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lignes de l’un des bouts , la petite roue ou n o ix , de
huit lignes de diamètre dans le milieu fur quatorze
lignes de large.
Il eft eflèntiel que la meule foit bien ,en équilibre
autour du fufeau ; & pour l’y placer, l’on obferve de
faire l’oeil du tampon de bois d’environ cinq lignes de
diamètre de plus que la groffeur du tufeau qui doit y
être placé, 8c d’en garnir l’intervalle avec des cartes
dont o.n remet ou on ajoute une fuffifitnte quantité
jufqu’à ce qu’ayant fait tourner le tout obliquement,
en appuyant le bout du fufeau contre un endroit fix e ,
8ç tenant l’autre bout avec là main, on s’apperçoive
que la meule continue de tourner fur fon axe du côté
où elle a été mife en mouvement, fans rétrograder de
l’autre côté. Les ouvriers emploient qnelquefois beau*
coup de terris à cette opération , 8c 1 on connotera ci-
après qu’il eft très-néceffaire d’obfèrver cet équilibre.
On pofè enfuite l’axe & la meule dans la fitua-
tion repréfentée par la fig. i . PL II. contre deux
morceaux de bois, que l’on avance ou recule autant
qu’il eft néceffaire, après quoi on les arrête fixement au
moyen des coins de bois.
La corde qui fait tourner cette meule, eft de peau
de mouton, 8c elle paflè fur la grande roue Sc fur la
petite fixée au fufeau ou elïîeu, auquel la meule étant
arrêtée fixement, elle doit tourner avec le fulèau.
Audevant de l’ouverture du billot (fig. j . & 6.vign .
PL II.) 8c de la meule, eft un petit chaffis d’un carreau
de v e rre , & qui fert à empêcher que les parties de
cuivre qui fe détachent de l’épingle en faifant la pointe,
& qui font renvoyées avec vîtelle de tous côtés par
la meule, ne fautent aux yeux de l’empointeur.
Au bas de la fig. i . PL II. eft une plaque de tôle ou
fer-blanc, nommé aperçoir, 8c qui eft attaché fixement
avec un clou à chaque coin, dont l’ufàge fera expliqué
ci-après.
La roue à empointer, compris le billot 8c la corde,
coûte 3 G liv.
Le fufeau d’acier pour porter la meule,pefe deux
livres & coûte 3 liv.
La meule pefe quinze livres, & coûte 6 liv. a raifon
de 8 fols la livre.
Lorfque les hacheures ou retailles de la roue font
ufees , il en coûte 8 fols pour les refaire; mais auparavant
cette meule peut empointer environ trente douzaines
de milliers d’épingles.
Pour faire la pointe aux épingles, nous avons dit
précédemment, que le dreflèur remet à l’empointeur
les tronçons de la longueur de trois ou quatre épingles
fuivant leur forte ; celui-ci met le tout dans une
fèbilie, 8c s’afiïed fur un couffin les jambes croifées ;
il prend une pincée d’environ vingt-cinq tronçons de
groflès épingles,ou quarante de petites,ce qu’il nomme
tenaillée qu’il tient avec le pouce de l’ index de chaque
main; après quoi il pofe cette tenaillée contre Taper-
çoir pour égaler les pointes, 8c dans cette fituation il
préfènte fa tenaillée contre la meule qui eft mifè en
mouvement par le tourneur appliqué à la manivelle de
la grande roue. L ’empointeur, en pofant fa tenaillée
contre la meule, la tourne du pouce 8c du gros doigt
dé la main gauche, 8c l’appuie du pouce de la main
droite contre la meule ; il retourne enfuite (a tenaillée
pour faire la pointe à l’autre bout, il remet le tout dans
une autre febille, 8c prend une autre tenaillée pour recommencer
la même opération.
Il y a à côté de la précédente roue à empointer une
pareille roue égale en toute chofè à la précédente , à
l’ exception de la meule qui n’a que quatre pouces de
diamètre, un pouce 8c demi d’épaifteur ; l’oeil ouvuide
dans le milieu ,n ’a que deux pouces de diamètre* & les
hachures de cette derniere meule font plus fines. Bile
pefe huit livre s, & le fufeau & le refte eft pareil à la
précédente : l’ouvrier qui y eft appliqué , fe nomme
repajfeur, & a également fon tourneur.
L ’empointeur remet ces tronçons ou épingles au re-
pafleur lorfqu’il en a empointe une certaine quantité ;
8c celui-ci fait la même operation que Tempointeur en
repaffant les pointes fur fà meule par tenaillée, laquelle
L I E R .
étant hachée plus près que la précédente, les pointes'
y font adoucies, & perfettionnées.
