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aura touchées, & tout de fuite il fe mettra en devoir
de fuivre. Si le loup va de bon tems , & que
le chien en veuille un peu, on le verra fuivre affez
gaiement , pourvu que l’on ait foin de l’animer de
tems en tems fur les voies ; mais file loup eft rentré
de grand matin, & qu’on n’en rencontre pas de
bonne heure , le limier ne pourra pas en emporter
les voies, fur-tout fi le loup perce & va demeu-
j-gr un peu loin | car il faut qu un chien ait un nez
excellent pour pouvoir détourner un loup qui iroit
lus long-tems que deux heures & demie ou trois
eures, & il faüdroit, pour qu’il pût ne pas l’abandonner,
qu’il n’y eût dans les buiflbns ni bêtes fauves
ni chevreuils,ou que le limier eût été drefleà ne vouloir
uniquement que du loup. Lorfque le veneur verra
par la façon du chien que c’eft du loup dont il s’agit,
c ’eft à lui à tâcher de revoir fi le loup efi feul ou accompagné.
Ordinairement ils vont deux enfemble ;
ce n’eft que. par un tems de beau revoir qù’on
peut en diftinguer le nombre & la qualité, & cela
en examinant avec attention les vo ie s , conformément
à ce qu’on en a’ dit ci-deffus, en parlant de la
différence des piés du loup & de la louve.
Maniéré défaire le rapport du loup que Von a détourné.
On voit qu’il n’eft pas fi aifé de connoître du loup
que de toutes autres bêtes : il faut qu’un veneur ait
par-devers lui beaucoup d’expérience, & qu’il foit
bien connoiffeur pour obferver jufte & f e mettre en
état de faire un rapport exaét.
Voici comment fe fait ordinairement le rapport.
Je crois avoir détourné un ou deux loups, ou bien
un loup & une louve, ou plufieurs enfemble, félon
les indices que l’on en a : ils viennent du côté de tel
buiflbn, ou bien ils reviennent de la pâture du côté
de tel village , ils ont fait tel abbatis de bêtes fauves
que j ’ai trouvées en les fuivant, & de-là ils vont
demeurer dans tel buiflbn. J’ai fait grande fuite
après, & comme je crois que leur droit chemin eft
d’aller du buiflbn où j’ai lieu de penfer qu’ils demeurent,
en tel autre buiflbn, il y a un beau détroit
pour y faire l’accourre , & des lieux avantageux
pour y placer les lévriers.
Maniéré de placer les lévriers „
Les lévriers pour le loup font partagés en trois
laiffes différentes, les uns s’appellent lévriers d’eftric ;
les féconds, lévriers compagnons , que l’on appelle
aufli lévriers de flanc ; & enfin les lévriers de tête : il
doit y avoir ordinairement deux laiffes de chaque
efpece, & chaque laiffe eft de deux ou trois lévriers.
On place d’abord les deux laiffes d’eftric au bord du
buiffon où les loups ont été détournés à-peu-près
dans l’endroit où l’on imagine qu’ils pourront donner
en iortant. Ces deux laiffes doivent être fépa-
rées l ’une de l’autre d’environ deux ou trois cens
pas , plus ou moins, félon la fituation du lieu. Chaque
laiffe doit être appuyée d’un cavalier qui aura
foin de fe cacher avec les lévriers dans le bord du
bois à bon vent pour pouffer les loups, quand les
lévriers d’eftric feront lâchés , & pour faire enfoncer
dans l’accourre. A cinq ou fix cens pas de ceux-
ci ., environ à moitié chemin entre les deux buif-
fons doivent être poftés les lévriers compagnons ;
on place-les deux laiffes de ceux-ci vis-à-vis l’une
de l’autre, de façon que le paffage du loup foit entre
deux. On doit avoir l’attention de tenir ceux-ci encore
plus cachés que les autres, de peur que les loups
ne les apperçoi vent, & les valets de chiens attendront
pour les lâcher que le loup foit prêt à paffer. Enfin
les lévriers de tête doivent être placés près du buiffon
où l ’on croit que le loup doit fe rendre : & lorfm
m
qu’on le verra s’approcher, pourfuivi par les autres
chiens , il faut s’avancer avec les lévriers de tête,
la laiffe détachée pour les lâcher à l’arrivée du loup.
