brisé en quatre pièces, laisse voir encore assez de son corps pour me
permettre d’en faire la description.
Avant de faire la description détaillée de l’Anguilla elegans, je dois
dire quelque chose des falsifications qu’on ne rencontre pas rarement parmi
les ichthyolithes d’Oeningen. M. Agassiz, dans la description de l’Acan-
thopsis angustus, 1) a déjà dirigé l’attention des palichthyologues sur
ce point. Il y parle de fausses truites, composées d’os de leucisques,
de brochets, etc. Communément ces curiosités sont l’ouvrage des moines
du ci-devant couvent de Meersburg, les premiers qui possédassent une
collection de fossiles provenus des schistes lacustres d’Oeningen aux
environs de leur monastère. Une de ces truites artificielles se voit à
présent au musée de Teyler. Aucun des os qu’on voit sur la plaque
n’a pu appartenir un jour à une truite , ce sont probablement pour la
plupart les os de plusieurs brochets, déposés peut-être dans une couche
de gypse ou d’argile lorsque elle n’était pas encore durcie et séchée
par le contact de l’air. Au surplus on a trouvé bon de graver des
sillons dans la plaque à la place ou devaient se trouver les rayons des
nageoires. On a fait cela pour faire croire que ces sillons étaient les
empreintes des rayons perdus. Ces messieurs ont été même assez
habiles de faire ces sillons, ces rayons artificiels, de manière qu’ils
croisent une fissure de la plaque, pour tromper autant qu’il leur était
possible la sagacité des bonnes gens, qui venaient admirer leur collection
de poissons antédiluviens.
De cette manière naïve on formait et se procurait non-seulement des
poissons impossibles, mais on en fabriquait de même quelques autres
d’une manière encore plus ingénieuse. On en voit un exemple dans le
musée de Teyler. Quelqu’un a trouvé la tête et une partie de la colonne
vertébrale d’une espèce de poisson fossile, probablement d’une anguille,
la colonne vertébrale étant rompue là où l’on trouve le bord antérieur
de la nageoire anale, tandisque la dorsale est totalement perdue; la
partie de l’anale, qui existe encore, ressemble un peu au lobe inférieur
d’une caudale. On a remplacé : l ’autre lobe de la caudale imaginaire
par quelques traits à teinte brune, semblable à la couleur dont on
avait teint le corps entier du poisson. De cette manière on a fabriqué
un poisson monstre, sans ventrales, sans anale, sans (dorsale, sans
côtes, avec une colonne vertébrale qui se termine brusquement, sans
diminuer insensiblement d’avant en arrière, avec une caudale composée
à moitié de quelques rayons d’une anale et à moitié teinte.
Cependant il ne faut pas toujours imputer ces falsifications aux moines
de Meersburg. Les différents objets, soit plantes, soit poissons, soit
insectes, après avoir été tirés des carrières sont portés, souvent brisés,
dans un atelier aux environs des carrières. Dans cet atelier on fait
des boîtes de bois, on y colle les fragments de pierre et on les place
dans les boîtes. ' Il se peut qu’une partie d’un individu quelconque se
trouve unie aux parties d’un autre, soit par l’ignorance des ouvriers,
soit par inattention, soit par hasard.
On me pardonnera cette courte digression: les -choses mentionnées
sont en rapport direct avec le sujet de cet aperçu: elles peuvent servir
d’avis aux naturalistes qui détermineront les poissons fossiles d’Oeningen.
Revenons à notre sujet principal. M. Agassiz dit qu’il n’a pas pu
déterminer si son Anguilla pachyura était une vraie anguille ou un
congre. On sait que la dorsale du dernier commence à la hauteur des
pectorales, tandis que dans l’anguille véritable la nageoire dorsale commence
plus en arrière. Le commencement de la dorsale de l’anguille
qui nous occupe dans ce moment se trouve à une distance de 11,5
centimètres de la tête: il ne saurait y avoir de doute que ce ne soit
une anguille et non un congre. Mais il y a d’autres preuves évidentes.
Les anguilles ont des pectorales, les muraenes, les symbranches n’ont
point ces organes. Les pectorales de notre individu sont très-visibles :
c’est une anguille véritable.
Ayant ainsi déterminé le genre des indi vidus en question il se présentait
une autre difficulté. Il restait à savoir si j ’avais devant moi des anguilles
de l’espèce Anguilla pachyura, Ag. ou d’une nouvelle espèce, inconnue
jusqu’à présent. Pour faire une comparaison je n’avais que la figure
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