
tivées, offre encore quelque obscurité. En général, lorsqu une de nos plantes
cultivées diffère peu de quelqu’une de nos espèces sauvages, nous sommes
naturellement portés à croire que la première tire son origine de la seconde
et que la culture seule a produit leurs différences. Déjà cependant, dans un
grand nombre de cas, des observateurs plus attentifs ont prouvé que ces différences
se conservent dans chaque race et résistent aux mutations de terrains
et de culture : ils ont fait remarquer que les espèces sauvages de nos climats,
quoique long-temps cultivées, n’acquièrent pas davantage de ressemblance avec
celles dont on les regardait, comme les souches primitives. Enfin les voyageurs
ont, dans quelques cas, achevé la démonstration, en retrouvant les souches
primitives de nos plantes cultivées dans les pays étrangers, et surtout dans
l’Orient, d’où nous avons tiré autrefois nos principales cultures. Ces réflexions
trouvent une application immédiate dans 1 histoire du Safran.
Cette plante a été long-temps confondue avec les diverses variétés du Safran
printanier et avec le Safran d’automne, qui parait en différer essentiellement.
D'après cette première erreur, on a cru et on lit encore dans quelques ouvrages
que le Safran est indigène de nos climats; mais il paraît certain quon ne l y
trouve que cultivé ou échappé desjardins; le nom même de Safran, qui provient
du mot arabe Sahafaram, indique son origine orientale : et en effet, il a été trouvé
sur le mont Olympe par Sestini ( 1 ) , et dans les montagnes et les vallées de
l ’ancienne Crimée, du Caucase et de la Perse, par Georgi (2). Je ne sache
pas qu’aucun voyageur ait dit l’avoir trouvé sauvage, ni en Turquie, ni en
Egypte. Desfontaines l’indique en Barbarie, comme étant cultivé près de Tunis,
et ne l’a point trouvé sauvage. Tout ce qui a été dit de son existence en Angleterre,
dans les Alpes, et même en Sicile, doit être très-probablement rapporté
au Safran printanier et au Safran d automne.
Le Safran est cultivé en grand dans plusieurs parties de l’Europe, et notamment
dans le Gatinois. On doit consulter pour cette culture les excellents mémoires
de Duhamel et de Fougeroux de Bondaroy, que nous avons cités plus
haut.
Le Safran est, comme on sait, utile par ses stigmates, qui sont très-développés,
colorés et singulièrement aromatiques. On les emploie dans la teinture, pour
obtenir des couleurs jaunes ; dans la cuisine, pour aromatiser différents mets
et certaines liqueurs ; surtout dans la médecine , à cause de son action singulièrement
stimulante et qui se fait particulièrement sentir sur les nerfs. On
l ’emploie à l’extérieur pour résoudre les tumeurs et apaiser les douleurs locales;
à l’intérieur, il est fortement emménagogue, un peu narcotique et stomachique:
son usage à trop forte dose est quelquefois dangereux.
( 1 ) Voyage dans la péninsule de Cizico, vol. a, p. 97.
(2) Description physique de la Tauride > p. i85.
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