Ces derniers qui font plus grands & plus furieux que
les autres , réduifent bientôt le loup aux dernieres
extrémités ; les valets de chiens doivent alors appuyer
les limiers, & s’approcher au plutôt du loup.
Dès que les chiens le tiendront, ils auront foin de
fe munir de gros bâtons courts pour fourrer dans la
gueule du loup aufli-tôt qu’ils feront à portée de le
faire, parce que cet animal ne lâchant point prife
dès qu’il tient quelque chofe dans fa gueule, le bâton
qu’on lui préfente garantit les chiens des bleffures
qu’il pourroit leur faire. Les veneurs fe ferviront
enfuite de leur couteau de chaffe, &ils obferveront
en s’approchant du loup pour le percer, d’avoir toujours
une main fur la pointe de leur coùteau , de
crainte de bleffer les chiens. J’en ai vu loûvent d’ef-
tropiés faute de prendre*cette précaution. Quand
on trouve le moment favorable de percer le loup,
on lui fournit le coup à-travers le corps , près de
l ’épaule.
Maniéré de chaffer le loup avec les chiens cour ans*
Pour bien faire cette chaffe, il faut avant toutes
chofes placer les lévriers comme on l’a dit au pa-*
ragraphe précédent. On poftera enfuite au bord du
buiffon du côté que l’on ne veut pas que les loups
fortent, une douzaine d’hommes ou environ, à chacun
defquels on donnera une creffelle pour s’en fer-
vir dans l’occafion. On aura foin de les ranger à foi-
xante pas l’un de l’autre , plus ou moins , félon la
largeur du buiffon. Lorfque tout fera prêt, le commandant
donnera l’ordre , & à l’inftant on mènera
les chiens aux brifées pour les y découpler. Le pi*-
queur appuyera les chiens fur les brifées dans les
forts, afin de les faire quêter, & il les conduira toujours
fur les voies du côté que l’on croira que les
loups vont demeurer , en les animant continuellement
par les cris de hala ila la tayau , velleci aller ;
i l fonnera de tems en tems pour les faire quêter,
peut-être le bruit des chiens fera-t-il fortir le loup
du liteau long-tems avant qu’ils arrivent, mais quelquefois
aufli il attend que les chiens foient près de
lu i, pour prendre la fuite. Alors fi le veneur l’ap-
perçoit, il doit crier aux chiens en ces termes : Ve-
lelau velelau , harlou, harlou , yelleci aller. Il fonnera
enfuite pour faire prendre les voies, & après il leur
criera, harlou, chiens harlou, veleci aller. Et lorfque
les chiens auront pris les voies , ils ne manqueront
pas d’aboyer le loup & de le chaffer avec chaleur ;
alors le piqueur fonnera pour chiens, afin de les animer
de plus en plus.
