L’éleétromètre ne marqua plus l’électricité ni quand il étoit au - deflus
du dos de l’anguille, ni quand il étoit arrêté fur la perfonne qui recevoit
le coup.
Dix-neuvième Expérience. Une perfonne tint dans une main une
phiole préparée pour des expériences éleéfriques, & pofa l’autre fur la
queue du poiffon; pendant que fon compagnon tenoit dans une main un
court fil d’archal qui communiquoit avec la phiole. De l’autre main, elle
prit le poiiïon par la tête, & reçut une vive commotion dans la main &
dans le bras; mais l’autre ne fentit rien.
Vingtième Expérience. Il prit deux fils de métal de la grolfeur d’une
plume de corbeau, & arrondis par les bouts. On les pofa fur du bois,
tellement vis-à-vis l’un de l’autre, qu’ils n’en étoient éloignés que d’un
tiers de pouce. Il tint un bout du fil dans une main, & pendant que
fon compagnon prenoit dans la main le bout de l’autre fil, l’un d’eux
mit la main dans l’eau près de l’anguille, & l’autre toucha l’anguille
avec fa main libre. Ce dernier reçut un coup, & le premier ne fentit
rien. Il répéta la même expérience jufqu’à quinze ou vingt fois, &
toujours avec le même effet. Mais lorfque ces mêmes fils étoient à la
diftance de l’épailfeur de deux feuilles de papier à lettre, la commotion
fe communiquoit vivement à l’un & à l’autre. Dans ce dernier cas,; les
étincelles éleétriques avoient fans doute paffé d’un fil dans l'autre; mais
on ne put parvenir à rendre ces étincelles vifibles. Vers la fin de ces
expériences, il remarqua que l’anguille ne fe laiffoit pas irriter, &
paroilfoit être malade ; car il lui avoit fouvent paffé la main fur le dos &
fur les côtés de la tête à la queue ; il avoit même forti de l’eau une
partie de fon corps, fans que le poiffon oppofât la moindre réfiftance.
Il réfulte de ces expériences :
i°. Que cette anguille peut fane éprouver un fentiment douloureux à
toutes les créatures qui s’approchent d’elle.
a°. Que cet effet dépend de la volonté de l’anguille; de forte qu’il peut
peut être plus ou moins fort, félon l’état où fe trouve le poiffon.
3°. Que le coup ou la douleur qu’elle fait éprouver n’eft point un effet
immédiat du mouvement des mufcles de l’anguille, puifqu’elle produit cet
effet à un certain éloignement d’elle, & puifqu’on peut le propager par
le moyen de certaines fubftances, tandis qu’on ne reffent rien par d’autres
corps d’une dureté & d’une tenfion égales.
4°. Que le coup provient d’une certaine matière fluide, qui fort
du poiffon.
D E l ’ A N G VI LLE TREMBLANTE. 43
5 •. Que cette émanation de l’anguille fait fur les corps humains le
même effet que la matière électrique, & produit la même fenfation; &
qu’elle tue ou étourdit les animaux de la même manière que nous le
Voyons dans l’électricité ordinaire. Enfin, que tous les corps qui conduifent
là matière électrique, 1 produifent ici le même effet; & qu’au contraire
tous les corps qui arrêtent la matière électrique, l’interrompent aufii
dans les expériences faites fur ce poiffon i d’où l’on peut conclure avec
affurance que cette anguille eft pourvue d’une matière éleétrique.
Cependant, il y a plufieurs expériences qui paroiffent fe contredire.
Par exemple, Ingram raconte qu’il a reçu la commotion avant que de
toucher l’eau r); Mr. de la Çondamine, qu’il l’a éprouvée en la touchant
avec un bâton u). Le premier, au contraire, affure qu’on n’éprouve
aucune fecouffe en la touchant avec un bâton v ), & van der Lott, qu’il
n’en a éprouvé aucune avec du plomb & du fer-blanc ; - Williamfon x~),
Heiden y') & un jeune Nègre ç ) ont pu le tirer de l’eau fans rien
reffentir. Mais toutes ces contradiétions difparoiffent, fi nous confidérons
attentivement ce poiffon; nous verrons alors :
i°. Que quand il eft tranquille, il ne caufe aucune commotion.
s,0. Que lorfqu’il eft en colère ,'il en produit une d’autant plus vive,
qu’il eft excité davantage par l’attouchement,
3b. Qu’un poiffon frais produit cet effet d’une manière beaucoup plus
forte que celui qui eft depuis longtems dans un vafe.
. 40. Qu’il ne produit cet effet que par les corps qui fervent ordinairement
de conducteurs à la matière éleétrique ; & qu’il ne le produit point par
ceux qui font éleétriques,
5°. Que ce poiffon, dans un certain éloignement, fans être touché
immédiatement, peut produire une commotion.
6°. Que lorfqu’on prend le poiffon par le dos avec les deux mains en
même tems, & qu’on le ferre , il ne caufe aucune commotion,
7°, Que quand ce poiffon eft malade, il ne produit que foiblement ou
point du tout cet effet; & qu’il ceffe toujours dès qu’il eft mort,
g°. Qu’il peut tuer ou étourdir les poiffons fans les toucher.
On peut conclure de-là avec certitude :
I. Que la matière qui caufe la commotion eft d’une nature, éleétrique, .
t ) Neue phyfical. Beîuftig. Tom. I. p. içjôi
u ) Allgem. Reif. Tom. XIV. p. 13a.
V) Au livre eitc. p. ap r.
Part. V.
x ) Allgem-. Magaz. Torii. XIÎ. p. io ç .
y ) Neues Hamb. Magazt aotes St. p» ig i»
j ) Au livre cité» 73 tes St» p. ß a»
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