siècle, quoiqu’infatigable dans ses recherches, n’avait transmis que des noms.
Les plantes que T o u r n e f o r t et A n t o i n e d e J u s s i e ù y avaient cueillies,
étaient cachées dans les herbiers; un petit nombre seulement, tiré de
l’oubli par L a m a r c k , se trouvait décrit dans l’Encyclopédie méthodique.
V a n d e l l i n’avait publié que peu d’Ouvrages, nullement libres d’erreurs.
Il parut donc valoir la peine, de revenir sur lexamen de ce pays charmant,
auquel le climat le plus doux prodigua tant de bienfaits, et de s’occuper
enfin de la Flore d’une aussi belle contrée de l’Europe. L e Comte, de
retour en Allemagne, sa patrie, croyant que le nombre des objets d’Histoire
naturelle à examiner exigeait plus d’un observateur, s’associa H e n r i
F r é d é r i c L i n k , Professeur de Botanique et de Chimie à l’Université dé
Rostock. Il ne balança point en outre, de se charger de toutes les dépenses
de l’expédition, quelque considérables qu’elles lussent. Il se pourvut à cet
effet, d’un choix de livres, d’un herbier de plantes septentrionales, de
div.ers instrumens, enfin de tout ce qui parut nécessaire pour démêler durant
le voyage même, ce qui mériterait principalement de fixer l’attention.
C’est ainsi que, bien équipés* nous quittâmes Y Allemagne en 179 7, à
bord d’un navire qui de Hambourg faisait voile pour Lisbonne. Mais
forcés par des vents contraires, à relâcher .près de Douvres, et ayant passé
de là à Calais> ce ne lut qu’après avoir traversé toute la Franc e et
Y Espagne, que nous arrivâmes en Portugal? vers le printems de: l’an 1798-
Une reconnaissance bien due rappelle à notre souvenir lès célèbres
Savans, qui dans ce voyage voulurent bien seconder nos. études par une
complaisance sans bornes; surtout A n t o i n e L a u r e n t d e J u s s i e ù , ^sous
les auspices duquel nous admirâmes les richesses du Jardin des plantes;
R e n é D e s f o n t a i n e s , qui nous démontra sans réserve les végétaux
recueillis par lui en Barbarie, contrée dont les productions, comme l’on
sait, sont trèst analogues à Celles du Portugal; enfin J o s e p h G a v a n i l l e s ,
de qui nous reçûmes le présent généreux d’un grand nombre de plantes
choisies de l’Espagne. Hélas!, les expressions de nos sentimens ne lui
parviendront plus! Tous les Botanistes pleurent la perte de. cet homme
estimable, mais particulièrement ceux qui eurent le bonheur de le voir
et de l’entendre.
Les environs fleuris de Lisbonne furent les premiers qui arrêtèrent
nos reg'ards. Nous y trouvions avec surprise tantôt des collines tapissées
d’une brillante verdure, abondantes en végétaux de la plus^grande beauté
et rareté, tantôt des» campagnes sablonneuses, couvertes à perte de vue
d un taillis de différentes Bruyères, varié en mêmé tems . par plusieurs
espèces de Cistes. A peine pouvions - nous en croire nos yeux, lorsque
nous apercevions tant de plantes' inconnues, et qu entourés de végétaux
moresques, il nous semblait voir la Flore de Barbarie émigrée en Europe.
Vers le Nord s’élèvent autour de Cintra, de hautes montagnes rocailleuses,
où parmi les plantes septentrionales, on en rencontre des Canaries. Vers
le Sud, la chaîne appellée d’A rra b id a , suspend sur l’océan ses cimes
ornées de superbes Orchidées; Ayant observé ces objets, nous fûmes
visiter les provinces boréales du Royaume. L a route nous conduisit
successivement aux endroits: C a ld a s - d a - R ainha, L e ir ia , Alcobaca et
Coimbre. C’est dans cette dernière ville, que nous eûmes l’avantage de
faire la connaissance du célèbre Professeur de Botanique F é l i x A v e l l a r
B r o t e r o, et bientôt une étroite amitié nous lia à cet aimable Savant. Il
devint le compagnon de nos travaux; car ce fut lui qui guida nos
recherchés jusque dans les recoins les plus cachés du vallon délicieux
qu’arrose le M on dego, souvent chanté par les poètes, et vraiment digne
des éloges qu’ils lui prodiguent.
Il fallut cependant quitter notre ami, -pour nous avancer vers la ville
de P o r t o , où les rives du D ouro nous fournirent un grand nombre
de plantes dont les graines sont sans doute apportées d’Espagne par le
débordement des eaux de cette rivière. Nous traversâmes ensuite la
province dYEntre-Douro - e -M in h o , jusqu’au sommet de la chaîne de
montagnes S e r ra - d e - G-erèz, nommée ~ en Latin Juressus, qui touchant à
la Gallice, forme de ce côté la frontière d’Espagne. L ’Europe méridionale
possède à peine un second site qui puisse être comparé à cette charmante
contrée. Des bosquets continus de Chênes et de Châtaigniers ombragent
les campagnes. L a vigne; ¡entrelacée aux arbres, grimpe par un essor peu
commun jusqu’à leur sommet, et retombe en ¿guirlandes d’une façon
pittoresque. Moitié cachées par le feuillage, paraissent dispersées çà et là
le s 1 maisons champêtres des habitans de cétte Arcàdie, oùr ils vous reçoivent
avec une franche gaieté. Ce Tempe Lusitanien est arrosé par des ruisseaux
murmurans, d’une fraîcheur admirable, qui tombant des montagnes escarpées
en petites cascades, et coulant dans des lits d’une mousse toujours
verdoyante, désaltèrent le sol échauffé par un soleil très-actif. Parvenu
au sommet de ces hauteurs, vous êtes arrêté par des rochers à pic;
d’immenses précipices défendent au voyageur de passer outre, et de troubler
le gîte de la Chèvre sauvage’ dont il foule la piste.
Abandonnant à regret ce pays romantique, nous retournâmes vers la
chaîne de montagnes dite S e r r a - d e - M a râ o , et descendîmes dans la
profonde vallée du D ou ro , brûlante en été, où se trouve placé le bourg
Pezo - d a -R e g o a , dont les environs produisent la première qualité de ce
vin spiritueux, qui tire son nom de -la ville de Porto, parce que c’est là
qu’il s’embarque. Après être remontés aux plaines opposées, il nous fallut
gravir les plus hautes montagnes de tout le Portugal, dites^par les anciens
Romains Herminius, et que l’on nomme aujourd’hui Serra - d ’Estrella.
L ’été très - chaud de cette année y avait dissout alors toute la neige qui
* Capra Aegagrus Linn. Sysc. nat. Ed. Gmel. T. I. P. i. p. 193, animal devenu très-rare en Europe, et dont
alors nous eûmes occasion de nous procurer un individu.