Le loup ainfi pourfuivi fera peut-être quelques
tours dans le buiffon avant que de fortir, afin de
prendre le vent pour fuir ; mais alors ceux qui feront
placés aux défenfes fe ferviront de leurs cref-
felles dont le bruit empêchera le loup de fortir de
ce côté-là, & on ne lui laiffera pour toute fortie que
l’accourre à bon vent. Pendant que le loup eft ainfi
en fufpens fur la voie qu’il doit prendre, les chiens
le prefferont toujours vivement appuyé du piqueur
qui criera fans relâche : Ha il fuit la chiens f i l fuit la
ha ha. Enfuite il fonnera deux mots , & recommencera
à crier : Hou, velleci aller , velleci aller. Enfin
le loup fe voyant preffé par les chiens, par les cris
des chaffeurs, & par le bruit de ceux qui font aux
défenfes , prend le parti de fuir par l’endroit où il
n’entend point de bruit qui eft précifément l’endroit
de l’accourre. Il s’arrête un inftant au bord du bois,
pour regarder s’il n’y a perfonne, & il part tout de
fuite pour paffer la plaine. On le laiffe avancer.en-
viron une centaine de pas , & à l’inftant on lâche
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après üi les lévriers d’eftric , Su enfuite les autres
dans le même ordre dont on a parle ci-deffus: deux
cavaliers piquent en même tems après lui , pour
l’obliger à s’avancer dans l’accourre ; car il eft très-
important que le loup y donne , fans cela il feroit
manqué , parce que l’on n’entreprend guere de forcer
le loup à la courfe. Il faüdroit, pour y réuflir,
être bien fur de fes relais, que les chiens fuffent dref-
fés uniquement pour le loup , ou qu’il n’y eût dans
la forêt ni bêtes fauves, ni fangliers ; encore cette
efpece de chaffe feroit-elle longue & pénible, parce
que les loups font bien en haleine en quelque tems
que l’on veuille les courre , & tiennent quelquefois
les chiens pendant fix ou fept heures de fuite : c’eft
pourquoi l’on ne s’avife guere de vouloir les forcer
à la courfe. Les lévriers placés aux accourres abrègent
beaucoup cette chaffe, & la rendent aufli bien
plus amufante pour ceux qui en font fpeûateurs.
Ajifli-tôt qu’on a pris un loup, il faut l’abandonner
aux chiens courans qui arrivent prefque à l’inftant,
parce qu’autrement les lévriers fe jetteroient fur les
chiens : il eft donc à propos de les retirer promptement
, & de les remettre en laiffe pour retourner
en requêter un autre ; car il eft facile de prendre
plufieurs loups dans un même jour. Lorfqu’on a
ce deffein, il faut que chacun reprenne fon pofte
exaétement ; pour ceux qui font placés aux défenfes
, ils ne doivent point quitter leur place qu’ils
n’en ayent ordre.
Lofque le loup eft à fa fin, on fonne fa mort par
trois mots du gros ton de la trompe ; on met pié à
terre , on careffe les chiens pour les exciter à le
fouler. C ’eft au premier piqueur à lever le pié droit
de la bête qu’il va préfenter au commandant de l’équipage.
Maniéré de courre la louve & les jeunes loups.
On obferve à-peu-près les mêmes chofes à la
chaffe de là louve qu’à celle du loup ; même façon
de pourfuivre, mêmes cris : mais pour ce qui eft des
jeunes loups, on les chaffe plus hardiment ; on va
les attaquer jufques dans leurs forts avec les chiens.
Aufli-tôt que les chiens les ont trouvés , la peur les
"faifit, ils s’écartent de côté & d’autre , fans cependant
quitter le buiffon. Alors les chiens les chaffent
félon qu’ils les rencontrent dans les forts. Le piqueur
doit fuivre & appuyer fes chiens par trois
mots du premier grêle de fa trompe , & leur parler
vivement dans ces termes : Harlou, harlou, hou vel-
leci. Cela rechauffe les chiens & les enhardit, on
verra même qu’ils reprennent de nouvelles forces,
& qu’ils fe jettent avec ardeur fur les jeunes loups.
Lorfqu’ils les ont mis à bout, le veneur les achevé
avec le couteau de chaffe, toujours avec la précaution
dont on a parlé ci-deffus, de peur de bleffer les
chiens.
S’il y avoit dans la meute de jeunes chiens qui
n’euffent point encore chaffé , bn pourroit les faire l
commencer par la chaffe des jeunes loups en les i
joignant avec de vieux chiens bien dreffés. Ils ap-
prendroient promptement , & feroient bientôt en
état de chaffer. Il faut dans ces commencemens les
animer & les encourager en les eareffant fouventde
la main ; & lorfque les jeunes loups font pris, il faut
les en faire approcher & les faire fouler avec les
autres.
La chaffe finie , on fonne la retraite , on raffcm-
ble tous les chiens, & l ’on emporte les loups qu’on
a pris.
