II. Que l’émanation de cette matière dépend de la volonté & de la
fanté du poiffon ; ce qui caufe les différens effets que l’on a remarqués
dans diverfes expériences.
III. Que la matière éleétrique animale eft d’une autre nature que la
matière électrique ordinaire, fans quoi elle devroit fuivre en tout tems
les corps propres à la conduire. De plus, que le tems humide & les
corps mouillés augmentent l’effet de cette éleétricité; au lieu qu’ils
nuifent à celui de l’éleétricité ordinaire.
IV. Que le poiffon produit en lui - même la matière de l’éleétricité,
puifqu’elle n’exifte plus dans ceux qui font morts ou malades.
V. Que pour l’émanation de cette matière, il eft néceffaire qu’il y ait un
mouvement des mufcles, fur-tout de ceux du dos; car dès qu’on empêche
leur mouvement en ferrant le poiffon au dos, il n’y a nulle commotiomu::
VI. Comme la torpille produit tous ces phénomènes, ils viennent aufli
fans contredit d’une éleétricité, animale'; ce qui détruitutoutes les hypo-
thèfes que l’on a imaginées depuis deux mille ans pour les expliquer.
Cette propriété éleétrique fert proprement au poiffon pour fe procurer
de la nourriture & pour fe défendre contre fes ennemis. Dans le premier
cas, il étourdit les petits poiffons, & s’en émpare dans cet état; & dans
le fécond cas, il étourdit aufli les gros poiffons voraces qui veulent
l’attaquer; & fe met par-là en fureté.
Quoique les expériences que nous venons de rapporter prouvent
l’exiitence de la matière éleétrique, plufieurs naturaliftes ont été cependant
contraires à cette opinion, parce qu’on ne voyoit aucune étincelle.
Mr. Walsh, qui, par fes expériences faites à la Rochelle, prouva l’éleétricité
de la torpille, ne put produire non plus des étincelles. Mr. Ravendifch
tâcha de montrer par des.expériences, que par la; bouteille derLeyde on
pouvoit aufli produire une commotion dont les étincelles feroient très-
foibles. Cela ne fuffit pas pour lever les doutes; car on voit toujours une
foible étincelle ; & l’on n’en apperçut point dans les expériences de
Mr. Walsh, quoique la torpille fut très-groffe. Après cela, Mr: Walsh
fit venir de Surinam quelques anguilles tremblantes; mais elles moururent
en chemin, ainfl que celles que Mufchenbroeck avoit demandées. Pour
s’en procurer, il propofa une récompenfe affez confîdérable pour chaque
poiffon de cette efpèce qu’on lui remettroit vivant. On prit plus de foin
pour les apporter; & il eut le plaifir de recevoir à Londres quatre anguilles
tremblantes toutes vivantes. On voit par une lettre qu’il écrivit à Mr. le
Roi a ) , qu’il a rendu vifibles les étincelles éleétriques'de la manière
a) Ro{icr. Journal de Phyfique. Année 1774.
fuivante: Il pofa une feuille de métal fur un difque de verre; il la fendit
par le milieu ; & lorfqu’il tira le poiffon de l’eau, & qu’il l’excitât, il vit
paffer les étincelles éleétriques d’une feuille de métal à l’autre. On n’a
aucune raifon de douter, de l’exaétitude de cette expérience;; car le
Chevalier Pringle & Mr. Magellan .ont affuré Mr. le Roi qu’ils avoient
vu le paffage des étincelles, ainfl que plufieurs autres favans ; & que
1 expérience avoit été répétée dix ou douze fois avec le même fuccês.
Mr. Magellan ajoute encore que vingt -fept perfonnes de la compagnie
s’étant prifes par les mains, en formant un cercle, & la première ayant
touché 1!anguille , toutes reçurent un coup femblable à celui que fait
éprouver la bouteille de Leyde /;). ,
On prend l’anguille tremblante au filet; & brique les pêcheurs en ont
pris une groffe. ils l’àffomment avec une maffue, pour ne pas s’expofer à
la commotion. A Surinam, on conferve les jeunes dans de larges huches
faites exprès; & on les nourrit avec des petits poiffons, ou au défaut
avec des vers de terre. Les infeétes, font ce qu’elles aiment le mieux;
car elles les avalent avec beaucoup d’avidité, dès qu’on les • leur jette
dans l’eau. Comme la peau de ce poiffon jette une matière vifqueufe
fort confîdérable, il faut changer l’eau, au moins d’un jour à l’autre. On
met . à la huche une canelle, par où on fait ’ écouler l’eau. A c e t te
occaffon, on laiffe fouvent le poiffon pendant quelques heures à fec &
fans mouvement; & quand on le touche dans cet état, il caufe une
commotion aufli forte qu’auparavant
. La manière dont ce poiffon fe reproduit eft incertaine. Il paffe pour
être de bon goût; & les Indiens le mangent aufli bien que les Européens.
Mi-. Humer a fait graver fur trois planches les mufcles & les nerfs de
ce poiffon c). Il a apperçu trente-quatre mufcles qui régnent depuis la
tête jufqu’à la queue,. ¡& qui font attachés à l’os vertical. Fermin prétend
aufli avoir trouvé deux différentes efpèces de mufcles d"). Mais on ne peut
conclure de-là avec certitude, que ce poiffon ait une direétion de mufcles
qui lui foit particulière, jufqu’à ce que l’on ait difféqué aufli èxaétement
plufieurs poiffons de ce genre, & qu’on les ait comparés. Cependant,
comme perfonnene nous a encore rien dit desintéftins, je me crois obligé
de les décrire tels que je les ai trouvés dans le poiffon que j’ài difféqué, Ce
poiffon avoit deux pieds & demi de long; la cavité du bas-ventre étoit
de quatre pouces; la peau étoit épaiffe, dure & de la nature du cuir.
Non loin du menton, on trou voit l’anus & l’uretère. Tous les deux
b ) Roycr. Journil de Phyfique. Annie 1774. d) Defcript. de Surin. Tom. ir. p. i& .
c ) Philof. Tranfaû. Tom. LX V . pl. i— 3.