
P lanches Cï^ & CVI f Numéro 154:
S M I N I A T Ê T E DE MORT.
P R E M I E R É T A T .
TJ
L iA Chenille du Sphinx à Tête de mort, parvenue à fa perfe&on,
Fig. i H « , eft une des plus belles & des plus greffes qui exifte. II .y
a long-tems quelle eft connue en Italie, & nous préfumons qu’elle s’ell
répandue en Allemagne & en France, depuis qu’on y cultive la pomme
de terre, folanum tuberofum ( i ), qui eft fa nourriture favorite. Linnæus ôç
Réaumur difent quelle vit fur le Jafmin. On la trouve effeaivement fur cet
arbufte; mais c’eft au mois de Juillet, lorfqu’elle eft prête à fe métamorphofer,
& q u e , vraifemblablement, elle Ceffe de manger. Nous fommes d’autant
plus fondés dans ce fentiment, que de toutes celles que M. de Réaumur a
eu chez lui, ayant été prifes fur des Jafmins, aucune n’a mangé , & toutes
fe font transformées peu de jours après. Déplus, nous en avons fait nous-
mêmes l’expérience, en préfentant à de jeunes Chenilles, des feuilles de
jafmin dont elles n’ont pas voulu. Aucun Naturalifte , avant nous ,
n’avoit connu cette Chenille dans fa jeuneffe. Efper dit même qu’on ne l’a
jamais obtenue de l’oeuf. Nous avons l’avantage, fur les Auteurs qui nous onç
précédé, de - pouvoir la décrire dès le moment de fa naiffance. Au commencement
d’Oçtobre 1 78 0 , on nous apporta une femelle du Sphinx à
Tête de mort, qui dépofoit fes oeufs au' pied d’un arbre. Sa ponte, qui
n’étoit pas achevée, & quelle continua , fût encore confidérable. Au bout
de quinze jours nous vîmes éclore les Chenilles. Nous commençâmes par leur
donner des feuilles de jafmin , dont elles ne mangèrent point. Nous
effayâmes de leur préfenter des feuilles de laitue-romaine, & remarquant
quelles attaquoient de préférence la greffe nervure de la feuille, & y
( i ) Did, de Bomare, Tom. II, pag. 482, & Flore Françoife , Tom. II, Pag- , n°. 2pr , iy ,
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pratiquoient des ouvertures pour s’y introduire; nous imaginâmes qu’elles
pourraient aimer la tige même de chicon ( i ) monté. Nous leur en offrîmes
avec de la terre fraîche. Elles s’introduifirent auffi-tôt dans la terre, 6c
répandirent une grande quantité de liqueur qui fit pourrir très-promptement
les tiges de chicon. Plus la pourriture augmentoit, plus elles s’enfonçoient
dans ces tiges qu elles ne quittèrent qu’après en avoir mangé toute la fubftance
moëlleufe. Cet effai nous conduifit à d’autres, & nous avons éprouvé qu’elles
s’accommodent, en général, de toutes les racines bulbeufes & tendres,
comme raves, pannais , pommes de terre, troncs de choux, &c. On ne
peut concevoir d’où elles tirent toute la liqueur qu elles répandent pour
amollir les plantes deftinées à leur nourriture. Elle eft quelquefois fi, abondante
, quelle s’écoule au dehors du vafe dans.lequel on les tient renfermées.
Son odeur eft fétide. Nous avons continué de les nourrir pendant fix
femaines, & les avons perdues par accident au bout de ce tems.
Ces Chenilles, dans leur première jeuneffe, font de couleur rougeâtre
tres-femblables au ver de terre avec lequel on pourrait les confondre. Elles ont
ur le dos, a chacun des trois premiers anneaux,une tache noire affez grande,
& lorfque ces anneaux fe rapprochent, les taches réunies femblent n’en former
plus qu’une. Leur tête eft applatie & pointue. Elle paraît conformée pour
lufage quelles en font, qui eft de percer la terre & les racines pour s’y
loger. Leurs pattes font fi courtes qu’on les apperçoit à peine, ce qui
achevé leur reffemblanee avec le ver de terre. Elles fortent ordinairement
de terre depuis midi jufqu’à deux ou trois heures , & tout le refte du tems
s y tiennent cachées. C’eft ainfi qu’elles fe dérobent aux recherches des
Amateurs. Elles ne quittent apparemment cette retraite, que lorfqu’elles
ont pris leur accroiffement, c’eft-à-dire, vers le commencement de Juillet ,
& alors fe répandent tantôt fur le jafmin, tantôt fur les fèves de marais,
les choux, ôte. mais principalement fur les feuilles de pommes de terre. On
11e les trouve en effet que dans les mois de Juillet & d’Août. On a
remarqué quelles étoient plus communes dans les années chaudes. Le fond
de leur couleur eft un beau jaune citron, Fig. u, coupé, des deux
cotés du corps, par des bandes d’un verd nué qui traverfent obliquement
C1 ) Autre efpéce de laitue-romaine.