L ’empointeur d’épingles peut empointer quinze douzaines
de milliers d’épingles groflès 8t petites, dans un
jour* compris le treizième en fus pour le déchet, & il
a i f den. par douzaine de milliers, en forte qu’il pour-
toit gagner 18 fols par jour s’il étoit fourni d’une fuffi-
fante quantité d’épingles ; mais les meilleurs fabriquant
de Laigle ne débitent par jour qu’enyiron fept ou huic
douzaines de milliers d’épingles, ce qui n’eft que la
moitié de la quantité fufiiite ; cet empointcur pourroit
travailler pour deux fabriquans, 8c dans ce cas gagner
environ .fes 18 fols par jo u r , ce qui eft le prix le plus
avantageux dès autres ouvrierS'qui travaillent à la même
fabrication ; mais auffi leur fanté eft bien altérée de
la limaille 8c pouffiere du laiton qu’ils refpirent en faifànt
leurs fonctions ,1e carreau de vitre, &ç. mentionné
ci-devant, ne pouvant toUt-au-plus que leur garantir la
vue des parties les plus grolfieres de cette poudre.
Le tourneur de la roue de Tempointeur a 1 C 9 d.
de la douzaine de milliers, compris le treizième en fus,
ce qui paroît être un meilleur prix que celui de Tempointeur
qui n’a que 15 den- mais ce tourneur gagne
cependant la moitié moins, parce qu’ il eft obligé en
outre de battre le papier qui fèrt à envelopper les épingles
, & de les laver avant de les faire blanchir, ainfi
qu’il fera expliqué dans fon lieu.
Ce tourneur fait- faire à la manivelle environ quarante
cinq tours par minute , & à la grande roue par
conféquent autant; cette roue a cinqpiés quatre pouces
de diamètre, déduction faite d’un enfoncement d’un
pouce à chaque bout. La petite roue ou noix a huit lignes
de diamètre dans le fond de fon renfoncement,
& comme elle eft mue par la même corde qui paflè fur
la grande roue précédente; la vîteflè de cette petite roue
•doit être à celle de la grande dans la raifon inverfe du
diamètre de Tune au diamètre de l’autre, ou comme <)6
eft à 1 ; c’eft-à-dire, quelle fera quatre-vingt-feize tours,
pendant que la grande n’en fera qu’un,ou comme cette
grande en fait.quarante-cinq par minute, la petite roue
pu la meule même qui y eft fixée,feront chacune pendant
le même tems quatre mille trois cens vingt tours. Cette
meule ayant fix pouces de diamètre & dix-huit pouces
un feptieme de circonférence, qui étant multiplié par
quatre mille trois cens vingt tours qu elle fait en unê
minute, qui font pendant une heure fôixantç-cinq mille
trois cens quatorze toiles deux feptiemes, ou bien vingt-
fept lieues 8c cinq cens quatorze toiles, 3 raifon de deux
mille quatre cens par lieue.
En fuppofànt d’après Guillaume Derham ( Théologie
pkyfique, troifiemc édition,page 3p)'la vîtefTe d’un boulet
de canon de cinq cens dix vergés de Londres en deux
fécondés 8c demie, ce qui revient à cinq cens foixantc
8c quatorze pies de ro i par fécondé, la verge étant de
trois piés de Londres, 8c le rapport de ce pié au pié de roi
étant comme 1 f à 16 -t- , on aura pour la vîtelfe du
même boulet pendant une Heure trois cens quarante-
quatre mille quatre cens toifes; d’où il fuit que celle de
la meule à apointer mentionnée ci-déifias, eft prelque
la-cinquième partie de cette prodigieufe vîtelfe du boulet
de canon. I
Si la meule ne fe trouvoit pas dans un parfait équilibre
autour de fon axe ou fufeau, il eft facile de préfumer
qu’avec une auffi grande vîtelfe elle agiteroit l’air
de façon a procurer un grand bruit , 8c c’eft ce qui arrive
effèélivement ; mais lorfque cette meule eft bien
en équilibre, il ne réfulte aucun bruit de fon mouvement
, ni par conféquent de réfiftancede la part de l’air.
Le repalTeur gagne x fol par douzaine dé milliers
d’épingles, y compris le treizième en fus : il en fait una
pareille quantité que Tempointeur, ainfi il gagne par
conféquent un Cinquième de moins que lui.
Le tourneur de la roue à repaflèr gagne le même prix
que le repalTeur.
