  à  
 faire  un  bruit  épouvantable;  les  femmes  gémissent,  pleurent,  et  chantent  
 sur  des  airs  plaintifs  les  qualités  du  défunt,  dans  la  règle  seulement  les  bonnes; 
   les  hommes  tirent  du  fusil  et  frappent  leurs  tambours  (batacasj,  chantant  
 avec  cet  accompagnement  des  chants  populaires,  sur  la  mesure  desquels  
 les  jeunes  filles,  et  parfois  des  femmes  d a g e ,  se  mettent  à  danser.  Tous  
 les  membres  de  la  famille  arrivent,  même  s’ils  demeurent  loin,  pour  apporter  
 leurs  sentimentos;   ils  restent  jusqu’à  ce  que  toutes  les  cérémonies  soient  
 finies,  c’est-à-dire  une  dizaine  de  jours.  Pendant  tout  ce  temps  on  mange  
 et  boit  avec  profusion. 
 Ces  cérémonies  sont  pour  l’essentiel  conformes  aux  fêtes  de  nuit  
 (battouques)  que  les  noirs  organisent  à  propos  de  tout.  On  commence  par  
 allumer  un  grand  feu,  qui  sert  de  centre  aux  festivités  et  que  1 on  entretient  
 tant  que  celles-ci  durent.  Ensuite  on  se  met  à  boire de grandes quantités  
 d’eau-de-vie  indigène  et  européenne;  souvent  on  absorbe  en  quelques  heures  
 plus  d’une  bouteille  d’alcohol  de  95  "/,  par  tête.  Quelques  noirs  s’en  
 abstiennent  cependant,  de  même  que  les  femmes,  qui  ne  fument  guère  non  
 plus.  Les  femmes  exécutent  souvent  pendant  la  fête  des  sortes  de  jeux  de  
 société,  dont  le  trait  principal  consiste  à  se  mouvoir  sur  un  rythme  lent  
 l’une  derrière  l’autre  en  frappant  des  mains.  De  leur  côté,  les  hommes  
 exécutent  des  danses  échevelées  et  font  des  bonds  prodigieux,  sautant,  tantôt  
 dans  le  feu,  tantôt  par-dessus.  L a  musique,  accompagnée  de  cris  et  de  
 chants  étourdissants,  ne  cesse  pas  un  seul  instant.  On  ne  s’arrête  pas  tant  
 qu’il  reste  de  la  boisson,  en  tout  cas  pas  avant  le  point  du  jour. 
 Les  danses  des  noirs,  surtout  celles  exécutées  par  les  femmes,  ne  
 manquent  pas  d’un  certain  art.  On  les  étudie.  Chaque  danseur  se  meut  
 individuellement,  et  non  pas  par  couples  à  la  manière  européenne.  M.  Muller  
 a  eu  la  chance  d’assister,  lui-même  inaperçu,  à  une  leçon  de  danse  
 donnée  par  deux  vieilles  femmes  à  des  jeunes  filles  dans  un  endroit  écarté  
 près  d’un  village  du  Zambèze.  Les  vieilles  étaient  assises  à  terre  et  prêtaient  
 la  plus  grande  attention  aux  mouvements  de  leurs  élèves,  auxquelles  elles  
 ne  ménageaient  ni  critiques,  ni  gronderies.  Celles-ci  étaient  complètement  
 nues,  probablement  pour  permettre  aux  maîtresses  de  mieux  les  observer.  
 Quand  elles  découvrirent  M.  Muller  dans  sa  cachette  de  verdure,  elles  
 s’enfuirent  en  riant  dans  leurs  huttes.