Curée du loup.
La curée du loup fe fait bien différemment de
celle des cerfs , chevreuils & autres bêtes qu’on
abandonne aux chiens fur le champ. Le fentiment
du loup eft extrêmement for t, & les chiens n’en
. goûteroient point fi l’on n’avoit foin de le leur dégui-
fer.On a même remarqué que des chiens qui a voient
affez d’ardeur pour fuivre le loup à la chaffe n’o-
foient en approcher pour le fouler lorfqu’il* étoit
pris ; ce n’eft qu’avec beaucoup de précaution 8z
des careffes fouvent réitérées qu’on peut avec le
tems vaincre l’averfion qu’ils ont pour la chair de
cet animal.^ Voici de quelle façon on s’y prend
pour la curée.
Il faut d’abord dépouiller lejou p, Je vuider & lui
lever la tête que l’on doit couper par le noeud du
coup : on y laiffe la peau & les oreilles : on partage
enfuite les quatre quartiers que l’on fait rôtir
avec le corps dans un four bien chaud. Pendant
que le toutle rôtit, on met dans un ou plufieurs baquets
quantité de petits morceaux de pain, on jette
par-deffus les quartiers du loup que l’on coupe par
petits morceaux au fortir du four ; enfuite on verfe
par-deffus le tout une grande chaudière d’eau bouillante,
dans laquelle on aura mêlé pendant qu’elle
chauffoit trois ou quatre livres de graiffe , & l’on
remue bien le tout enfemble. Lorfqu’on voit que
tout eft bien trempé , on repverfe ce qui eft dans
les baquets fur un drap de groffe toile faite exprès,
& on remue encore une fois , afin que ce mélange
■ qui eft encore un peu chaud, foit en état d’être mangé
par les chiens.
Lorfque tout eft prêt pour la curée, ^premier
piqueur prend les houflines de la main du premier
valet de chiens , il en préfente deux au commandant
de l’équipage, qui en donne une au feigneur auquel
il appartient ; on en donne aufli par ordre à tous
ceux qui font préfens à la cu rée, félon la qualité
de chacun. Les houflines diftribuées , on ouvre le
chenil, & les piqueurs fonnent la curée, comme on
l’a obfervé dans les autres chaffes. On tient pendant
ce tems-là la peau & la tête du loup devant les
chiens, afin qu’ils s’accoutument à cet animal. Après
qu’ils ont mangé la mouée, on leur préfente à trente
pas de-là le corps du loup rô ti, auquel on a rejoint
la tête. Le meilleur moyen de leur en faire manger
eft de le leur montrer au bout d’une fourche, & de
les animer de la voix & de la trompe : ils ne manqueront
pas de fe jetter deffus à l’envi l’un de
l’autre.
Cette curée eft pour l’hiver ; pour l’été , il y a
' quelque différence : on en fait rôtir de même les
•quatre quartiers que l’on coupe par morceaux ; mais
au lieu d’eau bouillie avec de la graiffe , on prend
deux ou trois féaux de lait , dans lequel on met
quantité de morceaux de pain bien menus ou de la
farine d’orge ; on mêle le tout enfemble, & on leur
préfente cette mouée de la même façon que la première.
Les chiens en mangent volontiers, & elle eft
très-rafraîchiffante pour eux : on leur donne enfuite
le corps à manger, comme on vient de le dire.
P L A N C H E V I .
Chaffe du renard, &c.
La vignette repréfente l’ufage de plufieurs pièges
pour prendre les renards, loups, &c. Elle eft aufli
tirée de Rhidinger.
Fig. i re. repréfente une foffe couverte d’une trape
circulaire ou quarré mobile, fur un axe horizontal.
Cette trape doit être couverte de moufle,
d’herbes, &c. enforte qu’elle foit â-peu-près fem-
blable au fol des environs : on doit aufli fermer
les côtés de la foffe, vis-à-vis les extrémités de
l ’axe ; enlorte que la trape étant placée dans
une coulée, les renards ou loups ne la puiffent