« les arbres, mais suspendu en l’air auprès de
« l’arbre où il prend sa nourriture. Il se soutient
« ainsi par un doux battement d’ailes, et en même
« temps il tire la rosée qui se conserve le plus
« long-temps au fond des fleurs à demi épanouies.
« C est en cette posture qu’il y a du plaisir à le
« considérer. Car, épanouissant sa petite huppe,
« on dirait qu’il ait sur sa tête une couronne de
« rubis et de toutes sortes de pierres précieuses.
« Et le soleil rehaussant toutes les riches enlu-
« minures de son plumage, il jette un éclat si
« brillant, qu’on le pourrait prendre pour une
« rose de pierreries animée et volant en l’air. Aux
« lieux où il y a plusieurs cotonniers, on voit
« ordinairement quantité de colibrys. Bien que
« son plumage perde beaucoup de sa grâce
« quand il est mort, si est-ce qu’il est encore
« si beau, que l’on a vu des dames en porter
« par curiosité pour pendans d’oreilles, ce que
« plusieurs ont trouvé leur être mieux séant que
« tous les autres. Ce merveilleux oiseau n’a pas
« seulement la couleur extraordinairement agréa-
« ble, mais il en a d’une sorte qui, après avoir
« récréé la vu e , contente l’odorat par sa suave
« odeur, qui est aussi douce que celle de l’am-
« bre et des muscs les plus fins. Il bâtit le plus
« souvent son nid sous une petite branche de
« quelque oranger ou cotonnier; et comme il
DES TROCHILIDE/ ES. 2 0C
est proportionné à la petitesse de son corps,
1 le cache si bien parmi les feuilles, et le met
si industrieusement à l’abri des injures de 1 air,
qu’il est presque imperceptible. Il est si bon
architecte, que pour n’être point exposé aux
vents du levant et du nord, qui soufflent d’ordinaire
en ces pays-là, il place son nid au
midi. Il le compose au dehors de petits filets
d’une plante que l’on nomme p ite1 et dont nos
Indiens font leurs cordes. Ces petits filamens
sont déliés comme des cheveux, mais beaucoup
plus forts. Il les lie et les entortille avec son
bec si serrément a l’entour de la petite branche
fourchue qu’il a choisie pour y perpétuer son
espèce, que ce nid étant ainsi parmi les feuilles,
et suspendu sous la branche, se trouve ,
comme nous l’avons dit, et hors de la vue et
hors de tout péril. L ’ayant rendu solide et rem-
paré au dehors par ces filamens et par quelques
brins d’écorce et de menues herbes entrelacés
les uns dans les autres avec un
merveilleux artifice, il le pare au dedans du
plus fin coton et d’un duvet de petites plumes
plus molles que la soie la plus déliée. La femelle
ne fait communément que deux oeufs,
qui sont en ovale, et de la grosseur d’un pois,
ou si vous voulez d’une perle de conte. Notre
brave voyageur ne se taira pas sur cette matière :