»s’avança trop loin dans l’eau et fut entraîné par un crocodile. Les mem-
»bres de la famille, au lieu d’attribuer son malheur à son imprudence et à
»son état d’ébriété, en accusèrent le malin esprit possédé d’après eux par
»une vieille* Us n’eurent que quelques mots à dire pour communiquer leur
»fanatisme aux noirs présents; on prit la vieille dans sa hutte, on la dépouil-
»la toute nue, et l’on voulut la jeter dans le fleuve à l’endroit où le cro-
» codile avait entraîné le pêcheur, espérant ainsi décider l’animal à lâcher sa
»proie. Nous autres blancs, nous nous interposâmes et recueillîmes la misë-
»rable; mais pendant plusieurs jours encore les noirs revinrent à la charge
»pour tâcher de se la faire livrer” .
T .’emploi du moavi (littéralement »bois empoisonné” ) est un autre
exemple de superstition. C ’est une espèce de jugement de Dieu, auquel on
a recours lorsque les parties dans une contestation estiment que leur affaire
ne peut pas être bien jugée par des tiers. Les adversaires conviennent dé
l’amende que le perdant aura à payer, s’arrangent avec un sorcier-médecin
(macanga), <& se rendent avec lui dans un endroit écarté, chacun des deux
amenant un chien '). L e macanga prépare le moavi, breuvage empoisonné,
et on le donne à boire aux deux chiens; celui dont le chien vomit le poison
a gagné, celui dont le chien meurt a perdu et paie. Anciennement c étaient
les parties elles-mêmes qui buvaient le moam, et l’on peut penser à combien
d’innocents cette coutume a coûté la vie, d’autant plus que souvent le
macanga chargé de préparer la boisson judiciaire se laissait corrompre par
Fune des parties. C ’est de cette dernière manière que ce duel est maintenant
encore pratiqué sur le Haut-Zambèze, en particulier dans le royaume de Ma-
routsé-Wabounda2) . et chez les Mangandjas, en outre sur l’ancienne Côte
d’Or hollandaise3), dans le pays de Libéria4) et ailleurs encore. Les juges
reçoivent un présent des plaideurs et n’ont pas de salaire fixe.
Peut-être se cache-t-il aussi une superstition sous la manie généralement
incurable des noirs du Zambèze, et à ce qu’on nous assure aussi de
ceux du bassin du Congo, de toujours placer à terre la chaussure de leurs
1) Les chiens et les poules sont les animaux domestiques des cafres. Leurs chiens sont petits, laids, maigres,
et doivent chercher eux-mêmes leur pâture.
2) Voy. Ratzel, ouvr. cité, p. 374-
3) Voy. J. S. G. Gramberg, S'chetsen van A frik a 's Westkust.
4) Voy. J . Büttikofer, Reisebilder ans L ibe ria , p. 330*
du S u d -E st de II A friq u e .
maîtres — eux-mêmes n’en portent point —- le pied droit à gauche, et
le gauche à droite.
Il n’y a plus de commerce d’esclaves dans la proximité des endroits
où le gouvernement portugais s’est fixé. Cela ne veut cependant pas dire qu il
n’y ait plus rien qui ressemble1 à ^esclavage '). Les rois et les grands —
ces derniers surtout métis de Goa, des îles portugaises de la côte occidentale
et de la Colonie même — possèdent d’ordinaire dans l’intérieur du pays un
certain nombre de serfs; mais on n’en fait pas de trafic. Il se peut même
que des noirs de rang commun possèdent un ou deux esclaves, souvent
prisonniers de guerre;; les prisonniers appartiennent à ceux qui les prennent,
et il arrive que l’on fasse, là où le gouvernement n’exerce pas d’autorité, des
guerres uniquement pour se procurer ce butin 2). Il est difficile dans ces contrées
de tracer exactement la démarcation entre personnes libres et esclaves. Par
exemple, les femmes libres n’en sont pas moins vis-à-vis de leur père ou
de leur époux dans un état de dépendance qui ne diffère pas d un esclavage
réel. L e gouvernement portugais fait tous ses efforts pour supprimer
l’esclavage et la traite.
Les noirs paient à leurs chefs un impôt, soit sous forme de corvées,
soit consistant en produits du sol (moussocco). Cette taxe représente dans
les possessions portugaises sur le Zambèze environ fr. 4,50 par personne
par ah. Sur le Zambèze inférieur on commence en quelques endroits à
réclamer en argent le paiement de la redevance.
L e rôle que les chefs ou rois noirs jouent dans la moitié méridionale
de la colonie de Mozambique, est rempli d’ordinaire par des métis dans le
bassin du Bas-Zambèze et dans les contrées voisines, (par exemple à Goron-
goza); il n’y a là guère de chefs de clans, et même les noirs n’y sont point
réunis en tribus.
Le s métis (mesoungos3) sont d’ordinaire, comme caractère, inférieurs
aux noirs; ils se sont assimilé les mauvaises qualités tant des blancs que
des noirs, mais non pas les bonnes. Ils haïssent les blancs et méprisent les
1) Corap. l’article cité plus haut Codigo dos millandos cafriaes, chapitre Dos casamentos de Bitongas corn
escravas.
2) „Plusieurs tribus de l’Afrique Méridionale pratiquaient entre eux la traite” dit Hartmann, ouvrage cité, page 169.
3) D’ordinaire on désigne par le mot de mesoungo quelqu’un de sang mi-blanc, mi-de couleur. Cependant les indigènes
désignent généralement par cette appellation tous ceux, quelle que soit leur couleur, qui vivent à la manière européenne,
et cet emploi du mot a pénétré jusque dans là contrée au nord du Nyassa. (Voy. D. K. Cross, Proc. Roy.
Geogr. Soc., février 1891» p- 88).