En fortant des mains du repalïèur, les tronçons font
donnés au coupeur qui les réduit en hanfe, en les coupant
d une longueur d’épingle à chaque bout, lorfque
les tronçons font de la longueur de quatre épingles ; 8C
en ne coupant qu’une longueur d’épingle lorfqu’ils ne
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font que dé trois longueurs, Cette’ fofiétion Ce fait avec
Ja chauffe & les c ifèaux ,de la même façon qu’il a été
expliqué pour les tronçons, 8c ce coupeur fe fert de
boîtes de différentes grandeurs, fuivant la forte des éping
le s , lefquelles font numérotées d’un pareil numéro à
celui dont on fp fèrt pour exprimer chaque efpece d’épingles
pour plus grande facilité. L a fig'. 1 o , PL II.
repréfènte le plan & le profil de Tune de ces boîtes dont
Un cpté numéroté X IV . a léiZe lignes de large 8c treize
de long, fèrt aux épinglés des num. X IV .& X V .& l’aii-
tre numéroté X V II. qui a dix huit lignes de large fur
quinze de lo ng , fert auffi pour les épingles des nb. XV I.
8c XV II.
Lorfque des tronçons de trois longueurs d’épingle on
en a coupe une épingle, il en refte deux dont une a la
pointe faite ; Ton fait enfuite là pointe à l’autre, 8c on
la repaflè de la façon expliquée ci-deVant ; après quoi
Je coupeur coupe une épingle des deux fufdites à fà
longueur exaéte, fuivant la boîte qui lui convient. Et
comme nous avons marqué précédemment que les tronçons
ont été coupés environ quatre lignes trop longs ,
la meule ne raccourcilfant pas les épingles de leur longueur
en faifant les pointes ; ces dernieres épingles fè
trouvent Un peu plus longues , & même inégales
entr’elles, parce qu en faifant la pointe, la meule en
ufè quelquefois plus des unes que des autres ; 8c pour
les réduire toutes à la longueur convenable, le coupeur
met la pointe dans le fond de la boîte à hanfe, & coupe
l’excédent du côté de la tête, exactement d’après le bord
de cette boîte.
Des tronçons de quatre épingles Ton en coiipe une
épingle à chaque bout, ainfi que nous l’avons dit ci-1
devant; après quoi on fait les pointes à chaque bout
des hanfès de deux longueurs d’épingles reliantes ; le
coupeur les reprend enfuite 8c fait la même opération
qyii vient d’être expliquée pour les hanfès de deux longueurs
de deux épingles...
Pour couper les hanfès de différentes groffeurs, f ouvrier
gagne $> den. de la douzaine de milliers d'épingles,
compris le treizième en fus. Il peut en couper ordinairement
trois douzaines de milliers par heure, &
en forçant un peu le travail, jufqu’à quatre douzaines
de milliers ; en forte qu’en moins de trois heures de
travail il peut couper les fept à huit douzaines de milliers
que, fabriquent ordinairement par jour les meilleurs
marchands de Laigle, ce qui ne fuffit pas pour les
occuper toute la journée ; au moyen dequoi un coupeur
peut fuffire à deux oit trois fabriquans, 8c il peut gagner
environ quinze fols par jour. Les cifeaux forment à ces
coupeurs uii calüs de chair morne à la main droite ,
qui eft épais d’un doigt, & leur eft même utile pour
cette fonéfcion,
Lorfque ces épingles ont été coupées de longueur,
on prépare du f il, ainfi qu’il fuit, pour faire les têtes.
Il y a un rouet à cet ufage ( PL II. fig. 18.) compofé
d’une roue qu’on ne voit pas dans la fig. de deux pies
huit pouces de diamètre avec fa manivelle de fix pouces
de longueur, d’ une noix 1 , repréfentée plus en grand
au-deffous ( figs^Lo) , laquelle a trois lignes de diamètre
dans le milieu , & dix-huit lignes dëlongueur,au milieu
de laquelle paflè une broche de fer a f , qui lui eft fixe,
laquelle a huit pouces de longueur , 8c eft percée par le
bout a. Cette broche paflè au-travers de deux nerfs
de boeufs qui font attachés fixement à une tête de
bois e (fig. 18.) laquelle a trois pouces trois lignes
de large fur cinq de haut, avec une queue d de fix
pouces de longueur que Ton paflè dans une mortaife
de la planche ou table du rouet 7 , 7 , (même fig.) où elle
eft arrêtée fixement avec des coins. On paflè une corde
a boyau fur la grande.roue & la noix; 8c on la ferre
ou lâche au moyen d’un coin f , (fig. i8.) que Ton
pouflè plus ou moins fous le morceau de bois 4 attaché
fixement & d’équerre au bas de la tête e.
On attache fixement au bout de la broche n f(fig . 10 .
