Tous ces genres ont des dents aux mâchoires: ils forment la huitième
famille des Cycloïdes malacoptérygîens, les Cyprinodontes d’AGASsiz.
Quoiqu’on ne trouve pas la moindre trace de dents dans les poissons
fossiles qui font le sujet de cette description, je crois néanmoins
avoir la certitude que ces poissons sont- de vrais poecilies. Or, les
Cyprinodontes diffèrent en outre des Cyprinoïdes par le nombre des
rayons branchiostègues. le s derniers poissons n’ont jamais plus de trois
rayons aux branchies, attachés aux cornes de l’os hyoïde, tandis que les
premiers en ont constamment davantage; leur nombre va souvent même
jusqu’à six : on peut voir assez distinctement plus de trois (cinq) rayons
branchiostègues dans un des exemplaires que j’ai devant moi. Ainsi
je trouve non-seulement dans les poecilies fossiles les mâchoires déprimées
et les nageoires dorsale et anale reculées des poecilies vivantes, mais
aussi leur queue arrondie et leurs rayons branchiostègues au nombre de
plus de trois. On trouvera peut-être un jour dans les calcaires d’Oenin-
gen un exemplaire auquel on pourra voir les dents des mâchoires-,
et le palichthyologue qui déterminera ce poisson donnera un soutien
nouveau à ma manière de voir, et persuadera les naturalistes que j ’ai le
droit de déclarer que le genre Poecilia a déjà existé quand le bassin
d’Oeningen était encore rempli d’eau.
Il y a encore une autre particularité qui mérite notre attention. Les
sept poissons fossiles qui font le sujet de cet aperçu ont tous
la même position, ils sont tous courbés, ils ont tous le dos déprimé,
et son profil est une. ligne concave. Un fait répété sept fois de
suite dépend probablement d’une cause commune. On sait que quand
un poisson, soit une carpe ou un saumon, veut faire un saut ,
dans l’eau ou sur la terre, il commence par approcher la tête de
la queue, il se courbe et bat ensuite la terre ou l’eau d’un violent
coup de queue. De même on sait qu’une des espèces du genre
Poecilia est cette fameuse Hydrargyra swampina de Lacépüde 1) qui
quitte quelquefois les marais qu’elle habite quand sa nourriture commence
à manquer, et qui alors cherche une lagune plus abondante en nourriture
, en sautant à travers les herbes et les arbustes des prairies
qui séparent les lagunes peu profondes de la Caroline. Eh bien,
pourquoi n’admettrait-on pas que les poecilies d’autrefois ont mainte
fois courbé leur corps pour sauter à travers champs, comme font
leurs successeurs de nos jours? Pourquoi ne croirait-on pas que les
poecilies d’un monde passé ont joué le même rôle dans les marais
de la Suisse antédiluvienne, que les hydrargyres jouent dans les
étangs et les marais de l’Amérique? Pourquoi ne supposerait-on pas
que la mort a atteint ces poissons tandisqu’ils faisaient un dernier
effort pour se délivrer des masses vaseuses, qui sont devenues leur
tombeau ?
Jusqu’à présent les sept exemplaires, dont deux sur plaques
doubles-, sont les uniques représentants décrits du genre. Ils ne
forment au surplus qu’une seule espèce. Les caractères du genre
ne seront par conséquent que ceux de l’espèce. Ils ne pourront
être que provisoires : on trouvera peut-être un jour des especes
nouvelles, et alors on devra réviser et peut-être compléter cette
énumération.
Avant de terminer cet aperçu général, je tiens à faire ressortir
combien la présence des poecilies confirme l’opinion des géologues qui
attribuent aux couches sédimentaires d’Oeningen une origine lacustre.
Cette opinion se trouve confirmée, lorsqu’on trouve dans ces couches,
outre les acanthopsis, les cobitis, les lebias, les rhodeus, encore le
genre poecilia, sans compter les tanches et les anguilles, et par conséquent
au moins six ou sept genres de poissons, qui vivaient de
préférence dans une eau bourbeuse, dans un marais d’eau douce ou
dans un lac peu profond et tranquille.
Caractères du genre. La tête est grande en proportion du corps.
L’intermaxillaire forme le bord de la mâchoire supérieure. Les opercules
sont grands. La dorsale et l’anale, vis-à-vis l’une de 1 autre,
sont situées en arrière. La caudale est très-développée et constam-
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