34 ITALIAN SCENERY, MANNERS , A N D CUSTOMS.
LES CHANTEURS.
I . A musique est un don naturel aux Italiens. Leur langue harmonieuse, remplie des voyelles
toutes claires, et dont la prononciation douce est si différente de cette des langues du Nord,
qu'un concoui-s de consonnes qui se heurtent rend âpres et rudes, leur donne exclusivement
ce jM-ivilege. Cependant cet avantage, mùmc accompagné de l à plus belle musique, leurseroit
tout à fait inutile sans une IxOle voix ; et les Italiens ont aussi i\ cet égard une supériorité décidée.
J1 y a en Italie, comme dans presque tous les pays, une classe de pauvres gens qui font
leur profession d'aller chanter dans les rues des ballades, ou des histoires en forme de
petits j)oemes. Ils ont à Florence des légendes en vere qui sont d'une antiquité bien reculée,
j)uisc[u'il paroît soit [)ar les expressions soit jxxr le style qu'elles dévoient être connues dans
le siècle du Dant e et de Pétrarque. Ceux qui ont véritablement une belle voix, chantent
par fois des morceaux de la Jérusalem Délivrée du Tasse, dont le favori de tout le monde, est
l'aventure d'Erminie, à commencer depuis la première stance du septieme chant, jusqu' à la
vingt-troisième ; episode que lesbergerset les paysans répètentaussi sans cesse dans les champs.
Les chanteurs des rues ne s'exposeroieut jamais en public sans une belle voix, et sans s'accompagner
de quelque instrument, qui est, pour l'ordinaire, la guitare. Ceux qui ont une voix
désagréable, ou qui jouent mal, se tiennent dans les endroits écartés de la ville; mais il arrive
bien souvent qu'on leur donne quelque chose pour qu'ils s'en aillent sans chanter. On souffre
plus patiemment ceux qui racontent en vers la vie et les miracles de quelque saint, dont la
féte approche ; et ils sont ordinairement bien pourvus de ces légendes sacrées, qu'ils chantent
huit jours avant et huit joure après la fête.
La scene représentée dans cette planche est à Rome, où l'on entend de très-belles voix, sur
tout de taille. Un e des trois figures bat la mesure sur sa-main avec un morceau de cuir. C'est
une espèce de bouffon, qui, chantant avec les autres, donne par des gestes bizarres et des contorsions
fort comiques, delà force à l'expression des paroles. C'est une amorcepour faire arrêter les
passans, et pour que ceux qui sont dans les maisons se mettent à la fenêtre. Loi-sque l'histoire
est presque à la lin, ce Ijoutlbn va faire le tour des spectateurs, son bonnet ou son chapeau à la
main, et la recelte est toujours en proportion du plaisir (¡u'il a procuré. Si c'est pendant la
nuit, ceux (jui jettent l'argent par la fenêtre l'enveloppent dans du papier, et avant de le jeter,
ils allument le papier par un bout, ce qui guide celui (jui le reçoit dans la rue. Quoique ces
chanteurs gagnent assez d'argent, d'ordinaire ils n'en sont pas plus riches, car aussitôt qu'ils en
ont assez pour faire un bon repas, ils "se retirent dans un cabaret, où ils dépensent tout jusqu'au
dernier liard.
Si Hi BBiH^ia HiH^BifiiaUBI