Pl. IL) un fil de laiton un peu plus gros que la forte
d’épingle dont on veut faire les têtes, & qui fe nomme
moule ; enfuite on paflè le laiton pour faire la tête 8c
quieft très-fin dans la porte b (fig. 14 zc.) dont le plan
eft au-deflus & plus en g ran d i côté; on le fait palier
L I E R . ^
I enfuite obliquement côiitre l\iftè dès épînglês 7. Ënfuite
OU paflè ce fil de tête au-travers du trou de la broche fans
l ’y attacher. Le même ouvrier tenant ce bote de la porte
- de fa main gauche proche la broche, & qui foutiént le
fil de te te contre le moiile, tourne avec fon autre inaiil
la. manivelle du rouet, en retirant fa màin gauche le
long du moule, à mefure que le fil de la tête fe dévidé
autour,fuivant le plus oü moins de vîteflè avec laquelle
il tourne la manivelle, ce qui forme une ligne fpirale
adhérente 8c contiguë aii moule. Ge -fil fe dévide fur
un tourniquet monte fur un pié qui eft auprès; & pour
fotitenir le moule, on met un bâton fourchu par en-
haut porté fur Un pié ambulant.
On continue ainfi de tourner la manivelle jufqu’à cè qüé
l’oitvrier ait étendu les bras autant qu’il le peut, ce qui eft
là mefure de chaque moulée, 8c peut avoir cinq à fix
piés fuivant la grandeur de l’ouvrier; enfuite de quoi
il coupe le fil de tête, met la moulée à part, 8c le moulé
étant toujours attaché fixement à la broche, il recommence
la première opération fufdite ; ce fil ainfi to r s ,
reflèmble aux bords de chapeaux, nommés ragot?y, lef-
quels font faits de la même façon avec du fil d argent,
L ’on emploie le meilleur fifd e laiton pour les têtes;
8c lorfqu’il y\ a une certaine quantité de moulées de
faite, le même ouvrier les coupe poiir faire les têtes
de la façon fuivante.
Cet ouvrier s’affied à terre ou fiir Une fellette bàflé
en croifant les jambes comme un taillciir, ayant uné
peau liée autour de lui , attachée fur une autre fellette
qui eft devant lui pour recevoir les têtes ; il tient de la
main droite le cifèau repréfènté par la fig. i i . PI. IL
dont il met le bout du bras le plus long qui eft plat,
ainfi qu’il fe voit par le profil joignant, fous fon jarret,
comme pour couper les tronçons & hanfès ci-devant
d its , quoiqu’il ne foit pas affis de-même. De la main
gauche il tient fa tranche de têtes compofée de douze
moulées, dont il égalife lé bout contre les cifeaux en
commençant ; enfuite il donne environ douze coups
de cifeau de fuite, en ne coupant à chacun qüe deux
pas ou cercles des moulées qui font néceflàires pour faire
les têtes, ce qui eft très-difficile 8c demande une grande
expérience , attendu la YÎtellè avec laquelle ces coups
de cifeaux font donnés, qui eft d’environ foixàrite 8c
dix par minute ; 8c auffi le nombre des moulées qui
font coupées à chaque coup s les têtes qui fe trouvent
avoir plus ou moins de deux cercles, ne peuvent être
employées , ce qui oblige d’autant plus l’ouvrier à
acquérir la précifîon requifè î enfuite il égalife comme
auparavant ces moulées contre lés cifeaux, & donne
de rechef environ douze autres coups de cifeaux,
8c ainfi de fuite jufqu’au bout de la tranche de tête : ce
qui eft encore plus merveilleux, c’eft qu’il y a des ouvriers
fi expérimentés qu’ils coupent fàiis fe reprendre 8c de fuite la tranche entière.
L ’ouvrier peut, comme on Ta déjà d it , donner foi-
xante dix coups de cifeaux par minute, c’eft par heuré
quatre mille deux cens ; 8c comme il coupe douze moulées
à chaque coup de cifèau, cef ouvrier peut couper
cinquante mille quatre cens têtes de nienues épingles
en une heure (les groflès étant plils difficiles), ce qui
feroit néanmoins un travail forcé, parce qu’ il n’eft point
déduit de tems pour les reprifès dans ce calcul; mais ert
y ayant égard, un ouvrier peut communément couper
trente milliers par heure, greffes 8c menues l’une dans
l’autre, il ne poürroit jÿis meme continuer fur ce pié
toute la journée, parce que la vue fatigue beaucoup
à cette fonétion, mais il peut en couper quinze douzaines
de milliers, greffes 8c menues, par jour.
L ’ouvrier a 3 den. pour tourner une douzaine de
milliers de têtes, & 9 den. pour les couper féparément;
& comme il peut en couper quinze douzaines par jour,
ainfi qu’il eft dit ci - devant, il gagneroit x i fi' 3 den.
Il ne peut faire que douze douzaines par jour, de têtes
& couper, ce qui revient à 1 z fols.
Le rouet coûte 4 liv. avec la porte, & les cifèàux
autant.
Lorfque les moulées pour faire les têtes ont été
coupées, on en met deux ou trois livres pefànt dans
une cuillère de fe r ,& qui contient dix à douze douzaines